Pour la paix et les droits de l’homme en Algérie

POUR LA PAIX ET LES DROITS DE L’HOMME EN ALGÉRIE

Ligue des Droits de l’Homme, Novembre 1998

Le sang coule toujours en Algérie. Les Algériens ont rendez-vous chaque jour avec la mort. La violence est sociale aussi. Les exigences du F.M.I. l’ont aggravée dramatiquement : hausse du prix des produits de base, détérioration du système des soins, 30% de la population au chômage. La corruption envahit l’économie. Quant au pouvoir politique, il n’a qu’une apparence de démocratie : sa réalité reste militaire. En même temps, la société civile résiste à cette alternative insupportable que l’on tente de lui imposer : l’arbitraire de l’État ou une société inféodée à une religion. Le courage de ces femmes, de ces hommes est immense. Nous devons le dire avec force.

Depuis près de 10 ans, le débat sur l’Algérie en France n’est pas aisé et sa difficulté s’est trouvé accrue par les conséquences que la situation de l’Algérie a, très directement, dans notre pays.

Des attentats ont atteint la France. L’assimilation inacceptable entre islam et terrorisme a, parfois, conduit à suspecter, voire à criminaliser, une partie de la population en raison de son origine ou de sa foi.

C’est cette logique qui est à l’?uvre dans le procès dit  » du réseau Chalabi  » : le traitement réservé par l’instance judiciaire à ces prévenus, au nom de la lutte contre le terrorisme, constitue une remise en cause des libertés publiques. Plusieurs principes fondamentaux; pourtant évidents, ont été remis en cause : certains ont cru pouvoir manifester leur indulgence à l’égard des méthodes du pouvoir algérien accréditant ainsi l’idée selon laquelle la lutte contre le terrorisme légitime le recours à toutes les méthodes.

Il ne s’agit évidemment pas de mettre sur le même plan les violations des droits de l’homme imputables aux autorités et les actes de terrorisme, de souligner la responsabilité des uns pour exonérer les autres. Il s’agit d’un faux problème, et le débat sur cette question a trop servi à altérer l’appréhension de la réalité des faits. Les auteurs d’actes terroristes, quel qu’ils soient… doivent répondre des crimes contre l’humanité qu’ils ont commis : il s’agit d’une responsabilité criminelle relevant de la justice pénale, une justice respectueuse du droit à l’intégrité physique et du droit au procès équitable. On ne sache pas qu’une telle justice s’applique en Algérie.

Il est tout aussi essentiel que l’État et ses agents soient tenus comptables des violations massives des droits de l’homme dont ils se sont rendus coupables. La responsabilité pénale des terroristes ne doit en aucun cas occulter la responsabilité propre de l’État : si la lutte contre le terrorisme est une exigence de la démocratie, elle n’a de légitimité, donc d’efficacité, que dans le respect des principes universels que précisément les terroristes rejettent.

L’Algérie ne pourra trouver d’issue à la violence qui l’ensanglante dans un solution purement militaire. Il n’y a jamais d’issue militaire à une situation qui trouve ses causes dans le désespoir social et dans la déstructuration d’une société qui cherche jusqu’à son identité.

C’est dans une démarche politique que peuvent se dégager les voies d’une solution. Cette démarche implique que tous les acteurs de la crise qui acceptent de renoncer à la violence et adhérent à une solution démocratique puissent se retrouver autour de la table de négociations. Cette démarche implique aussi l’abandon des exclusives actuelles et des mesures coercitives prises à l’égard de tels dirigeants. Et puisqu’il faut cesser de biaiser avec la réalité, ce sont bien toutes les forces politiques qui ne participent pas ou plus d’une démarche violente, y compris le FIS, qui sont ici évoquées.

Si cette voie appartient d’abord aux Algériens eux-mêmes, il nous appartient d’interpeller les autorités françaises sur leur attitude ambiguë à l’égard de ceux qui, en Algérie ou en France, prônent un tout militaire sans autres résultats possibles que la violence toujours renouvelée.

Nous avons aussi à rappeler au gouvernement français ses engagements et ses devoirs : il est inadmissible d’expulser des Algériens vers l’Algérie et ils doivent bénéficier pleinement de l’asile territorial ou politique, voie qui leur est pratiquement fermée aujourd’hui. Il faut mettre un terme à la honteuse politique des visas qui a eu pour effet de réduire l’attribution de ceux-ci à 40.000 par an (800.000 en 1986). Disons le clairement : sur ces points, les promesses qui nous ont été faites n’ont pas été tenues. Parce que les disparus se comptent par milliers et que ce phénomène est la manifestation d’une horreur qui pèse quotidiennement sur les familles, nous mettrons tout en ?uvre pour aider ceux qui réclament cette élémentaire humanité : connaître le sort des leurs. La revendication d’une enquête internationale sur place, portant sur la situation des droits de l’homme, par des experts indépendants ayant les moyens de leurs investigations, reste plus que jamais d’actualité.

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