Introduction

A l’occasion de la parution de sa dernière publication, « Une enquête sur les massacres en Algérie », les Editions Hoggar à Genève ont organisé en association avec la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) et le Syndicat national des avocats algériens (SNAA) une tournée d’information sur l’évolution la situation des droits de l’homme en Algérie. Cette tournée a porté à la fin octobre – début novembre 1999 sur trois pays européens : la Suisse, la France et le Royaume-Uni. La deuxième étape de cette tournée sera consacrée à l’Amérique du Nord.

Plusieurs organisations, associations et personnalités ont participé à l’organisation locale de cette manifestation, principalement : l’association REHAB pour la réhabilitation des survivants de la torture (Lausanne), Amnesty International (section de Marseille), l’Alliance Zapatiste de Libération Sociale (Paris) et Lord Eric Avebury (Londres).

La délégation qui a participé à la tournée d’information était composée des avocats Me Ali-Yahia Abdennour (président), Me Mahmoud Khelili, Me Rachid Mesli et Me Brahim Taouti ainsi que du Dr Abbas Aroua.

Lors de cette tournée d’information, la dernière publication des Editions Hoggar portant sur les massacres en Algérie a été présentée au public, aux différents organismes officiels et semi officiels des pays visités ainsi qu’à diverses organisations internationales y compris non-gouvernementales. Le Haut Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Madame Mary Robinson, a qualifié le rapport de « document d’expertise« , y voyant « une source d’inquiétude« .

Le message de la délégation, la couverture médiatique de la tournée et les programmes dans les pays visités sont présentés ci-après. Les textes des différentes interventions des membres de la délégation sont accessibles, il suffit de cliquer sur le texte choisi.

Le principal message délivré par la délégation est la nécessité de maintenir la vigilance contre les violations massives des droits de l’homme commises par le pouvoir et ses milices. Il ressort de la tournée d’information que :
 

• la nomination de monsieur Abdelaziz Bouteflika ne constitue pas un changement du régime en Algérie. Il existe toujours « un pouvoir réel et un pouvoir apparent », le pouvoir réel étant détenu par les « décideurs » militaires qui ont fixé au pouvoir apparent  « la ligne rouge » à ne pas dépasser ;
• le discours de monsieur Bouteflika suggère qu’il y a eu un changement de politique. En effet, son discours rompt avec celui de ses prédécesseurs. Il s’agit d’une rhétorique séduisante qui fait référence à des valeurs telles que : la paix, la réconciliation, la tolérance, le respect des droits de l’homme, la démocratie, etc. Mais, ceci n’implique pas un véritable changement, pour la simple raison que le processus politique est toujours sous le contrôle des militaires. C’est ainsi, par exemple, que :

1  Monsieur Bouteflika lui-même se trouve, six mois après sa nomination, incapable de former un nouveau gouvernement dû au refus des militaires de sa composition d’un nouveau cabinet, et contraint au compromis,

2  l’opposition politique crédible se trouve privée de tout espace d’expression et les médias sont sous contrôle total, ce qui est un signe révélateur de la superficialité du processus politique en cours,

3  le nouveau discours du pouvoir vise à diviser les droits de l’homme en privilégiant (par le discours) les droits économiques au détriment des droits civils et politiques ;
 
 

• la loi sur la concorde civile ressemble à la loi sur la rahma qui fut un échec suivi par des massacres de grande ampleur, l’échec patent de la nouvelle loi, dite de concorde civile, risque de conduire à des crimes plus ciblés ;
• la violence est toujours importante et d’actualité. Des repentis et des ex sympathisants du FIS sont ciblés par la violence des milices pro gouvernementales.
• en Algérie il y a trois types de paix : « la paix des cimetières » préconisée par les éradicateurs, « la paix des braves » préconisée par monsieur le président Bouteflika, et « la paix tout court, sans préfixe et sans suffixe » qui constitue l’aspiration profonde du peuple algérien.

La tournée d’information a été largement couverte par les médias. En Suisse, la presse et la télévision ont en rendu compte.

« La paix de la concorde civile en Algérie est une chimère » titre La Liberté (Fribourg) du 26 octobre 1999 qui ajoute : « Des avocats algériens font une tournée mondiale pour présenter une enquête sur les massacres. Et bien plus. Sur le livre ‘An inquiry into the Algerian massacres‘, ed. Hoggar, Genève, 1999, à renfort de statistiques géographiques, temporelles et autres, différentes hypothèses sont passées au crible […] celles qui tendent à expliquer les massacres par les jeux troubles de l’armée sont présentées comme les plus crédibles par les auteurs. A l’instar de celle qui fait du GIA une entité infiltrée et récupérée par les militaires dans le but de justifier la lutte anti-insurrectionnelle.« 

« Un bilan accablant pour le nouveau pouvoir algérien » titre La Tribune de Genève du 27 octobre 1999. Et d’ajouter : « Quatre avocats apportent sur leur pays un témoignage cru, d’une grande authenticité de ton. Mes Abdennour, Khelili, Mesli et Taouti ont également rencontré les autorités suisses. Ils commencent leur voyage par la ‘capitale des droits de l’homme’. […] Ils relatent un combat qui n’est pas politique mais juridique et moral. »

La presse londonienne arabe a également largement commenté cette tournée. Des interviews ont été accordées du 1er au 3 novembre 1999 aux divers organes de presse : az-Zaman, al-Hayet, As-Sharq al-Awsat ainsi qu’à la chaîne de télévision MBC, etc. Az-Zaman, qui a donné quotidiennement des comptes rendus sur la tournée d’information titre un article daté du 1er novembre 1999 : « Des avocats algériens exposent à Londres un rapport détaillé sur les actes de violence« .

La tournée a été couverte aussi par la presse algérienne. Le quotidien en langue arabe al-Youm a fait un rapport détaillé sur la manifestation dans son édition du 3 novembre 1999, alors que l’agence officielle de presse APS a sorti le 4 novembre une déclaration qui rappelle la langue de bois des années 70, traitant la tournée d’information de « manoeuvres d’arrière-garde » visant à « changer le cours de l’histoire« . Et l’APS d’ajouter que « des prétendus défenseurs de droits de l’homme », qualifiés de « troubadours d’un genre nouveau« , « parcourent actuellement des capitales étrangères, tentant de remettre sur le tapis, la rengaine du ‘qui tue qui ? »