Un homme de 33 ans battu à mort par la police : « simple maladresse » ou grave bavure policière ?

Un homme de 33 ans battu à mort par la police : « simple maladresse » ou grave bavure policière ?

Alkarama, 15 Octobre 2012

Un Algérien de 33 ans est mort sous les coups de la police…. C’est une affaire qui serait peut-être passée inaperçue si elle s’était produite derrière les murs d’un commissariat, dans l’enceinte d’une prison, à l’abri des regards. Un Algérien de 33 ans est mort sous les yeux de ses parents, de ses voisins, d’inconnus du quartier ameutés par les cris et les pleurs… Trafiquant de stupéfiant mort d’une overdose, selon les services de sécurité, la police et les autorités bien décorées. Jeune sans histoires, pleurent les parents et la jeunesse de Mascara endeuillés. Au-delà du combat d’images, de mots et de morts, une triste réalité que l’on ne peut maquiller : Ahmed Sahnoun est né dans un pays où les graves atteintes aux droits de l’homme passent pour « de simples maladresses » aux yeux des autorités.

Depuis mardi dernier, la ville de Mascara est en colère. Après l’annonce de la mort d’Ahmed Sahnoun, jeune Algérien de 33 ans battu à mort par des policiers le 9 octobre dernier sous les yeux de ses parents et des habitants du quartier, des jeunes sont descendus dans la rue pour crier leur révolte contre ce que les services de sécurité de la wilaya se sont précipités de présenter comme l’overdose d’un délinquant drogué.

Le 9 octobre dernier, Ahmed Sahnoun a été interpellé sans motif par six policiers devant chez lui, dans le quartier des frères Ben Fetta à Mascara, à quelques 350 km d’Alger. Très rapidement, les agents de police en tenue l’ont menotté et se sont mis à le frapper à coups de matraque et de pieds à la tête. Et de continuer de plus belle, à la tête, partout sur le corps…. Ahmed a supplié : « Arrêtez, vous allez me tuer ! »… Et l’un des agents de lui répondre : « Tu peux crever »… Les habitants du quartier et l’entourage d’Ahmed, témoins de la scène, rapportent que les policiers ont continué à le rouer de coups. Certains affirment que les agents lui ont introduit une bouteille dans la gorge. D’autres déclarent que les policiers lui ont fait boire un produit liquide pour le faire vomir. Ahmed Sahnoun a été transporté à l’hôpital le plus proche aux alentours de 18h. Il a été déclaré mort quelques minutes plus tard.

Les services de sûreté de la wilaya se sont alors empressés de contacter les médias locaux le soir-même de la mort de la victime affirmant qu’Ahmed Sahnoun était « un repris de justice impliqué dans des affaires de détention et de commercialisations de stupéfiants ». Déclarations reprises par Ennahar – journal proche des autorités algériennes – dans son édition du 11 octobre dernier.
Les autorités ont affirmé avoir ordonné une autopsie pour déterminer les causes du décès et ont déclaré que le rapport du médecin légiste de l’hôpital Meslem Tayeb «ne fait état d’aucune trace liée aux coups administrés par les policiers et que la mort de Sahnoune Ahmed est due à un étouffement après avoir ingurgité une grande quantité de comprimés de psychotropes».

L’entourage du jeune de 33 ans rejette ces allégations, précisant que le casier judicaire de la victime était vierge et qu’il cumulait deux emplois – chauffeur pour une entreprise privée de produits d’entretien pour voitures et vendeur ambulant. Il venait d’obtenir un prêt de l’Etat pour monter sa propre entreprise… Par ailleurs, les causes du décès avancées par les autorités ont été immédiatement contestées.

Cette mort qui a choqué les habitants de la ville a provoqué des émeutes importantes. Un important dispositif sécuritaire a été déployé suite à ces manifestations. L’implication des forces de police dans cette mort violente laisse craindre que les autorités ne mènent pas d’enquête sérieuse et impartiale sur ce décès.

Alkarama et l’Observatoire algérien des droits de l’homme demandent aux autorités algériennes de mener sans délai des enquêtes exhaustives et impartiales sur les circonstances du décès d’Ahmed Sahnoun et de poursuivre les responsables en justice.

Nous avons soumis le cas d’Ahmed Sahnoun aujourd’hui au Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires de l’ONU.