COMMUNIQUÉ

Alger, 2 février 1999

Communiqué du collectif des avocats au sujet de Me Mesli

 

C’est avec un sentiment de révolte et d’indignation que les avocats du collectif de défense de Maitre MESLI Rachid interpellent le ministère de la justice, en prenant à témoin l’opinion publique nationale et internationale.

Encore détenu à la prison de TIZI-OUZOU, suite à une condamnation, condamnable et finalement condamnée, à la peine de 3 ans de prison retenue arbitrairement à son encontre par le tribunal criminel de TIZI-OUZOU (1), Maître MESLI Rachid, avocat du Barreau de cette localité et défenseur des droits de l’Homme a eu la douleur d’apprendre le décès de sa mère âgée.

Un décès survenu après une longue et terrible souffrance due essentiellement aux circonstances scandaleuses, le moins qu’on puisse dire, entourant le kidnapping criminel de son fils, Maître MESLI, perpétré par des éléments des services de sécurité en date du 31/07/96, qui avaient vainement tenté de l’attribuer au terrorisme ambiant, avant d’être contraints par les institutions et les ONG internationales de le présenter à la justice, après une dizaine de jours de séquestration et de torture barbare sur sa personne, assortie de menace de mort (2).

La colère bien légitime des avocats trouve sa raison d’être dans le refus des autorités judiciaires de permettre à leur confrère et mandant de se rendre au chevet de sa défunte mère qui était plongée dans un profond coma sur un lit de l’hôpital de Ain-Nadja, après avoir désespérément déliré et réclamé de revoir son fils qui lui a été ravi par un… « terrorisme » non déclaré et d’un genre insoupçonné.

Ce n’est pas faute de n’avoir pas présenté au ministère de la justice une requête en bonne et due forme que leur mandant n’a pu accéder au droit de se rendre au chevet de la malade, ni celui d’assister à ses funérailles.

Cette requête, fondée sur un droit légalement reconnu aux condamnés (3), a été remise au cabinet du ministre de la Justice qui n’a même pas cru devoir y répondre comme il était, et est, tenu par la loi.

Non seulement Maître MESLI pouvait prétendre à ce droit, en vertu de l’art. 16 de l’Ordonnance n° 72-2 du 10/02/1972, qui dispose, je cite: « Le bénéfice de l’ajournement provisoire de l’exécution de sentences pénales ne peut être accordé au condamné que dans les cas suivants:

  1. S’il est atteint d’une affection grave, incompatible avec sa détention constatée par un médecin requis par le ministère public;
  2. Si un décès se produit dans la famille;
  3. Si une maladie grave affecte un membre de sa famille et s’il justifie être le soutien de celle-ci… »

Cette faculté lui est garantie, par ailleurs, par le caractère arbitraire de son maintien en détention après l’arrêt de la cour suprême rendu en date du 08/12/98, prononçant la cassation du jugement qui l’a condamné à une peine privative de liberté.

A cet égard, les autorités judiciaires ne peuvent même pas prétendre le détenir en vertu de la décision de renvoi prononcé par l’arrêt de cassation, en ce sens que, la détention préventive n’a qu’un caractère subsidiaire et provisoire en vertu de l’art. 123 du code de procédure pénale (4) confirmé par la récente déclaration du nouveau ministre de la Justice; et l’ordonnance de prise de corps contenue dans l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation a été purgée par la décision rendue par la juridiction de jugement et cassée par la cour suprême.

Maître MESLI a donc été privé d’un droit qui lui était reconnu et légalement et constitutionnellement garanti, comme il a déjà été victime d’une machination policière lors de son enlèvement et la tentative de sa disparition forcée ayant précédé sa présentation à la justice.

Même les chefs d’inculpations retenus contre lui étaient fallacieux et calomnieux. Il a fallu un certain capital d’imagination chez les magistrats qui l’ont jugé en première instance pour compenser les accusations infondées non retenues par le tribunal criminel, par une inculpation fantaisiste de secours, découlant d’une question subsidiaire nulle en la forme (5), pour se voir infliger, la peine de prison ferme. Il fallait couvrir la détention, somme toute arbitraire, et … sauver la face!

Mais la cour suprême ne l’a pas entendu de cette oreille en déclarant le jugement Nul et sans fondement! La défense de Maître MESLI exige, en conséquence, l’élargissement sans conditions de son mandant sous peine de saisir, elle aussi, les instances onusiennes déjà au fait de cette forfaiture judiciaire qui n’a d’égales que celles qui ont poussé à la démission de l’ex-ministre de la justice.

Le collectif de défense de Maître MESLI

Mahmoud Khelili

Mohamed Tahri

Mostéfa Bouchachi

  1. Jugement du 15.07.97
  2. Présenté devant le Procureur de ROUIBA en date du 10.08.96, 10 jours après son kidnapping, dossier parquet n° 167/96.
  3. Art. 16 de l’Ordonnance n° 72/2 du 10.02.72
  4. L’art. 123 du code de procédure pénale dispose:  » La détention préventive est une mesure exceptionnelle. Si toutefois les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes, la détention préventive peut être ordonnée ou maintenue:

1-Lorsqu’elles est l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d’empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation entre inculpés et complices, risquant d’entraver la manifestation de la vérité;

2- lorque cette détention est nécessaire pour protéger l’inculpé, pour mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement;

3- lorsque l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations découlant des mesures de contrôle judiciaires prescrites.

5) La question subsidiaire n’a été soulevée qu’en chambre du conseil en cours de délibération, la défense n’a pu ni la discuter, ni la critiquer. Elle n’a pas été lue en salle d’audience.

 

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