L’Affaire Mohamed Boudiaf

L’Affaire Mohamed Boudiaf

MAOL (Mouvement algérien des officiers libres), 1999

Après le coup d’état, les généraux putschistes voulaient trouver un moyen pour calmer les populations en colère contre l’arrêt du processus électoral d’une part, et éloigner l’armée de la façade du commandement de l’état d’autre part. Ils avaient tout intérêt à agir derrière un gouvernement pseudo-civil, pour ne pas s’attirer les foudres des états occidentaux, qui bien soulages de ne pas voir le FIS au pouvoir, ne pouvaient cautionner directement une dictature militaire.

Les généraux: Khaled Nezar, Abdelmalek Guenaizia, Mohamed Lamari, Mohamed Mediene, Mohamed Touati devaient trouver le plus vite possible un chef d’état sur mesure, un homme qui remplirait des conditions bien précises. Comme base de départ, un critère était déjà règle: « l’heureux » élu devait être un ancien moudjahid bien entendu avec un passe révolutionnaire irréprochable, une victime du régime de Chadli et même de Boumediene si possible, et il devait être aussi loin de tout clivage politique. Les critères ainsi définis, peu de candidats pouvaient satisfaire le cahier de charge de chef d’état. C’est presque par hasard que le général Nezar évoqua le nom de Mohamed Boudiaf: un homme qui répondait a tous les critères et qui pesait lourd dans la balance. Mais un problème de taille se posait: Mr Boudiaf, voudrait-il de ce poste empoisonne alors qu’il avait abandonne la politique depuis bien longtemps et s’était consacre principalement a ses affaires et a sa famille? C’est alors que les généraux décidèrent de lui envoyer un de ses amis les plus proches pour lui faire la proposition et c’est Ali Haroun qui fut charge de cette délicate mission. Tout le monde(les généraux en question) au SG du MDN (secrétariat général du ministère de la défense nationale) retint alors son souffle. Des plus aux moins tentés, tous espérèrent une réponse positive de la part de Boudiaf.

Au Maroc les deux amis se rencontrèrent chez Si Mohamed, et Ali Haroun révéla le but de sa visite avec beaucoup d’émotion. Boudiaf ému mais non surpris, promit d’y réfléchir et de donner une réponse au plus vite. Apres la consultation de sa famille et d’un ancien ami médecin marocain, il finit par accepter, non pour la splendeur du poste mais parce que l’heure était grave et la situation du pays présentée par Ali Haroun était des plus catastrophique. Boudiaf fit ses premiers contacts a partir du Maroc avec d’anciens membres du PRS, et informa le roi Hassan II qui prit cette nouvelle comme un don du ciel, car la crise du Sahara occidentale allait peut-être ainsi trouver une solution.

Les putschistes d’Alger furent informés de la nouvelle par Ali Haroun, et crurent voir une solution à la crise constitutionnelle qui menaçait même leur devenir. La nouvelle fut rendue publique et les préparatifs commencèrent pour accueillir l’enfant sauveur du pays. Il va sans dire que Paris fut informée de ce choix la nuit même ou il avait été décide de joindre Boudiaf, qui était bien connu des Français, car ancien adjudant de l’arme française, médaille militaire et croix de guerre. Que pouvait-on faire de mieux pour satisfaire les amis d’outre mer? La boucle était ainsi bouclée et la légalisation du nouveau commandement politique du pays était ainsi réussie. Nezar avait contribue personnellement a l’acceptation de Boudiaf a la tète de l’institution militaire, mais certains officiers supérieurs qui désavouaient ce choix avaient pris cette nouvelle donnée comme une insulte. Ils n’avaient pas oublie que cette figure de la révolution s’était rangée aux cotes du roi Hassan II lors de la marche verte, qui avait entraine une guerre fratricide ou des centaines de militaires Algériens avaient trouve la mort, sans parler des disparus et des prisonniers.

A 73 ans Boudiaf était loin de se douter qu’il allait enfin rentrer en Algérie avec le titre du plus haut magistrat, a qui on déroulerait le tapis rouge. Le fait qu’il soit reste longtemps éloigne de l’Algérie constituait pour lui un handicap majeur mais pour les vautours du MDN un avantage certain. Néanmoins une fois au palais de la présidence, Boudiaf se fit relativement vite à sa nouvelle vie, et commença à découvrir les secrets d’un état en plein délabrement et sur tous les plans. Mais le pire de tout, c’est qu’il se trouva au seuil d’une guerre civile masquée par de faux rapports de sécurité (Il légalisa toutes les mesures sécuritaires décidées contre les sympathisants du FIS qui risquaient de mettre le devenir de l’Algérie dans le doute le plus absolu selon ces mêmes rapports). Il était complètement guide par les décideurs du MDN dont il approuvait toutes les décisions sans commentaires, du moins au début.

Peu a peu Boudiaf commença à prendre certaines libertés et à essayer de s’entourer de ses proches et placer ses amis fidèles a tous les niveaux. Le plus gros morceau restait tout de même l’armée dans laquelle il ne trouva que peu d’écho. Boudiaf se vit annuler plusieurs décrets ou nominations qu’il fit en faveur de certains officiers qu’il voulait autour de lui, et les prises de bec avec les hauts fonctionnaires du MDN furent fréquentes, car le MDN donnait très souvent des contre-ordres; et la marge de manœuvre du président devenait de plus en plus étroite. Sous écoute permanente et surveille de très près: les contacts de Boudiaf étaient aussitôt identifies et neutralises « si nécessaire » par les tirailleurs du général Toufik. Ce n’est que tardivement que Boudiaf comprit que seule une assise populaire, légale et solide pouvait lui donner suffisamment de force mais surtout le pouvoir légal d’entreprendre tous les changements qu’il voyait nécessaires a la sortie de l’Algérie de sa crise. Mais bien entendu, ces changements n’étaient pas au goût des forces ténébreuses au sein du pouvoir. Ces mêmes forces qui écrivirent les différents scénarios de la politique Algérienne au travers du temps, avaient d’autres projets. Boudiaf fut mis en garde par de rares fidèles au pouvoir et son chef de cabinet était harcelé par les appels téléphoniques d’une part et par les envoyés du MDN d’autres parts, qui venaient lui demander de calmer Si Mohamed, car celui-ci prenait trop souvent, des décisions sans revenir préalablement aux dirigeants du MDN.

