Malik Medjnoun, détenu depuis 9 ans sans jugement, en grève de la faim illimitée

Malik Medjnoun, détenu depuis 9 ans sans jugement, en grève de la faim illimitée

Al Karama for Human Rights, 27 février 2008

Al Karama a adressé un appel urgent au Comité des droits de l’homme pour attirer l’attention sur la situation de Malik Medjnoun, arrêté le 28 septembre 1999 et détenu sans jugement depuis près de neuf années. Les autorités algériennes n’ont pas donné suite aux Constatations du Comité qui les avait enjoint en 2006 de le juger ou de le mettre en liberté. Pour protester contre le refus de le juger, il a entamé lundi 25 février une grève de la faim illimitée.

Rappel des faits :

Malik Medjnoun a été accusé de complicité dans l’assassinat en juin 1998 du chanteur engagé Matoub Lounes, ce qu’il a toujours nié. Enlevé près de son domicile à Tizi-Ouzou le 28 septembre 1999 par des agents du DRS, il a été détenu au secret dans un centre de détention du DRS (Département des renseignements et de la sécurité), appelé Antar, situé à Ben Aknoun à Alger. Durant plus de huit mois de détention au secret, il a été sauvagement torturé selon les techniques habituellement utilisées par les services de sécurité (méthode du chiffon, électricité. etc.).

Ses parents étaient restés sans nouvelles de lui durant toute cette période. Le procureur général de Tizi-Ouzou, saisi par le père de la victime d’une plainte pour crime d’enlèvement et de séquestration avait refusé de requérir l’ouverture d’une information.

Plus grave, Malik Medjnoun avait été présenté une première fois devant ce magistrat auquel il avait rapporté les conditions de son enlèvement, mais celui-ci avait refusé de le déférer devant un juge d’instruction, se rendant ainsi coupable de crimes d’enlèvement et de séquestration suivis de tortures.

Cette attitude du parquet général de Tizi-Ouzou, qui a permis au DRS de poursuivre la torture et la détention au secret d’une personne disparue depuis plus de six mois, souligne on ne peut mieux la connivence et l’implication de la justice algérienne dans les graves atteintes aux droits de l’homme.

Saisies par le Groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées le mois d’avril 2000, les autorités algériennes décidaient alors de présenter Malik Medjnoun devant le juge d’instruction de Tizi-Ouzou le 2 mai 2000. Ce n’est qu’à ce moment que, pour la première fois, il a été confronté avec l’accusation de complicité dans l’assassinat de Matoub Lounes.

Saisi par le père le 11 juin 2004, le Comité des droits de l’homme a demandé aux autorités algériennes des précisions sur cette affaire. Celles-ci ont informé le Comité le 28 décembre 2004 « que l’affaire devait être soumise incessamment au tribunal criminel de Tizi-Ouzou pour y être jugée ». Depuis cette date, 14 sessions criminelles se sont tenues au tribunal criminel de Tizi-Ouzou sans que l’affaire de M. Malik Medjnoun n’ait été fixée.

Le Comité a rendu ses constatations le 9 août 2006 : Il recommande au gouvernement de faire comparaître Malik Medjnoun immédiatement devant un juge pour répondre des chefs d’accusation ou de le remettre en liberté, de mener une enquête approfondie et diligente sur sa détention au secret et les traitements qu’il a subis depuis son enlèvement le 28 septembre 1999 et d’engager des poursuites pénales contre les personnes responsables de ces violations.
Il rappelle aussi que l’Etat algérien est également tenu d’indemniser de façon appropriée Malik Medjnoune pour les violations subies et de prendre des mesures pour qu’à l’avenir des violations analogues ne puissent se reproduire.

Lors de l’examen du rapport périodique algérien par le Comité des droits de l’homme en octobre 2007, les experts ont demandé à la délégation algérienne quelles étaient les dispositions prises par le gouvernement pour donner suite aux constatations du Comité parmi lesquelles figurent celles concernant Malik Medjnoun.

La presse algérienne avait même lancé peu avant cet examen du rapport par le Comité l’information qu’il devait enfin être jugé le 11 novembre 2007, alors qu’en réalité son affaire n’a jamais été programmée par le tribunal de Tizi-Ouzou.

En signe de protestation contre le refus manifeste des autorités algériennes de le juger, Malik Medjnoun a entamé une grève de la faim depuis lundi 25 février 2008.

Le 26 février 2008, le procureur général de la Cour de Tizi-Ouzou M. Lazizi Tayeb, s’est rendu à la prison civile, accompagné du président de la cour (qui est également le président du tribunal criminel) pour lui demander de cesser sa grève.

Ce magistrat a voulu convaincre Malik Medjnoun que, s’agissant d’une « affaire sensible », ils n’avaient pas, ni lui, ni le président de la Cour, autorité pour fixer l’affaire à une audience de jugement devant le tribunal criminel, mais qu’il tenterait néanmoins d’intervenir auprès des « autorités compétentes ».

Il faut cependant souligner que le procureur général est, de par la loi interne, la seule autorité compétente pour proposer au président du tribunal criminel d’inscrire une affaire sur le rôle de la session du tribunal criminel. (Art. 255 du code de procédure pénale algérien).

Le président de la cour peut d’ailleurs, en vertu de l’article 254 du même code « décider de la tenue d’une ou plusieurs sessions supplémentaires si le nombre ou l’importance des affaires l’exige ».

Force est donc de constater le refus manifeste de l’Algérie de donner effet aux constatations du Comité. Mais il y a aussi une grave immixtion dans les attributions du pouvoir judiciaire en lui donnant des instructions contraires à la loi et de nature à violer sérieusement les droits fondamentaux d’un citoyen en refusant de le déférer devant une juridiction de jugement.