LADDH: communiqué à propos de la condamnation de Mohamed Hadj Smain

Communique de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme
LADDH

A propos de la condamnation de Mohamed Hadj Smain

Le 05 janvier 2002, Mohamed Hadj Smain, représentant de la LADDH dans la wilaya de Relizane, a été condamné par le tribunal correctionnel de cette wilaya a deux mois de prison ferme, 5000 DA d’amande et 10000 DA pour chacun des neuf plaignants.
Ce jugement est la confirmation d’une injustice qui fait suite à un harcèlement judiciaire qui dure depuis quatre ans, car il n’est pas fondé sur l’examen objectif des faits, mais uniquement sur l’engagement de l’accusé en faveur de la défense des Droits de l’Homme.

Les trois armes de la lutte contre les graves violations des droits de l’Homme, restent pour Hadj Smain et pour tous les militants des droits de l’Homme, la vérité des faits, la force du droit et la volonté d’aller jusqu’au bout malgré les menaces pour découvrir la vérité. Parler vrai quand d’autres se taisent, condamner les graves violations des droits de l’Homme quand d’autres les approuvent et les justifient, est un devoir pour entraîner l’adhésion intellectuelle et militante des citoyens. La vérité est une valeur politique et la cacher est incompatible avec la défense des droits de l’Homme.

Quel sont donc les faits? : En décembre 1997 et janvier 1998 l’épicentre de la violence s’est déplacé du centre avec notamment les massacres de Bentalha, Rais, Beni Messous, vers l’Ouest du pays notamment à Rélizane. En mars 1994, Hadj Fergan, organise un groupe paramilitaire clandestin baptisé G.A.T (Groupe Armé anti-térroriste). Ce commando de la mort est placé sous le contrôle direct des responsables de la DRS au niveau de la wilaya de Relizane. Le G.A.T a envoyé des centaines de lettres de menaces à des citoyens, suivies par des attentats aveugles perpétrés contre des citoyens soupçonnés d’être sympathisants du FIS. A partir de juillet 1994, commencent les enlèvements suivis de disparitions, et des assassinats à grande échelle.

En 1995, une quarantaine d’habitations de personnes en fuite ou en prison ont été détruites. Les ratissages se faisaient de jour et de nuit avec des véhicules de l’administration. Les bureaux du syndicat intercommunal de Rélizane furent emménagés en salles de torture, avant exécutions extra- judiciaires.

L’attentat en 1995 contre le fils de Abed Mohamed DEC de la commune Djediouia, entraîne un massacre collectif. Douze personnes ont été assassinées de nuit, au seuil de leur domicile, par les miliciens de Hadj Fergan, DEC de la ville de Rélizane, reconnu par les familles des victimes qui ont déposé des plaintes auprès du ministère de l’intérieur, et du général Bekkouche, commandant de la deuxième région militaire. Les massacres répétés, les excusions sommaires sont expliquées par le pouvoir comme étant des règlements de compte, des affrontements fréquents entre le GIA et l’AIS. Hadj Férgan, devenu maire de la ville de Relizane, a été arrêté à un barrage dressé par les gendarmes, qui ont découvert dans la malle de son véhicule, Mekadam, membre de l’O.N.E.C. Organisation Nationale des Enfants des Martyrs, pieds et poings liés.

Durant cinq ans, Hadj Fergan et Hadj Abed et leurs milices cagoulées, ont semé la mort, multipliant torture, excusions extra judiciaires, disparitions forcées, démolitions de maisons. Ils jouissent de l’impunité car ils ont déclaré « avoir pris les armes sous le contrôle de l’autorité militaire pour combattre le terrorisme ».
Le journal El watan du 08 janvier 1998 souligne que « trois autres massacres se sont soldés selon un communiqué des services secrets par la mort de 62 personnes ».
Le pouvoir peut il se livrer à une auto critique et révéler l’emplacement des charniers ou sont ensevelis les corps de centaines de personnes?. Des témoignages accablants pour le pouvoir grossissent chaque jour les dossiers des disparus. Des massacres collectifs, des exécutions extra judiciaires, des tortures et des enlèvements suivis de disparitions ont été perpétrées par les groupes islamistes armés, l’armée et les service de sécurité, les groupes armés occultes ou commandos de la mort..

Tout ce qui met à découvert au grand jour le visage répressif du pouvoir est réduit au silence.
La difficulté de poursuivre et de condamner les criminels est sans doute un des problèmes qui se pose avec acuité.
L’impunité est un déni de justice. Les crimes sont plus faciles à prouver dans les pays ou ils sont commis, mais si cela n’est pas possible en Algérie ou les conditions politiques et juridiques ne sont pas réunies pour juger, parce que la justice est assujettie au pouvoir, il faut faire appel à la justice internationale qui vient de faire ses premiers pas. Ce ne sont pas seulement les exécutants qu’il faut juger, mais les commanditaires de ces crimes qui sont au sommet de l’Etat bénéficiant de l’immunité du fait de leur prééminence au sein de l’Etat qui les absout de tous les crimes.

La convention internationale sur la torture, fait obligation aux Etats qui l’ont ratifiée de déférer sur leur territoire en justice tout tortionnaire, quelque soit sa nationalité et celle des victimes et quelque soit le pays ou il se trouve réfugié et vit en exil doré, ou est seulement de passage.
Un jugement peut être critiqué du point de vu juridique et politique mais ne doit être respecter que si les juges sont respectables, sont indépendants et impartiaux et obéissent seulement à la loi. Le jugement à l’encontre de Hadj Smain est politique et non juridique, rendu par le juge non selon la loi et en son âme et conscience, mais sous la dictée du pouvoir politique, qui tient la justice sous tutelle au nom de la raison d’Etat. Le tribunal de Relizane n’est pas un lieu ou la justice est rendue mais une instance politique ou le pouvoir a jugé son adversaire, Hadj Smain, un défenseur des droits de l’Homme.

La soumission organique et fonctionnelle de la justice au pouvoir est totale.
L’indépendance de la justice, qui n’est pas la propriété du pouvoir mais celle des justiciables, devient aussi urgente qu’indispensable. Elle est liée à la mise en place d’un système politique démocratique, respectueux de la souveraineté du droit, de la séparation et de l’équilibre du pouvoir.

Alger le 06 janvier 2002.
Maître Ali Yahia Abdennour
Président de la LADDH