Fort d’un caractère têtu, Boudiaf surprit tout le monde en décidant de rejuger le général Belloucif ; il venait ainsi de lancer aux barons d’Alger un défit des plus audacieux et ce après des consultations secrètes avec Kasdi Merbah. Il faut dire à ce titre que les deux hommes se connaissaient bien et étaient du même bord politique, et c’est la raison pour laquelle Kasdi Merbah promit son soutien à cet homme qu’il respectait autant qu’il respectait Si Abdelhafid Boussouf. L’appui de Kasdi Merbah était de taille, surtout qu’il était (sans nul doute) l’un des rares hommes les mieux informes de la réalité Algérienne; il connaissait à ce titre, les vrais ennemis au pouvoir, et pour les combattre il avait besoin d’un président comme Boudiaf pour le soutenir. Merbah fut loin dans ses contacts, même auprès de Toufik, (cet ancien sous-lieutenant qui travaillait a la Sécurité de l’armée (SA) quand Merbah était chef de la SM); il avait réussi à lui arracher une promesse d’aide (une impartialité des services face aux changements que le président voulait entreprendre) pour sortir le pays de la crise. Jouer double jeu pour Toufik était une nécessite: son poste a l’époque était très prise par des jaloux redoutablement dangereux, et s’assurer des faits et gestes de Boudiaf lui donnait une longueur d’avance.

Au moment ou l’affaire Belloucif était sur le point d’être rejugée, le général Toufik lança en pâture à la presse nationale l’affaire Hadj Betou (déjà connu par les services de sécurité pour ses trafics avec les pays du sud depuis bien longtemps) pour faire diversion, mais Hadj Betou n’était en fait qu’un maillon d’une chaîne qui remontait jusqu’au général Larbi Belkheir. La réouverture de l’affaire Belloucif avec ses différentes extensions allait amener à la barre: Chadli Bendjedid, Larbi Belkheir et bien d’autres âmes de l’ombre qui étaient encore plus coupables que Belloucif. Si juger Belloucif pour un détournement dont le montant était banal en apparence (par rapport aux détournements des autres), cela allait entraîner aussi le jugement de Chadli et surtout de Larbi Belkheir pour haute trahison vu la vraie nature des faits lies a cette affaire. En réalité tout avait commence par un projet de couverture radar de tout le territoire Algérien présente par Larbi Belkheir pour le compte du gouvernement Français. Le projet avait été refuse par Mustapha Belloucif alors secrétaire général du MDN et aussi par bon nombre d’officiers supérieurs, a cause de son coût prohibitif (le montant total de l’époque dépassait les 4 milliards de francs nouveaux), ce contrat était surtout lourd de conséquences pour le développement du pays et allait aussi mettre tout le système de défense aérienne sous tutelle Française, c’était la raison pour laquelle Belloucif avait refuse de l’adopter malgré les grandes pressions exercées par Larbi Belkheir et Chadli pour la signature de ce projet (Comble du destin, le général corps d’armée Mohamed Lamari signa un contrat similaire en 1995, avec le gouvernement Français biensure, sauf que cette fois-ci la facture était plus lourde).

Larbi Belkheir et Benabbes Gheziel

Suite a son refus, Belloucif fut officiellement limoge par Chadli pour corruption et mauvaise gestion. Les preuves de son inculpation furent offert a Larbi Belkheir par ses amis Français (détails du compte bancaire parisien de Belloucif, des vidéos compromettantes le montrant avec des agents féminins des services Français d’origine libanaise et autres détails sur le fonctionnement d’une fameuse clinique a Neuilly de laquelle il tirait de grands bénéfices). Face a cette politique de la compromission et du déshonneur Belloucif ne pouvait rien faire pour se défendre et devait encaisser sans pouvoir riposter. En réalité Belloucif a été descendu par les services Français. Paris ne voulait surtout pas de ce procès qui allait mettre a nue les relations qu’entretenait Larbi Belkheir avec les autorités Françaises pendant son exercice de la fonction de chef de cabinet du président Chadli (Jacques Attali: intime du président Français de l’époque François Mitterrand était le contact direct de Belkheir et son guide en matière de politique Française en Algérie) et Boudiaf dans sa grande naïveté n’était pas au courant des tenants et aboutissants de cette affaire qu’il tenait tellement a déterrer et a rendre publique dans ses moindres détails.

Des fautes, Boudiaf en avait commis, mais bien des fois, il n’avait guerre le choix. « L’Algérie avant tout » était son principe et son symbole, mais ce n’était certainement pas celui des décideurs en Algérie. La rue Algérienne demandait des comptes et réclamait encore justice pour les victimes d’octobre 88; Boudiaf le savait et c’est cette justice qui était finalement le luxe le plus difficile à obtenir. Mais Boudiaf ne désarmait pas; il chargea des proches qui partageaient ses idées d’une mission « impossible »: mettre un plan pour nettoyer le pouvoir de toutes les personnes corrompus et juger les coupables publiquement, et ce fut encore une fois grâce a l’aide de Kasdi Merbah qui avait présente a Boudiaf un dossier faramineux de plus de trois cents pages sur les activités de certains éléments au pouvoir que cela allait pouvoir se réaliser. Merbah avait même recommande certains officiers du service pour entreprendre cette grande opération de nettoyage. Boudiaf avait pu ainsi choisir comme chef de mission un officier supérieur des services de la DRS, (un proche de Merbah, ami personnel du général Saïdi Fodil et un révolutionnaire de la première heure), cette personne était en l’occurrence le colonel Mourad, célèbre dans le milieu de la DRS pour le traitement des affaires les plus sensibles du service.

