Un réfugié de retour en Algérie

 

L’association Migration a recueilli le témoignage suivant:

Un réfugié de retour en Algérie

 

En 1991 Monsieur K. fuit avec sa femme et ses trois enfants vers l’Allemagne et fait une demande d’asile. Leur quatrième enfant naît en Allemagne.

Une fois leur demande d’asile refusée, la famille est contrainte de quitter le territoire allemand. Elle tente par tous les moyens de persuader les autorités allemandes du danger que recourt Monsieur K. en cas de retour, en vain.

Monsieur K. doit quitter l’Allemagne sans le reste de la famille car sa femme est parvenue à repousser sa date de départ pour cause de vaccination du bébé.

Monsieur K., muni d’un Laissez-Passer du consulat algérien, emprunte la ligne Frankfurt-Lyon-Oran, pensant que l’arrivée à Oran réduirait le danger.

Arrivé à l’aéroport d’Oran deux hommes arrêtent Monsieur K. alors qu’il fait la queue au poste de contrôle. Ils l’emmènent au commissariat central d’Oran où il passe trois jours, sans nourriture, dans une cellule avec trois autres prisonniers.

C’est au quatrième jour que commencent les interrogatoires, quotidiennement une heure environ, le matin entre 10 heures et 11 heures. L’interrogatoire est effectué chaque jour par des personnes différentes. Les agents ont un ton rude et cognent. Ils posent surtout des questions au sujet de sa demande d’asile et prétendent que Mr. K. est « membre dans une organisation terroriste ». Comme en Allemagne il n’habitait pas très loin d’une ville où siège une des rares associations de réfugiés algériens qui milite activement, ils sont persuadés que Mr. K. en faisait partie. Ils lui montrent plusieurs articles de la presse allemande avec les photos des manifestations organisées par cette association. Sur une des photos ils croient l’avoir identifié. Pourtant Mr. K. n’a pas de contact avec cette association et ne connaît personne sur les photos.

Les interrogatoires deviennent de plus en plus durs parce que Mr. K ne donne pas d’informations. Il subit des insultes, des coups et des supplices. Il n’est pas en mesure de parler de la torture et se trouve en traitement psychique depuis son retour en Allemagne. La première conversation que nous avons eue a du être interrompue parce que Mr. K s’est mis à sangloter. Son état psychique est très instable. Il souffre d’insomnies et d’angoisses qui l’empêchent de parler, même avec des amis. Ceux qui connaissaient Mr. K avant son départ pour l’Algérie ne le reconnaissent plus.

Dix jours plus tard Mr. K. est transféré à la prison de Mers El Kebir. On l’enferme dans une cellule avec 15 autres prisonniers. Les conditions sont catastrophiques: l’hygiène, la nourriture et le traitement sont tels que Mr. K ne peut en parler. Souvent on vient chercher des prisonniers qui ne reviennent plus. Tout le monde sait qu’on les tue. Le plus difficile à supporter, ce sont les cris des torturés et de voir leur état à leur retour en cellule.

L’épouse et les enfants de Mr. K quittent l’Allemagne deux semaines après lui. Son mari disparu, Mme K. tente de savoir à quel endroit il se trouve. Elle le cherche dans différents commissariats de police et prisons. Ce n’est qu’avec l’aide d’un parent qu’elle paye, qu’elle apprend où se trouve son mari. Elle peut enfin lui rendre visite. Mais il faut attendre 7 mois pour que Mr. K soit relâché en liberté provisoire. Ce n’est qu’en payant une grosse somme d’argent que Mr. K. a pu être libéré.

Il doit se présenter tous les mois au poste de police et attend son procès.

Chaque fois que Mr. K. se présente à la police les agents le poussent à collaborer. Ils le menacent. Mr. K. craint alors une nouvelle arrestation et en plus une condamnation à une peine de prison de plusieurs années. L’état psychique de Mr. K. se détériore à tel point que la famille organise une deuxième fuite vers l’Allemagne. Sa femme et ses deux plus jeunes enfants sont restés chez la famille de cette dernière.

L’administration algérienne a refusé d’enregistrer l’enfant né en Allemagne, de même qu’elle a décrété une interdiction aux enfants d’aller à l’école.

Les deux enfants aînés sont partis avec le père qui a renouvelé sa demande d’asile.

Le 15 septembre 1997

 

retour