A la barre pour des propos tenus sur facebook

A la barre pour des propos tenus sur facebook

El Watan, 30 septembre 2016

La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (Laddh) continuent d’enregistrer des poursuites à l’encontre de personnes ayant tenu «des propos sur facebook», jugés «injurieux» par la justice algérienne.

Reçu hier à notre rédaction, le président du bureau de la Laddh d’Alger (aile Noureddine Benissad), maître Abdelghani Badi, a signalé un nouveau cas. Il s’agit de Sohaib Guerfi, 24 ans, étudiant admis en magistère de littérature et langue arabe à l’université de Annaba. Poursuivi sur la base de «ses propos partagés sur son compte facebook», il est accusé d’«outrage au président de la République, à un fonctionnaire et aux corps constitués», rapporte son avocat, qui affirme que son client est, depuis une semaine, sous mandat de dépôt à la prison d’El Harrach.

Mais selon un proche du dossier, Sohaib ne serait pas le seul détenu, pour les mêmes raisons, dans cet établissement : «Un autre jeune de 18 ans originaire de Tizi Ouzou qui, lui, est en classe de terminale, croupit pour les mêmes accusations, avec Sohaib, à la prison d’El Harrach. Un policier serait, lui aussi, sous mandat de dépôt dans la même affaire.» «Ces accusations peuvent leur valoir l’emprisonnement à une durée allant de 2 mois à 2 ans ferme», assure Me Badi.

Le jugement de leur affaire est renvoyé par le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed au 5 octobre. Dans un autre registre, celui de la liberté d’opinion religieuse, le cas du jeune homme de M’sila, Rachid Fodil, 27 ans, suscite encore des interrogations. Accusé d’«offense au Prophète et aux préceptes de l’islam» pour ses «écrits sur sa page facebook», il a été arrêté à la mi-juin dernier et placé sous mandat de dépôt pour les besoins de l’enquête.

Ses avocats, Amirouche Bakouri du barreau de Béjaïa et Seif El Islam Cherbal de celui de Sétif, ont convaincu le juge du tribunal de M’sila de recourir aux expertises psychologique, psychiatrique et sociale car, selon eux, leur client porte encore les séquelles de la décennie noire. «Son entourage et sa famille sont islamistes, raison pour laquelle il a un comportement anormal envers eux. Il ne faut pas le condamner mais le comprendre. C’est pourquoi nous avons demandé une expertise», explique Me Bakouri. Et d’ajouter : «C’est une affaire insolite. Elle brisera le tabou du fanatisme et de l’intégrisme qui gangrènent notre société.

Rachid est une victime de la décennie noire et il n’est pas le seul, ils sont des milliers en Algérie.» Selon les deux avocats, «si les conclusions de l’expertise arrivent en octobre, Rachid pourra être jugé en novembre», sinon, expliquent-ils, «le juge d’instruction pourrait prolonger sa détention de 4 mois de plus pour les besoins de l’enquête». Quant au cas de Slimane Bouhafs, cet Algérien de confession chrétienne, âgé de 49 ans et originaire de Sétif, il a été poursuivi sur la base de propos sur facebook et condamné en cour d’appel, le 6 septembre dernier, à trois ans de prison ferme.

Accusé lui aussi d’«offense au Prophète et aux préceptes de l’islam», il a été interpellé à Sétif le 31 juillet, placé sous mandat de dépôt, condamné en première instance à 5 ans de prison ferme avant que sa peine soit allégée de deux ans par la cour d’appel. Sur son cas et en présence de sa famille, la Laddh (aile Hocine Zehouane) compte organiser, demain à 11h, une conférence de presse dans son bureau à Béjaïa. La Laddh dénonce, dans un communiqué, «un procès ne répondant nullement aux normes d’un procès équitable». Elle affirme aussi que «l’état de santé de Bouhafs est inquiétant» ; il doit «rejoindre sa famille qui a lancé un cri d’alarme à une large solidarité pour sa libération».
Meziane Abane