Le colonel Mourad présenta au président un rapport préliminaire donnant un aperçu de l’étendu des dégâts de la corruption et de l’influence de la mafia « politico-financière » en Algérie et un complément d’informations au dossier de Merbah en plus d’un plan d’action détaille auquel devait s’ajouter les preuves détenues par Merbah (amassées au cours de ses dix huit années de service). Boudiaf avait ainsi des noms et savait pertinemment que le salut de l’Algérie ne pouvait venir qu’en montrant du doigt les vrais responsables du mal Algérien afin de rétablir cette confiance perdue entre le peuple et ses gouverneurs. Mais cela se devait d’être fait dans les règles, c’est à dire par les moyens que lui offrait la loi et la constitution, il ne voulait surtout pas recourir aux méthodes basses. Sachant que les personnes mises en cause possédaient des comptes bien garnis a l’étranger surtout en Suisse et en France particulièrement ou l’argent partait dans des circuits de blanchiment et se transformait en biens immobiliers essentiellement. Le montant approximatif de cet argent était faramineux (environ 65 milliards de dollars s’étaient évapores en 12 ans, avec les prêts bancaires ajoutes).

Le colonel Mourad fut charge par Boudiaf de faire des investigations sur ces détournements et voir la possibilité de récupérer au moins une partie de cette argent. Le président Boudiaf ne s’était pas empêche de contacter directement le premier ministre Français de l’époque « Monsieur Pierre BÉRÉGOVOY », et de lui demander personnellement son appui pour mettre la lumière sur les agissements de certains responsables Algériens en France. Il obtint des assurances de monsieur Pierre BÉRÉGOVOY renomme pour son sens de l’honneur dans le milieu politique Français. Quelques jours plus tard, après que Khaled Nezar eu accepte difficilement de signer leurs ordres de mission, le colonel Mourad et trois de ses collaborateurs se rendirent à Paris. Ils furent reçus par leurs homologues a Matignon, et le but du voyage était d’avoir des détails sur les comptes bancaires de certains hauts fonctionnaires Algériens comme: Larbi Belkheir, Nourdine Benkourtbi, Mohamed Atailia, Cherif Ouadani, Khaled Nezar, Moustapha Belloucif et bien d’autres. Il va sans dire que des deux cotes de la Méditerranée des hommes bien places avaient tire toutes les sonnettes d’alarme.

A Alger, Larbi Belkheir et d’autres mis en cause par les démarches de Boudiaf décidèrent d’opter pour la solution radicale lorsqu’ils apprirent le déclenchement de cette opération de purification. Le voyage du colonel Mourad et de ses collaborateurs était biensure un échec, le refus de la justice française d’accorder une levée sur la confidentialité des comptes bancaires des mis en causes était sans appel. Une semaine après le retour du colonel Mourad a Alger, il fut retrouve mort a Bachdjarah avec trois balles dans le cou. C’était biensure les terroristes qui l’avait abattu, (version officielle); des trois autres militaires qui l’avaient accompagne a Paris (deux capitaines et un lieutenant) aucun ne survécut: ils furent tous abattus par des terroristes dans la quinzaine qui suivit. Ils eurent quand même droit aux honneurs militaires. Boudiaf était hors de lui lorsqu’il apprit la mort du colonel Mourad, il finit par comprendre a qui il avait affaire; ce qui le décida a laissé tomber ce poste maudit et a rentrer chez lui au Maroc sans dire a personne. Ce fut la première fois qu’un président Algérien abandonne son poste au milieu de la nuit.

Quelques semaines avant le meurtre du président, le secrétariat du ministre de la défense nationale était en ébullition, et les contacts entre les différents chefs s’étaient intensifies. Nezar et Toufik ne se quittaient plus et la signature par Nezar de l’ordre de mission du colonel Mourad en partance pour Paris avait tout accéléré. Boudiaf avait donne trop de coups dans la fourmilière de la mafia Algérienne et beaucoup de tètes allaient tomber si les mesures qu’il avait pris seraient mises en exécution. Au début du mois de juin 92, lors d’une réunion nocturne des généraux Khaled Nezar, Toufik et Larbi Belkheir a sidi Fredj (centre familial militaire), l’option de la liquidation physique du président se posa comme la seule solution au problème Boudiaf, surtout que ce dernier venait juste de revenir du Maroc après l’abandon de son poste de président qu’il ne réintégra qu’après le voyage de plusieurs responsables (dont le général M. Touati) pour le persuader de continuer a servir son pays.

Une semaine avant le meurtre du président Boudiaf, tous les dossiers qu’il avait constitue furent dérobés durant la nuit, de son bureau a la présidence. Il savait à ce moment que les gens qu’il tentait d’écarter allaient tout faire pour échapper encore une fois à la justice. Le jour même ou Boudiaf était a Annaba pour sa visite « finale », Larbi Belkheir accompagne de son jeune frère Abdelkader força l’entrée pour se rendre au bureau du président, emportant a la sortie avec lui une autre quantité de documents.

