Alger invite quatre organisations de défense des droits de l’Homme

Alger invite quatre organisations de défense des droits de l’homme.
Détente ou manipulation?

Aude Marcovitch, Le Temps(Suisse), 3 avril 2000
Dans le bras de fer qui oppose les officiels algériens aux organisations de
défense des droits de l’homme, un signe de détente est apparu la semaine
dernière. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme
(FIDH), Amnesty International, Human Rights Watch et Reporters sans
frontières ont appris par un communiqué de presse de la Mission algérienne
auprès des Nations unies à Genève que le président Abdelaziz Bouteflika les
invitait à se rendre dans son pays entre les mois de mai et juin prochains.
Les visites sont prévues du 2 au 13 mai pour Amnesty, du 20 au 30 mai pour
Human Rights Watch, la FIDH et Reporters sans frontières étant attendus
respectivement du 3 au 10 juin et du 17 au 24 juin.
Après avoir réclamé sans succès depuis deux ans une telle invitation, les
organisations non gouvernementales (ONG) perçoivent le geste du président
Bouteflika de manière positive, même si elles ne s’estiment pas dupes d’une
soudaine conversion du pouvoir algérien à la cause des droits de l’homme.
«C’est un pas en avant, déclare Patrick Baudouin, président de la FIDH. Mais
il faut rester prudent: le moment choisi pour lancer une telle invitation est
politique. Actuellement, la Commission des droits de l’homme se tient à
Genève où l’Algérie est sur la sellette et il se pourrait que cette
proposition ne soit plus valable après la Commission. De plus, une visite du
président Bouteflika est prévue très prochainement en France.»
Un avis partagé par le quotidien algérien La Tribune. Pour ce journal, si ces
visites marquent «un tournant dans les relations tumultueuses entre l’Algérie
et ces organisations», responsables, selon le régime d’Alger de la «mauvaise
réputation du pays à l’étranger», elles interviennent à la veille d’un agenda
diplomatique déterminant: hormis la visite du président en France et au
Canada, il faut noter la tenue ce lundi au Caire du premier Sommet
Europe/Afrique (lire en page 4). Néanmoins, chacun s’accorde à penser que le
climat qui prévaut aujourd’hui en Algérie est plus serein qu’entre 1997-1998,
période dite des grands massacres, et donc plus propice à une collaboration
entre le pouvoir algérien et ses détracteurs.
Si le principe d’une prochaine visite réjouit les ONG, les modalités du
voyage restent à définir. «Pour que nous nous rendions sur place, aucune
condition, aucune restriction ne doit être posée par le régime, souligne
Patrick Baudouin. Nous voulons rencontrer les autorités officielles mais
également tous les représentants de la société civile comme des défenseurs
des droits de l’homme, des familles des victimes, des journalistes ou des
avocats.»
Et qu’en est-il de la possible manipulation de cette visite? «Le risque de
manipulation est certain, comme le risque de la récupération au bénéfice des
autorités en place. Le fait que les différentes ONG soient invitées
séparément est aussi une tentative de nous mettre en compétition et donc de
nous diviser. Mais sur ce point, il n’y a pas de crainte à avoir. On se
concertera entre les organisations avant le départ et peut-être que nous nous
répartirons la tâche.»
En 1997, ces quatre mêmes organisations avaient été autorisées à envoyer des
missions séparées en Algérie. S’en est résulté la publication d’un ouvrage,
Algérie: le livre noir, qui rassemble les quatre rapports accablants de la
FIDH, d’Amnesty, de Reporters sans frontières et de Human Rights Watch. Les
ONG y dénoncent notamment la pratique de la torture par les forces de
sécurité algériennes, les exécutions sommaires, les disparitions forcées et
la censure des médias. L’arrivée au pouvoir en avril dernier du président
Bouteflika a-t-elle changé la donne en Algérie? C’est ce que les défenseurs
des droits de l’homme aimeraient vérifier sur placeAlors que l’UGTA se
complaît dans le silence

 

Commentaire d’algeria-watch: La dernière visite d’une ONG internationale de défense des droits de l’Homme remonte à 1995.

 

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