Une mère de disparu de 71 ans convoquée devant la justice

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Une mère de disparu de 71 ans convoquée devant la justice

SOS disparu(e)s s’indigne des actes de harcèlement dont est victime la famille Bourefis vivant à Emir Abdelkader, dans la wilaya de Jijel. En effet, Madame Bourefis, dont l’époux et un de ses fils ont disparu en 1996, est convoquée le 5 novembre 2006 pour une audience au Tribunal de Taher (wilaya de Jijel) pour répondre de l’accusation d’ « hébergement d’un étranger sans autorisation », un délit ne figurant pas à notre connaissance dans le code pénal algérien.

La famille Bourefis, et en particulier Moussa Bourefis, membre du comité des familles de disparus de Jijel, est devenu la cible des autorités locales depuis qu’elle a accueilli du 7 au 9 février 2006 une mission du Collectif des Familles de Disparu(e)s en Algérie (CFDA) venue instruire des dossiers des familles de disparus de la région. En effet, la famille Bourefis avait alors offert l’hébergement et accompagné la mission auprès des familles.

A la suite de cette visite, une enquête a immédiatement été ouverte sur les activités de Moussa Bourefis. Un délégué communal de la sécurité à Emir Abdelkader, a contacté deux amis de M. Bourefis pour obtenir des informations, n’hésitant pas à menacer l’un d’entre eux, lui-même fils de disparu. D’après les informations que nous avons recueillies, celui-ci a par la suite rendu un rapport à la Sécurité militaire de Jijel. Il semble qu’à la suite de ce rapport, des agents de la Sécurité militaire se soient rendus à la mairie d’Emir Abdelkader ainsi qu’à la gendarmerie où ils ont reproché au chef de la brigade de ne pas les avoir informés de la présence de personnes étrangères dans la commune.

Le 12 février suivant, Moussa Bourefis a été convoqué à la gendarmerie d’Emir Abdelkader où il s’est rendu avec sa mère. Sur place, ils ont été interrogés sur les raisons et l’identité des personnes qu’ils avaient hébergées, identités immédiatement communiquées au chef de la Daïra de Taher. Le même jour, sur la demande du commissaire, des policiers sont venus chercher Moussa à son domicile pour l’amener au commissariat où il s’est rendu avec sa mère, toujours pour être entendu sur cette affaire.

Deux jours plus tard, le 14 février, Seddik Bourefis, le frère de Moussa, a également été convoqué par le Commandement du secteur militaire de Jijel. Au cours de cette audition, le commandant lui a dit que sa famille n’avait pas le droit d’inviter des étrangers à leur domicile. Le 16 février, un fils de disparu résidant dans la commune voisine d’El Kennar (wilaya de Jijel), a été à son tour convoqué par le délégué communal de la sécurité d’El Kennar afin de recueillir des informations sur Moussa Bourefis et sur l’employé du CFDA.

Un peu plus tard, des menaces ont été proférées par des agents de la Sécurité militaire à l’encontre de Moussa par l’intermédiaire de son autre frère, Azzedine Bourefis, lui laissant entendre que Moussa n’avait pas compris les leçons du passé et que celui-ci devait craindre pour sa sécurité s’il s’obstinait à poursuivre ses activités avec les familles de disparus.

Enfin, le 10 octobre dernier, Madame Bourefis a reçu cette convocation lui enjoignant de se présenter à l’audience du 5 novembre 2006 afin de répondre de l’hébergement de ces étrangers à son domicile. Son fils Moussa, craignant pour sa santé, dissimule depuis cette convocation à sa mère, une vieille dame âgée de 71 ans souffrant de plus de graves problèmes de coeur. En effet, Madame Bourefis souffre de trois valvulopathies cardiaques susceptibles d’entraîner un arrêt du cœur.

Ce harcèlement, à l’encontre d’une famille modeste et d’une dame âgée et malade qui ne demande qu’à savoir ce que sont devenus son fils et son mari disparus depuis 10 ans, est indigne d’un État qui se proclame respectueux des principes démocratiques. En conséquence, SOS disparu(e)s demande instamment que cessent ces manœuvres d’intimation sur tous ceux et celles qui se battent pour que la vérité et la justice triomphent pour les victimes en Algérie.

Alger, le 13 octobre 2006

SOS disparu(e)s

Fatima Yous

Présidente