L’heure était grave et le temps pressait; il fallait tout faire pour arrêter Boudiaf qui tentait de prendre de court le camp adverse. C’est avec la collaboration du général Smain Lamari (colonel a l’époque): sous directeur de la DRS et chef de la sécurité intérieure que Toufik mit les premières ébauches de la liquidation du président. Le scénario islamiste ne fut pas retenu pour des raisons de confidentialité; en effet l’utilisation d’agents islamistes n’aurait pas pu garantir une discrétion absolue de l’opération et le résultat aurait été d’autant moins incertain face a l’efficacité des éléments du SSP (service de la sécurité présidentielle) et du GIS (groupe d’intervention spéciale). La seule manière qui pouvait donner un résultat fiable c’était celle d’une opération montée de l’intérieur: un tireur isole qui agirait de son propre chef (pour une raison ou une autre), ils pourraient dire a la limite que l’assassin était un déséquilibré mental et ainsi classer l’affaire avec un minimum de risque pris et un maximum de chance de succès.

Samain Lamari
General Smain Lamari

Ce fut le scénario de Smain Lamari qui prit forme peu à peu après la bénédiction de Toufik, Nezar et Belkheir. L’escadron de la mort sous tutelle de Smain (cellule fantôme crée par Belkheir et Toufik, dirigée par Smain et composée d’éléments du service opérationnel tries sur le volet) eut la tache facile pour liquider tous les témoins et les éléments gênants du réseau Boudiaf. Même si la liste était longue Smain prit un malin plaisir à liquider ses adversaires et les gens qui en savaient long, sans qu’aucun ne soit épargne.

Le plan détaillé de l’assassinat de Boudiaf ne fut connu qu’après son exécution et ce par les quelques membres des services de sécurité, qui avaient côtoyé Boumaarafi durant les premiers jours qui suivirent le drame. Et Boumaarafi était pendant ce temps, inquiet et surtout soucieux de transmettre son horrible secret à qui de droit. Le choix par Smain Lamari du sous-lieutenant Boumaarafi n’était pas par hasard, il avait déjà remarque la froideur de cet élément et sa discrétion lors de précédentes opérations. Le colonel Smain, a l’époque: chef de l’opérationnel était a ce titre apte a juger qui était le plus capable. Ce fut a Antar (Le centre opérationnel fétiche de Smain) que le colonel Smain donna a Boumaarafi les premières directives de l’opération sans citer la cible, l’incitant a rejoindre l’escadron de la mort pour purifier la patrie des traîtres qui voulaient détruire et vendre tout le pays. Il y va sans dire que les promesses de promotion et de soin eurent un écho chez Boumaarafi. Avoir quelqu’un qui protège son dos est très important dans l’armée si on veut aller loin dans la hiérarchie, c’était ce dont Boumaarafi avait besoin. Apres une série de rencontres, Boumaarafi était enfin prêt pour le jour « J ». Il avoua après son acte qu’après avoir pris connaissance de l’identité de l’homme qu’il devait abattre il ne pouvait plus sortir vivant du bureau de Smain s’il refusait la mission.

La veille de l’opération un problème de dernière minute allait presque tout gâcher; le commandant Hamou (chef du GIS) n’avait pas désigné le sous-lieutenant Boumaarafi pour la mission de Annaba. Le commandant du GIS ne supportait pas le sous-lieutenant Boumaarafi qu’il tenait en partie responsable de la mort de son ami et ex-commandant du GIS en l’occurrence le commandant Abderrahmane (Lors d’une opération anti-terroriste au Telemley: le commandant Gatouchi Amar et le sous-lieutenant Tarek, tout deux du GIS avaient été tue sur place alors qu’ils essayaient de pénétrer une habitation. Boumaarafi était sensé les couvrir, mais ils furent surpris par une pluie de rafale de kalachnikov et même les gilets pare-balles qu’ils portaient ne leurs furent d’aucun secours). Le colonel Smain mis au courant des partants pour Annaba appela Hamou pour lui ordonner d’émettre un ordre de mission individuel à Boumaarafi pour qu’il puisse faire partie de la mission. Hamou émit des réserves quant à l’efficacité de cet élément mais il finit par céder devant la persistance de son chef.

L’équipe du GIS qui devait assister le SSP s’était rendu sur les lieux par route un jour avant la visite du président pour affiner les mesures de sécurité. Le jour d’arrivée du président a Annaba, les éléments du GIS étaient en complète intégration avec ceux du SSP, c’est à dire qu’ils n’avaient aucune restriction de périmètre de sécurité. La raison était très simple d’un point de vue professionnel: les éléments des deux corps étaient très entraînes et ceux du GIS particulièrement, ils se connaissaient très bien et changeaient de mutation entre les deux corps au gré des chefs. Donc la finale de tout cela c’était qu’aucun élément des deux corps n’aurait pu douter de l’intégrité d’un autre élément dans l’équipe de protection.

Lorsque le président arriva a la maison des jeunes qu’il devait inaugurer, certains des éléments du GIS étaient derrière le rideau de la salle et une partie en dehors: couvrant la sécurité extérieure de l’arrière de la salle qui donnait sur une cite non loin de la maison des jeunes. Boumaarafi était vêtu de la tenue d’intervention nouvellement reçue par les éléments du GIS (une tenue impressionnante de couleur bleue marine; des témoins confondront plus tard Boumaarafi aux éléments d’intervention de la police a cause de cette tenue); avant l’arrivée du président, il se dressait dans l’arrière cour mais rentrait et ressortait de la salle ou il faisait plus agréable en cette matinée de la fin du mois de juin.

