Me Ali Yahia Abdennour: «La fin de limpunité viendra»
Lettre ouverte dAli Yahia Abdennour au chef de lEtat
«La fin de limpunité viendra»
Par Mohamed Zaâf, Le Jeune Indépendant, 9 juillet 2002
Me Ali Yahia Abdennour, président de la Ligue algérienne de défense des droits de lhomme (LADDH) sest plaint, dans un correspondance adressée dimanche dernier au président de la République, en des termes accablants, des misères qui lui sont faites en raison de ses positions, particulièrement depuis le «contrat national» (plate-forme pour une sortie de crise conclue en 1995 à Rome et dont il est signataire en même temps que dautres personnalités et partis politiques dont le FIS, le FFS et le FLN, les victorieux du 1er tour des législatives avortées de 1991). Me Ali Yahia, qui dénonce «lostracisme» dont il se dit être lobjet, reconnaît que militer pour les droits de lhomme en Algérie, cest «être exposé au contrôle de la vie privée, du courrier, du téléphone, aux poursuites judiciaires, à la prison, et parfois même au pire, la mort». Lavocat révèle ainsi que sa ligne téléphonique «est régulièrement coupée depuis la signature du contrat national le 13 janvier 1995 dont jétais le porte-parole, à chaque évènement national et international».
La ligne a été coupée une nouvelle fois «dès louverture de la campagne» des dernières législatives», puis rétablie après lintervention personnelle de M. Benflis pour être interrompue, de nouveau, trois jours après.
«Il y a visiblement une force qui na pas accepté lintervention du chef du gouvernement, dans un domaine quelle seule contrôle», écrit-il au Président, lui signalant quil était «totalement isolé depuis le 3 juin 2002». Parmi les autres griefs de cet ancien ministre, figure limpossibilité qui lui est faite dacquérir malgré cinq demandes dachat en conformité avec la loi de 1981, relative à la cession des biens de lEtat, les locaux de son cabinet davocat où il exerce depuis 30 ans. «Les services ont interdit cette vente» écrit-il au Président auquel il signale une autre anomalie. Lavocat linforme que malgré le fait que son cabinet soit fermé depuis le «contrat national» pour «raisons de sécurité», la direction des impôts «madresse chaque année des sommes à payer, de lordre de plusieurs dizaines de millions de centimes, alors que jai cessé toute activité». «La haine, lexclusion, larbitraire, lintolérance, la loi du talion… ont fait régresser le pouvoir jusquà lanimalité» écrit-il, estimant que «quand lEtat et ceux qui lincarnent bafouent les lois auxquelles obéissent les citoyens, et qui ont opposables à tous, il y a dérive grave». Sur un volet plus large, Me Ali Yahia estime que le pouvoir doit «faire son mea culpa, reconnaître publiquement sa responsabilité dans la torture, les disparitions forcées, les exécutions extra-judiciaires, la tragédie qui se déroule en Kabylie, exprimer publiquement ses regrets, faire une sorte de repentance et demander pardon au peuple». Quant à lANP qui «domine le champ politique», elle «nest tenue de servir ni un pouvoir ni un homme, mais seulement lAlgérie entière, peuple, nation et société». Lavocat dénonce par ailleurs, les «élections truquées». Elles «ne légitiment ni les élus ni les institutions» affirme-t-il, sinterrogeant si les Algériens étaient condamnés «à navoir de choix quentre des dirigeants mauvais ou moins mauvais».
En Algérie où sont produits et multipliés les exclus, les marginalisés, la situation économique et sociale porte en elle les germes de la violence, et «la rue reste le dernier recours», affirme la correspondance. «Viendra un jour le temps de la fin de limpunité», conclut la lettre dont une copie a été adressé à M. Ali Benflis et aux généraux Larbi Belkheir et Mohamed Mediène.
M. Z.