Observatoire des droits humains en Algérie – Présentation

Observatoire des droits humains en Algérie
(ODHA)

« Lorsque la roue de l’Histoire finit par tourner, l’opinion internationale découvre toujours avec stupeur, preuves d’archives à l’appui, que les prétendus mensonges des victimes et des défenseurs des droits de l’homme étaient bien en deçà de la vérité . »*

 

 

 

Algeria-Watch en collaboration avec Dr Salah-Eddine Sidhoum mettent en place un « Observatoire des droits humains en Algérie » (ODHA) dans le but de répertorier et signaler les violations des droits humains commises depuis le coup d’État de janvier 1992 en Algérie.

Douze ans après l’instauration de l’État d’urgence et l’introduction de lois d’exceptions que le pouvoir algérien refuse toujours de lever, il faut constater que les responsables de la « machine de mort » coupables de graves violations des droits de l’homme continuent de terroriser la population. Malgré la peur, de nombreuses victimes des crimes commis par les différents services répressifs du pouvoir ou par les groupes armés bravent la crainte de représailles et osent parler. Contrairement à ce que veulent suggérer les autorités algériennes, l’heure n’est pas à la sérénité et la concorde. En témoigne notamment le fait que les défenseurs des droits de l’Homme engagés dans la dénonciation de ces crimes continuent de faire l’objet de poursuites et de harcèlement policier et judiciaire.

Les « décideurs » algériens, passés maîtres dans la simulation de la démocratie, sont parvenus, sous couvert de convergence d’intérêts dans la « lutte internationale contre le terrorisme », à s’assurer le soutien des pouvoirs occidentaux, alors que sur le terrain les graves violations n’ont pas cessé. Les structures répressives assujettissant la justice, l’administration et les médias ont été au fil des ans sophistiquées. Persécutés, l’opposition algérienne véritable et les défenseurs des droits humains ne disposent toujours d’aucun espace leur permettant d’agir indépendamment de toute manipulation ou instrumentalisation.
Le « terrorisme » déclaré officiellement vaincu, l’heure de la « réconciliation » aurait sonné. Mais réconciliation entre qui et qui ? Et au profit de qui ? Certainement pas de l’immense majorité du peuple algérien. Tous les événements des derniers mois le montrent : le Président de la République et les décideurs politiques n’envisagent absolument pas de faire la Vérité sur les circonstances dans lesquelles ont été commis les massacres qui jalonnent les années de sang. Ils refusent toujours de révéler les raisons de la mort de dizaines de milliers d’hommes, femmes et enfants (sans doute près de 200 000), de la disparition de milliers d’entre eux (près de 20 000) et de situer les responsabilités de ceux qui ont institutionnalisé la torture. Et aucune mesure n’est prise pour rendre enfin indépendante une justice totalement soumise à l’exécutif, dans le but de juger équitablement les responsables de ces crimes, de quelque bord qu’ils soient. Bien au contraire, il est clair que les « décideurs » s’emploient activement à préparer une « amnistie générale » visant à blanchir tous les responsables des crimes des douze dernières années, et tout particulièrement ceux des responsables des forces de sécurité coupables de crimes contre l’humanité.

L’heure est à la dissimulation, à la falsification, au mensonge, au déni et à l’oubli. Or, une véritable réconciliation ne peut être que l’aboutissement d’un processus de négociation, de « conciliation », entre les authentiques représentants de l’ensemble de la société algérienne et le pouvoir. La réconciliation signifie que les structures d’État qui ont permis une telle dérive et produit cette terreur, à commencer par la toujours toute-puissante police politique, le DRS, soient abolies. Mais pour le moment, nous assistons à l’élaboration et au diktat d’Une vérité nommée la « décennie du terrorisme », qui attribue toutes les violences subies aux seuls islamistes, et qui occulte une fois de plus la souffrance de ceux qui les ont subies.

Par devoir de mémoire et pour rendre aux victimes leur dignité, il est indispensable de leur restituer la parole. Il s’agit donc de rendre public les témoignages que nous recueillons, mais aussi les correspondances qui nous sont envoyées par des victimes et leurs parents. Et aussi de contribuer à la constitution des « archives de la terreur », qui « permettront un jour que passe la justice »* et que l’Algérie trouve enfin le chemin de la vraie démocratie.

La création de cet observatoire est une modeste contribution pour faire face à l’absence d’espace permettant de témoigner ou d’échanger des informations sur ce qu’ont vécu ou vivent encore beaucoup d’Algériennes et Algériens. Et c’est aussi notre manière d’œuvrer dans la perspective de Vérité et de Justice et de lutte permanente contre l’impunité.
Nous lançons un appel aux victimes, familles, témoins, avocats et défenseurs des droits humains et les sollicitons à prendre contact avec nous, à témoigner et à contribuer à la recherche de la Vérité sur les graves violations des droits de l’homme en Algérie.

 

* Perrine CANAVAGGIO et Louis JOINET, « Les archives contre l’oubli », Le Monde, 23 juin 2004.