Tout se passait comme prévu et le président donnait un discours important visant à sensibiliser la population de l’est Algérien et a promouvoir son mouvement dont le symbole était « l’Algérie avant tout », toute la scène était biensure télédiffusée en direct sur tout le territoire. Derrière le rideau, les éléments de la protection rapprochée du président et des éléments du GIS discutaient a voix basse tandis que le chef du SSP: le commandant Hadjres était entrain de discuter, tout en prenant une cigarette, avec le Commandant Hamou, le capitaine Zaidi sous-directeur du SSP, le capitaine Sadek responsable de la formation au SSP et le lieutenant Torki chef de mission de l’équipe du GIS. A l’entrée de la porte arrière se tenait le lieutenant Yacine adjoint chef de mission du GIS et dans l’arrière cour devait se trouver le sous-lieutenant Boumaarafi assurant la sécurité.

Les derniers instants de
Mohamed Boudiaf

A un moment ou toute l’attention du publique était portée sur le discours du vieux révolutionnaire, une première petite explosion retentit dans la salle, précédé d’un bruit de roulement. Boumaarafi venait de dégoupiller sa grenade et de la faire rouler sous le rideau; il surgit au même moment tirant une première rafale qui fit diversion dans le milieu du système de protection. .Les éléments du SSP et du GIS avaient cru a une attaque extérieure en voyant Boumaarafi tirer, mais celui-ci pointa son pistole mitrailleur (Beretta de calibre 9mm, parabellum: une arme très redoutable) a bout portant vers la tète du président Boudiaf, tirant une longue rafale. Tout le monde était pris de panique et les éléments du SSP commencèrent à tirer vers le rideau causant même des blesses parmi l’équipe elle même. La seule image que tout le monde avait retenu fut la fuite de Boumaarafi vers la porte arrière ou se trouvait le lieutenant Yacine sans même que ce dernier comprenne ce qui se passait. Le peuple Algérien venait de suivre en direct la liquidation de son président; on avait de la peine à croire que cela se passait en Algérie. Une fois dans l’arrière cour Boumaarafi enjamba en toute hâte un mur de presque deux mètre de haut; seuls quelques policiers au loin et quelques passants avaient pu voir cette scène. Il se dirigea ensuite vers l’immeuble le plus proche et au rez-de-chaussée il frappa au premier appartement qu’il trouva; une jeune femme lui ouvrit la porte sans doute impressionnée par la tenue et l’arme de Boumaarafi croyant a une décente de police. La seule chose que Boumaarafi demanda fut d’appeler la police et de lui demander de venir en disant que le tueur du président voulait se rendre. La police contactée s’était rendue assez vite à l’adresse indiquée. Les chefs du GIS et du SSP furent prévenus par le chef de la sûreté de la willaya, de l’arrestation de Boumaarafi qui s’était rendu sans résistance. Au même moment et dans une confusion totale, le président était conduit dans une ambulance mal équipée et sans médecin vers un hôpital qu’on n’arrivait même pas à trouver. Le président était très gravement touche et la mort fut presque instantanée: une décérébration aigue fut causée par les nombreuses balles qui avaient touche son cerveau.
Mohamed Boudiaf 3

A Alger le colonel Smain suivait biensure le déroulement de l’opération en direct sur la télévision et des les premiers instants de l’attentat il appela le GLAM (Groupe de Liaison Aérienne Ministériel) pour lui préparer d’urgence un appareil, puis il prit contact avec Mohammed Ouadeh (chef de la police nationale) et lui demanda de le rejoindre ainsi qu’une équipe de Antar.
Mohamed Boudiaf 4 Mohamed Boudiaf 4

L’équipe de la protection présidentielle (SSP et GIS) était déprimée et inquiète mais des que la mort du président fut confirmée, tout le monde se trouva sous le choc; ils n’arrivaient plus à comprendre comment ni pourquoi cela s’était-il passe. Réunie dans cette même salle, toute l’équipe vit arriver quelques heures plus tard le colonel Smain, Mohamed Ouadeh et quelques visages familiers; Smain s’entretint avec les chefs du GIS et du SSP pendant quelques instants, ensuite il revint vers les éléments de l’équipe pour leurs demander de leurs nouvelles. Il essaya de les rassurer avec ces mots:  »ne vous en faites pas; c’est un acte isole; ce n’est pas de votre faute, vous ne pouviez de toute façon rien faire devant ce fou et perdre un président est même arrive aux Américains ». Ils leurs donna ensuite l’ordre de rentrer sur Alger. Puis Smain accompagne de Hadjres, Hamou et Ouadeh se rendirent a la sûreté de la wilaya ou Boumaarafi était détenu; ce dernier avait-il a peine vu le colonel Smain Lamari qu’il sauta de sa chaise et cria: « tu es venu espèce de salaud; tu es content comme ca (Djite ya ouahad achemata, rak farhan hakda) », l’atmosphère était lourde et Smain donna des instructions aux éléments qui l’accompagnaient pour qu’il le transfert vers l’avion. Le président fut entre temps rapatrie vers l’hôpital Ain Nadja (HCA) a Alger ou le médecin commandant Brixi: chef du service médecine légale donna la version officielle de l’origine du décès.
L’Hôpital Militaire HCA

Presque en même temps le colonel Smain accompagnait Boumaarafi au service des urgences du HCA ou le médecin colonel Koutchoukali: chef du service psychiatrique examina Boumaarafi et lui administra une injection de calmant. Boumaarafi ne se laissait pas faire, il criait de toutes ses forces: “vous voulez me tuer, vous voulez me faire taire » et insultait Smain de tous les noms possibles. Une fois Boumaarafi presque endormi il fut conduit à la prison du quartier général pour sa première nuit en prison.

