Les métamorphoses dune résolution
Partenariat Accord dassociation UE-Algérie
Les métamorphoses dune résolution
La résolution de la Commission des droits de lHomme a été largement adoptée à Bruxelles, jeudi dernier, quelques minutes après le soutien apporté par les députés européens au rapport Obiols sur lAccord dassociation, mais des modifications ont été apportées à la proposition initiale.
Arezki Mokrane, L’Actualité, 13 octobre 2002
Par 458 voix pour, 10 voix contre et 20 abstentions, la proposition de résolution de la Commission, présidée par Elmar Brok (PPE), a donc été largement adoptée mais des changements sont constatés entre la version définitive et le texte initial.
Ces amendements ont été proposés par le PPE.
En comparant la version définitive à la proposition, on saperçoit, en effet, que dans ses attendus, le Parlement européen, qui considère que lAlgérie « connaît une transition difficile caractérisée par la persistance des formes de violence les plus variées, par lincertitude politique, économique et sociale », a éliminé la suite de la proposition qui ajoutait à ce constat « linaptitude des institutions à satisfaire les besoins de la société algérienne et le climat de révolte et de désobéissance qui règne en Kabylie ».
Toujours dans ses attendus, le texte initial considérait que « le peuple algérien subit, depuis de nombreuses années, des violations des droits de lHomme » et cette mention a été sauvegardée dans la proposition finale, mais la suite du texte qui mentionnait que ces violations avaient été « perpétrées par des groupes terroristes, par des milices paramilitaires et par larmée » a été supprimée.
Un peu plus loin, la résolution fait référence au décret sur létat durgence du 9 février 1992, ainsi quaux textes de loi qui en découlent et constate simplement que ce cadre juridique est toujours en vigueur, mais la suite de la proposition qui a été supprimée lors du vote précisait que ces textes toujours en vigueur « conditionnent lexercice de toutes les libertés et droits fondamentaux et, en particulier, la liberté dassociation, de manifestation et de grève à la discrétion des militaires ».
La mention selon laquelle le Parlement européen est « préoccupé par les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse depuis la réforme du code pénal adopté en 2001 », a été effacée du texte final.
A larticle 8, le Parlement réaffirme « la nécessité du retrait des militaires du processus décisionnel », mais la suite du texte demandant aussi une « démilitarisation de la société » a été « gommée ». On observe, néanmoins, certains ajouts.
Ainsi, en est-il de larticle 13 dans la mesure où le texte qui évoque la situation particulière de limmigration algérienne affiche les droits acquis « des 3,5 millions et plus dimmigrés dorigine algérienne vivant sur le territoire communautaire ».
Un autre ajout peut être constaté à larticle 19 puisque le Parlement « demande à la commission et au conseil de procéder à une évaluation régulière des conséquences économiques, sociales et environnementales de la mise en uvre de laccord dassociation ».
Larticle 17 « invite les autorités algériennes à trouver une solution à la crise kabyle en entamant des poursuites judiciaires à lencontre des responsables de la répression », mais la suite de cet article qui précise que cette solution doit être envisagée « en prenant en compte les revendications citoyennes en matière de démocratie, des droits économiques et sociaux, ainsi que de reconnaissance de la langue et de la culture amazighes » a été supprimée.
Larticle 22 demande au Conseil et à la Commission de mettre en place des mécanismes de suivi en vue du respect de larticle 2 (relatif aux droits de lHomme, NDLR) impliquant le Parlement, lAssemblée algérienne et la société civile. Mais la référence au « dialogue politique qui se concrétisera par la création dun groupe de travail composé de représentants des deux parties de laccord dassociation UE-Algérie et ayant pour mission délaborer un plan daction, afin duvrer pour le respect des droits de lHomme et la démocratisation du pays et dévaluer la situation conformément à larticle 2 de cet accord », ainsi que lénonciation dun « plan daction » qui « comportera des objectifs spécifiques susceptibles dêtre atteints progressivement par les autorités algériennes » ont été supprimées. En outre, actualité oblige, on a supprimé larticle 22 de la proposition initiale qui invitait « le conseil et la commission à envoyer des observateurs lors des prochaines élections locales (octobre 2002) pour contribuer à garantir la liberté et léquité du scrutin, ce qui pourrait aider à rétablir lautorité des administrations locales ».
Enfin, la demande du Parlement à la commission afin que cette dernière élabore « un rapport euroméditerranéen » a été supprimée
A. M.
Réaction de Yasmine Boudjenah, députée européenne
Oui à des relations fortes entre lEurope et lAlgérie.
Les Algériens ont vécu quasi seuls la barbarie du terrorisme intégriste, dès avant le 11 septembre 2001.
LUE doit pour sa part se rapprocher de la rive sud-méditerranéenne, en sémancipant dune conception dominatrice. Ce serait aussi un des moyens de contrer lunilatéralisme dune superpuissance américaine, qui sintéresse dailleurs de plus en plus aux richesses du sous-sol de lAlgérie quà son peuple.
A juste titre, le Parlement européen insiste sur les droits de lHomme en Algérie. Alors que les élections locales daujourdhui sont déjà marquées en Kabylie par les appels au boycott, la grève ou la répression policière, comment expliquer quaucune proposition crédible de sortie de crise nait été formulée par le gouvernement algérien ? Pourquoi les procédures judiciaires à lencontre des responsables de la répression du Printemps noir 2001 ne sont-elles pas engagées ? Quand les poursuites vont-elles cesser à lencontre des délégués du mouvement citoyen ? Et surtout, ny a-t-il pas là les signes dun malaise profond dans lensemble de la société algérienne, notamment dans la jeunesse ? La multiplication des procès à légard de journalistes, le refus persistant dabroger le code de la famille ne peuvent quattiser également le désespoir et les tensions.
Lavenir de lAlgérie réside pourtant plus sûrement dans le potentiel démocratique existant que dans un nouveau souffle qui serait offert aux idées intégristes.
LEurope a une responsabilité.
Les urgences sociales sont aussi à prendre en compte. Les besoins en emplois, logements, infrastructures publiques de santé, déducation, deau sont énormes, alors que les inégalités et les réserves de change nont jamais été aussi élevées. Face à la logique du libre-échange qui pousse à la déréglementation et aux privatisations, il faut agir pour une démarche de coopération, par exemple dans les services publics. LEurope doit entendre les graves inquiétudes de nombreux acteurs de léconomie algérienne. Ils craignent que la mise en place de la zone de libre-échange entraîne des fermetures dentreprises et des licenciements.
Enfin, la libre circulation des personnes et légalité des droits économiques, sociaux, mais aussi politiques, pour les ressortissants algériens sur le sol européen, restent des exigences à défendre avec vigueur.
Bruxelles,
le 10 octobre 2002