Un clandestin algérien se suicide dans une prison à Malte

INDIGNATION DU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DE L’EUROPE

Un clandestin algérien se suicide dans une prison à Malte

Le Quotidien d’Oran, 5 novembre 2003

Abdelhakim Ghemout Omar est mort. Ce jeune Algérien de 31 ans, immigré clandestin à Malte, s’est pendu dans sa cellule dans le quartier général de la police de La Valette, avant son expulsion.

Un drame qualifié par le Commissariat des droits de l’homme de l’Europe de «triste cas».

Incarcéré par la police maltaise, le jeune Ghemout était détenu avec une centaine d’autres immigrés en situation irrégulière. Il avait menacé de se suicider ce vendredi, mais des médecins l’ayant examiné avaient estimé qu’il ne souffrait d’aucun trouble mental. Le clandestin algérien s’est pendu avec les bandages ayant servi à panser des plaies qu’il s’était faites auparavant avec des lames de rasoir, selon le communiqué de la police de La Valette.

Arrivé à Malte en avril 2001, sa demande d’asile avait été rejetée en janvier 2002. Entre-temps, il avait commis une série de vols pour lesquels il avait été condamné à purger 20 mois de prison. Emprisonné au centre de détention de Hal Far, il avait été transféré au QG de la police maltaise à Floriana, près de La Valette, à la suite d’une émeute ayant rendu la prison inhabitable.

Contacté par le Quotidien d’Oran, le chargé de communication au bureau du commissaire aux droits de l’homme de l’Europe, M. Gregory Mathieu a qualifié cette affaire de «triste cas». Il a regretté la mort de ce ressortissant algérien, en indiquant que »trois semaines auparavant, le commissaire aux droits de l’homme de l’Europe, M. Gilles de Robles, avait dénoncé publiquement les autorités maltaises en matière d’accueil des étrangers, notamment sur les conditions et la longueur des détentions dues au traitement de leurs demandes d’asile».

En effet, le haut commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, l’Espagnol Alvaro Gil-Robles, a appelé le 22 octobre les autorités à «prendre des mesures d’urgence» à l’issue d’une visite de deux jours dans cette ancienne colonie britannique, ponctuée par des rencontres avec le Président de Malte, Guido de Marco, des membres du gouvernement et du Parlement, le médiateur ainsi qu’avec des représentants de diverses ONG. »Le Conseil de l’Europe a également dénoncé la détention pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, dans des centres d’opérations qui sont en réalité des endroits d’une autre époque, et a appelé à modifier ces endroits ainsi que les procédures d’examen des demandeurs d’asile qui s’éternisent», souligne notre interlocuteur, Gregory Mathieu.

Reste à savoir comment un jeune Algérien a pu se retrouver sur une île qui n’est pas considérée comme une terre d’immigration traditionnelle des Algériens. Depuis que Malte postule à entrer dans l’Union européenne, élargie en 2004 à 25 membres, de plus en plus d’immigrés, du Maghreb notamment, se sont dirigés vers La Valette. Postulant d’abord à un droit d’asile, ils espèrent bénéficier, à terme, de la nationalité maltaise qui fera d’eux des ressortissants européens dans moins de deux ans, dès l’intégration de Malte dans l’UE. Une explication constatée sur place par la délégation des droits de l’homme du Conseil de l’Europe: »C’est l’attrait nouveau de Malte qui deviendra bientôt membre de l’Europe, suite à son adhésion officielle, qui fait que les candidats à l’immigration s’organisent pour arriver en nombre dans ce pays», indique-t-on à Strasbourg.

Les réseaux traditionnels d’immigration empruntent les nouvelles routes maritimes qui passent par Malte et plongent au coeur de l’Europe. Avec les réseaux balkaniques (kurdes, albanais et arméniens), les réseaux de l’Adriatique (libyens et tunisiens vers l’Italie), les Maghrébins, dont de nombreux Algériens, »explorent» de nouvelles destinations vers des pays qui seront bientôt européens (Turquie, Grèce, Hongrie, Pologne et Malte). C’est cette nouvelle route de l’exil qu’à choisie Ghemout Omar, dont l’espoir d’être «ressortissant européen» a fini au bout d’une corde.

Mounir B.