La commission nationale d’enquête fut installée le 04/07/92 en toute hâte par le HCE, elle était composée de personnalités tries sur le volet par les généraux concernes. Elle était composée de MM.Belhocine Mabrouk, Ahmed Bouchaib, M’hamed Ferhat, Youcef Fathallah, Kamel Rezag Bara et Allel Thaaliby. A l’issue de la première réunion de cette commission, Ahmed Bouchaib (ami intime de Boudiaf et ex-membre des vingt-deux en 1954) fut nomme: président et Kamel Rezag Bara: rapporteur. La commission en elle même avait peu de pouvoir mais par souci de transparence « fictive » et d’impartialité, elle avait fini (après plusieurs rencontres avec les différents acteurs de l’assassinat du président Boudiaf) par présenter son rapport au HCE. Le rapport en lui même était très maigre et ne présentait ni une enquête judiciaire, ni un avis d’experts (vu l’inaptitude de ses membres) sur le meurtre du président. Le seul objectif de cette commission était de designer officiellement les boucs-émissaires à qui les vrais coupables voulaient faire endosser le crime. Le temps était un facteur déterminant qui jouait en défaveur des vrais commanditaires de l’assassinat; et la désignation de cette commission allait aider à apaiser les esprits choques par cette liquidation en direct.

Des les premières heures de l’installation de cette commission, des pressions étaient exercées par Larbi Belkheir et Smain Lamari pour designer Rezag Bara comme rapporteur. Ce dernier avait longtemps fait partie des agents les plus fidèles au service du « DRS ». C’est ainsi que le travail de la commission fut téléguide depuis le début, la poussant à mettre le point sur certains détails et non sur d’autres. Comme par exemple: la fausse lettre trouve chez Boumaarafi; son lien avec le courant islamiste; la responsabilité des éléments du GIS que Toufik venait tout juste de verser au SSP pour renfort (Il faut souligner le fait qu’a l’époque, les éléments d’élite de la protection présidentielle avaient été affectes a la protection exclusive des généraux putschistes). Mais la commission avait sciemment omis de mettre en cause Toufik, Smain Lamari ainsi que Larbi Belkheir, alors qu’ils étaient théoriquement les premiers responsables de ce qui venait d’arriver au président.

A l’intérieur de la commission d’enquête il y’avait bien des distorsions et des différends profonds pour la nomination des vrais coupables. Les différents membres avaient tous cédé aux pressions et aux intimidations des généraux, sauf Youssef Fathallah qui refusa jusqu’à la dernière minute de signer le rapport final, dans lequel il voulait inclure la responsabilité des dirigeants des corps de sécurité et a demander leurs démissions comme conséquence logique au drame. Kamel Rezag Bara, biensure, ne manqua pas de rapporter les plus petits détails à ses chefs de la DRS. Il joua ainsi un rôle très important dans le meurtre de youssef Fathallah (dans son bureau de la place Emir Abdelkader) un an et demi plus tard, lorsque ce dernier commença à écrire son propre rapport sur l’affaire Boudiaf.

Un problème se posa quant a l’instruction de cette affaire, et le juge d’instruction d’Annaba déclara l’incompétence de la juridiction civile face a ce dossier qui était normalement du ressort militaire. Mais le directeur central de la justice militaire de l’époque Mohamed Elallem (après avoir reçu des ordres du général Khaled Nezar) déclara a la presse que cette affaire était du ressort de la juridiction civile. Presque un mois après le meurtre du président, la chambre d’accusation du tribunal d’Annaba décida que le tribunal d’Annaba était territorialement compétent, cette décision était basée sur l’article 40 du code pénal. En fait les généraux qui avait planifie cet assassinat s’étaient vite aperçus qu’il fallait a tout prix laisser la justice civile s’occuper de cette affaire par souci de transparence vis a vis du peuple qui sentait le complot d’une part, et des instances internationales d’autres part; mais plus important encore: des voix s’étaient levées et la rue accusait déjà le général Larbi Belkheir qu’elle désignait comme le premier responsable du meurtre, ce qui l’avait pousse « alors ministre de l’intérieur » a déclarer a la presse nationale: « ni le ministre de l’intérieur, ni son ministère ne pouvaient être mis en cause dans les événements tragiques de Annaba qui coutèrent la vie au président « . Une vraie course contre la montre s’était engagée face aux Algériens qui dénonçaient le complot de la sphère politico-financière contre un des symboles de la révolution mais plus simplement contre l’espoir d’un peuple en déperdition.

Le procureur général du parquet de Annaba: Mohamed Tighramt, charge officiellement d’instruire ce dossier ordonna la poursuite de l’enquête par les officiers de la police judiciaire de la gendarmerie nationale et la reconstitution des fait fut fixée pour la première semaine du mois d’aout 92. Les équipes du SSP et du GIS (munis comme d’habitude de leurs armes) se rendirent le samedi matin de la première semaine d’aout a Annaba, Boumaarafi fut conduit par avion quelques jours plutôt. La reconstitution se déroula en présence des officiers de la gendarmerie nationale ainsi que plusieurs autres personnalités en plus du juge d’instruction, mais la surprise vint à la fin de la reconstitution qui avait dure plus de cinq heures, lorsque le juge annonça l’arrestation des membres du SSP et du GIS. La surprise était de taille et les membres des services de sécurité refusèrent de rendre leurs armes aux gendarmes. A un moment donne un membre du GIS braqua son pistole mitrailleur Beretta contre les gendarmes qui essayèrent de désarmer le commandant Hamou: chef du GIS, furieux après ce qu’il venait d’entendre de la part du juge. Le commandant Hadjeres demanda à passer un coup de fil a la direction (DRS); de sa communication avec le général Toufik il n’eut que des insultes et un ordre de se plier a la loi; un langage nouveau que le commandant du SSP n’avait jamais entendu de sa vie. Devant l’insistance des commandants Hadjeres et Hamou les éléments officiers et sous officiers qui les accompagnaient rendirent leurs armes aux gendarmes et se constituèrent prisonniers. Ils furent conduits menottés aux mains vers le poste de gendarmerie ou ils passèrent plus d’une semaine. Les officiers furent places dans une même grande cellule avec rien d’autre que le slip sur le corps. Apres l’altercation des membres de la DRS avec les gendarmes, ces derniers se vengèrent surtout qu’ils avaient reçu le support du chef de la gendarmerie (le général Benabbes Gheziel) qui avait été écarté du sommet des décisions.

Au total, deux officiers supérieurs (le commandant Hadjeres: chef du SSP et le commandant Hamou: chef du GIS), trois officiers subalternes (le capitaine Zaidi: Adjoint chef du SSP, le lieutenant Torki: Chef de groupe et le lieutenant Yacine: adjoint chef de groupe) et dix huit autres sous-officiers en plus du prévenu principal: Boumaarafi allaient être inculpes pour assassinat et plusieurs autres chefs d’inculpations passibles de la peine capitale. Dans les coulisses du ministère de la défense nationale et après les menaces de Larbi Belkheir, les généraux Khaled Nezar, Toufik (Mohamed Mediene), et le colonel Smain Lamari avaient pris une décision lourde de conséquences et qui allait troubler toute la classe militaire surtout les services de sécurité: les membres des services qui étaient en mission a Annaba allaient être sacrifies. Quand les familles des officiers rencontrèrent le général Toufik, ce dernier n’avait trouve que des réponses évasives aux nombreuses questions qui lui avaient été pose; « cela fait partie du travail, mais de toute façon ils continueront à recevoir normalement leurs soldes « . La déclaration la plus incroyable vint du colonel Smain qui dit cyniquement a des officiers inquiets pour le sort de leurs collègues, « c’est eux ou vos chefs; que choisissez vous? ».

L’instruction de l’affaire traina à Annaba et pour noyer l’instruction du dossier les généraux décidèrent de le transférer à Alger. Le juge charge de l’instruction Annaba prit très mal la décision et démissionna de son poste, il fut oblige de revenir sur sa décision sous peine de représailles. Mohamed Tighramt n’avait pas le choix, craignant pour sa vie, il n’hésita nullement a publier un démenti concernant sa démission qui avait déjà été annonce par la presse et la télévision.

A Alger ce fut le procureur général du tribunal d’Alger: Abdelmalek Sayeh un ancien agent des services (agent exclusivement dirige par Smain Lamari qui l’avait recrute des années auparavant quand Sayeh était a l’école des juges) et ex juge de la court de la sureté de l’état de Médéa. Mohamed Saada: un juge de seconde classe mais connu pour son honnêteté, fut charge d’assister Sayeh afin d’étouffer le manque de rigueur de Sayeh. Sayeh Abdelmalek et Kamel Rezag Bara avaient pratiquement sauve l’avenir de leurs officiers manipulateurs (Toufik et Smain), et ils furent largement récompenses pour cela.

Sayeh A.Malek Agent du DRS

Les prévenus (officiers et sous-officiers arrêtés a Annaba) furent transférés avec leurs dossiers par Avion sur Alger, quand ils arrivèrent a l’aéroport militaire de Boufarik (Sous une escorte impressionnante de gendarmes) ils furent descendus de l’hercule qui les transportait mains et pieds enchaines, les employés de l’aéroport eurent de la peine à croire l’état dans lequel se trouvaient les détenus. Avec Boumaarafi, les détenus furent transférés a la fameuse prison civile de Serkadji « Barberousse ». Sauf que Boumaarafi fut place en isolement et sous surveillance vidéo permanente. Le destin fit que le commandant Hamou retrouva Abdelkader Hachani dans la prison de Serkadji, un des leaders du FIS qu’il avait arrêté quelques temps auparavant.

En tout, cinq officiers dont deux au grade supérieur et dix huit sous-officiers dont certains avec plus de vingt ans d’expérience furent sacrifiés pour les besoins du scenario de transparence que les vrais commanditaires avaient écrit. Les parents des officiers engagèrent des avocats pour soutenir les inculpes suite au silence des chefs qui ne voulaient plus les recevoir et du climat de trahison qui régnait. Lorsque Kasdi Merbah apprit que les sous-officiers ne pouvaient pas se payer des avocats, il chargea son propre avocat (et celui de son parti « MAJD ») pour les défendre, ce qui n’était pas une bonne nouvelle pour Toufik. Outre la mise a l’ombre des éléments responsables de la sécurité du président, Toufik décida la mise sous scelles de la vidéo qui fut enregistrée avec Boumaarafi; les conditions d’enregistrement avaient été très tendu et Boumaarafi ne voulait absolument pas coopérer et ne cessait de faire des commentaires quant aux conditions de sa détention et de ses craintes d’être assassiner pour qu’il se taise. Ce ne fut qu’après avoir reçu de force, une injection de calmant qu’il se rendit a la salle d’enregistrement. La séance fut une vraie catastrophe, les réponses de Boumaarafi aux questions que lui posait un officier derrière la camera étaient sans aucun sens, la majorité de ses dires étaient des insultes envers les commanditaires et des commentaires sur l’état du pays. A la question: » avez vous des relations avec les islamistes du FIS? » il répondit: « ce n’est pas des barbus avec des djellabas qui oseront faire ce que j’ai fait ».

L’instruction de l’affaire Boudiaf fut très mal faite et l’agent Sayeh Abdelmalek (actuellement récompensé pour sa loyauté par un poste de consul en Tunisie 1997) fit tout pour noyer les indices qui remontaient jusqu’aux généraux commanditaires du meurtre. Jamais un agent des services n’eut un tel pouvoir et autant d’avantages; en plus des gardes du corps fournis par le service opérationnel d’ANTAR et un chalet au club des pins, ce fut l’un des rares civils à avoir eu droit a une voiture blindée coutant les yeux de la tête au contribuable. Quand le parent d’un des officiers inculpes essaya d’intervenir et se plaignait des dépassements de Sayeh (auprès de son ami le ministre de la justice de l’époque: Mahi Bahi) il reçut des garanties personnelles pour que le dossier soit transféré a un autre juge. Le ministre Mahi Bahi tint sa promesse et convoqua Sayeh, mais lors de l’entrevue entre les deux hommes, ce fut Mahi Bahi qui le plus écouta les insultes de Sayeh après que le ministre de la justice lui eu avoue son intention de le dessaisir du dossier qui devait selon le ministre être entre les mains de plusieurs juges et non d’un seul. Sayeh Abdelmalek ne perdit pas de temps et se rendit directement a Ghermoul (Siege de la direction du contre espionnage: DCE) au bureau du colonel Smain Lamari. Un seul coup de téléphone de la part de Smain régla le problème. Le même jour au journal de vingt heures, la démission du ministre de la justice fut annoncée, a la surprise du ministre lui même.

Une question posée par la commission d’enquête a Boumaarafi restait sans réponse: « pourquoi n’êtes vous pas reste sur les lieux du crime après votre acte, et pourquoi vous êtes vous rendu dix minute après au service de police »? Ce n’est pas Boumaarafi qui apporta la réponse a cette question, mais un de ses collègue du GIS  » le sergent chef Kamel Aidoun ». Ce sergent chef était un des premiers éléments du GIS et avait fait partie de l’équipe qui avait assure la sécurité du président a Annaba. Il déserta de sa caserne du GIS a la fin de l’année 1993, et ses raisons étaient plus que justifiées; Smain Lamari voulait a tout prix sa peau comme il avait eu celle d’un autre sous-officier quelques mois auparavant, pour la simple raison que Kamal Aidoun avait faillit a sa mission a Annaba. Sa mission était claire et les ordres qu’il avait reçu une semaine avant le drame venaient directement de Smain Lamari qui lui avait dit: « suite a des soupçons qui entourent la loyauté de Boumaarafi, tu as carte blanche pour le liquider a la moindre faute ».

Sans trop savoir pourquoi Kamel Aidoun s’était trouve mal a l’aise après avoir eu ces instructions et ce n’est qu’après l’assassinat de Boudiaf qu’il comprit; mais le plus grave pour lui était qu’il n’avait pas obéit a Smain. Pour plus de sécurité un autre sous-officier avait été charge de la même mission mais cet élément « Algérois d’origine » avait mis son frère dans la confidence quelques jours après le meurtre du président en lui disant: « je comprends maintenant pourquoi le vieux loup (qualificatif de Smain au sein du service) m’a demande de descendre Boumaarafi a Annaba ». Ce sous-officier fut arrêté par le commandant du centre ANTAR (a l’époque: le commandant Farid) et torture pour un lien fictif avec un groupe terroriste, et son frère un peu plus tard connut le même sort mais la secret était déjà divulgue.

C’était pourquoi Kamel Aidoun avait déserté après avoir confirme a des proches qu’il avait reçu les mêmes ordres, mais ne pouvait tuer un collègue. L’échappée de Kamel fut de courte durée et Smain mobilisa toutes les forces opérationnelles pour retrouver ce spécialiste des explosifs qui avait tourne la veste. Kamel fut abattu par des éléments de l’intervention de la police nationale et son arme (Beretta 92F) fut reversée au GIS chargeur plein. Boumaarafi avait raison de se méfier de Smain, et c’est la raison pour laquelle il s’était rendu à la police plutôt qu’a ses collègues.

Le bilan de l’opération Boudiaf fut lourd en vies humaines: plus d’une vingtaine de personnes au total furent liquides suite aux ordres de Smain ou Toufik pour protéger le grand secret, sans oublier l’assassinat de Kasdi Merbah qui avait décidé de rendre publique les raisons de l’assassinat de Boudiaf. Même Zeroual (alors ministre de la défense) n’avait pas réussi à le calmer et a le persuader de rendre les dossiers qu’il avait en sa possession et ce deux semaines avant sa liquidation. Le chef du bureau sécurité à l’ambassade d’Algérie en Suisse (le commandant Samir) récupéra les dossiers en question rendus à la DRS par un parent du défunt Merbah.

 

Il va sans dire que le massacre de Serkadji (qui avait couté la vie a près de deux cents personnes) en février 1995 était directement lié a la volonté d’étouffer l’une des dernière preuve de l’implication flagrante de Nezar, Belkheir, Toufik et Smain dans le meurtre d’un des symboles de la révolution.

Condamné en Juin 1995 a la peine capitale Lembarek Boumaarafi est actuellement incarcéré a la prison militaire de Blida. L’exécution de sa peine est suspendue pour le moment.
Mohamed Boudiaf 7

 

Nous présentons nos condoléances aux familles de toutes les victimes de cette affaire qui reste une des plus noires que le service ait jamais connu. Pendant ce temps les vrais commanditaires du meurtre de Boudiaf (Khaled Nezar, Larbi Belkheir, Mohamed Mediene, et Smain Lamari et Mohamed Lamari par la suite) continuent d’assassiner tout un peuple.

 

PS:

Larbi Belkheir, né le 1er janvier 1938 à Frenda dans la wilaya de Tiaret est mort le 28 janvier 2010 à Alger.

Smaïn lamari, né en 1941 à Alger est mort le 28 Aout 2007 à Alger.