Algeria-Watch: LADH MemorandumPour une réconciliation nationale juste et durable

LADH-Ligue Algérienne des Droits de l’Homme

Memorandum

Pour une réconciliation nationale juste et durable

La célébration de cinquantenaire du premier novembre est une occasion pour rappeler aux algériennes et aux algériens que leur lutte de libération s’est faite sur le thème essentiel des droits et libertés et parmi ces droits le droit d’un peuple à disposer de son devenir.

Apres un rude parcours Durant lequel notre peuple a subi toutes formes d’exploitation, d’oppression politique et sociale et d’injustice. Les sacrifices de notre peuple ont montrés que la supériorité militaire ne pourra rien devant la détermination d’un peule pour recouvrer son indépendance.

Malheureusement immédiatement après l’indépendance les contradictions sont apparues, les libertés et les droits étaient confisques, Les aspirations de notre peuple à la liberté ont été contrariées.

Maintenu sous tutelle notre peuple avait souffert et vécu tragiquement l’érosion progressive de ses libertés, cette mise sous tutelle induisant de multiples formes de censure a gravement porté atteinte à la pensée, à la création et à l’expression.

Les journées de douleur, de larmes et de sang du mois d’octobre 1988 sont le symbole de la cristallisation de ces contradictions.De manière brutale est apparue à tous la nécessite de la lutte pour la promotion des libertés et des droits et l’instauration de la démocratie, moyen de gestion et d’expression d’un Etat de droit servant l’épanouissement de notre société et son développement durable.

C’est ainsi que notre peuple a choisi la voie de la démocratie et du pluralisme politique

Les exigences du changement ont été accompagnées de violence et d’affrontements. Des violences terroristes combinées à une répression de la part de l’Etat, Ces violences sont la source de nombreuses violations des droits de l’homme dont des assassinats, des enlèvements, des viols des disparitions forcées et des arrestations arbitraires.

Le conflit algérien dure déjà plus de 12ans, aucune source, ne peut donner le nombre exact des victimes dont en sait seulement quelles se chiffrent par des dizaines de milliers, les dégâts dans la société sont considérable compte tenu des traumatisme, des déplacements des populations et des déchirures familiales, sociales et autres que le conflit a occasionné.

C’est sage de penser à la réconciliation nationale et même à l’amnistie générale, mais il faut prendre en considération qu’une réconciliation elle se construit et s’acquiert ne se déclare pas et qu’une telle démarche pose des questions essentielles pour notre devenir commun dans le contexte après conflit, et la LADH est convaincue que les débats sur le sujet pourront alimenter utilement la vaste réflexion qu’elle est nécessaire de mener sur le principe de la réconciliation nationale, comme base d’un projet de société en ce début de l’ère après conflit.

Il ne suffit pas de faire de la conciliation nationale une priorité dans le programme du gouvernement, la classe politique, la société civile, et la presse doivent mettrent au rang de leurs priorité la réalisation de l’idéal commun la réconciliation nationale par la proclamation d’une déclaration d’adhésion et d’un plan d’action. Le contexte nous y oblige, en effet

En l’espace de 12 ans nous sommes passés progressivement de l’ère de tout sécuritaire à l’ère politico-securitaire, et de l’ère des éradicateurs à l’ère des conciliateurs.

Que l’attitude du gouvernement et les acteurs politiques et de la société civile contribuent au changement d’état d’esprit qui a gagné certains milieux, à défaut de doctrine , les faits se sont chargés de montrer l’impossibilité ou du moins les dangers de toute politique de tout sécuritaire , Les évènements tragiques qui s’ étaient déroulés en l’espace de 12ans avaient profondément marqués les consciences , Donc écouter les uns et les autres est un devoir , promouvoir la fraternité , la tolérance, réclamer le respect de l’être humain , dans sa vie ,sa dignité , son intégrité physique , établir partout la conviction qu’il n’y a pas de solution politique la ou la fraternité n’est pas assurée entre les citoyens. Inscrire le recours à la réconciliation nationale dans un processus plus global qu’est celui d’une transition vers une société plus stable , plus démocratique et respectueuse des droits de l’homme, reconnaître et promouvoir les droits à un mode de gouvernement démocratique.reduire les inégalités sociales , affirmer l’intérêt public par rapport aux intérêts particuliers , assurer la sécurité des citoyens , améliorer le style de l’action publique qu’elle soit le fait de l’Etat central ou des autorités locales , réfléchir à l’articulation de la citoyenneté, de la démocratie locale et du service public , afin que les objectifs se traduisent en actions mieux adaptés aux besoins des citoyens.

Si le gouvernement soudain, ou même en l’espace de quelques mois déchire toutes les pages des années noires, les difficultés nationales s’accumuleraient, Donc pour réaliser la réconciliation nationale il faut obligatoirement passer par :

A- La vérité

B- La justice

C- l’équité

Et à partir des principes :

-Que la – realpolitik – qui sacrifie la justice sur l’autel des règlements politiques n’est pas acceptable

– L’impunité des criminels n’est plus tolérée,

– La justice est partie intégrante de la paix.

A-la vérité.

Le peuple Algérien est en droit de connaître la vérité toute la vérité, sur tout ce qui s’est passé ces dernières années, de connaître les commanditaires, les exécutants. Les victimes ou leurs proches éprouvent le besoin de poser des questions et de trouver des réponses auprès des personnes ayant commis les assassinats, les viols, les destructions des écoles, des usines, Elles ont besoin de connaître la raison pour laquelle elles, ou leurs proches ont été enlevés, torturés ou assassinés.

Les familles des disparus ont également besoin de connaître la vérité sur le sort de leurs proches afin de pouvoir enfin entamer, le cas échéant les procédures de deuil, Très souvent dans le cas ou le décès est avère, les familles réclament qu’on leur rende les corps pour qu’ils

Soient enterrées dans des tombes individuelles, A défaut les familles demandent au moins qu’on les informe sur le lieu ou leurs proches seraient susceptibles d’être enterres.

B-la justice.

Il faut rejeter la situation confuse ou tout le monde est coupable et tout le monde est innocent, Il faut identifier les assassins, les criminels et les traduire en justice, Traduire un criminel devant la justice s’inscrit dans cette recherche de paix sociale, le but de la justice est multiple à savoir, retisser le tissu social, restaurer les normes et les valeurs, sanctionner les torts et prévenir la récidive.

Le but de la réconciliation nationale est de tourner la page, Mais avant de tourner la page, il faut d’abord la lire, apprendre par cœur son contenu, donner aux victimes- seules les victimes- la possibilité de décider de clore le chapitre des violations commises. Beaucoup de victimes et leurs proches souhaiteraient pouvoir tourner cette page mais n’en sont tout simplement pas capables dans la mesure ou elles ont l’impression que la justice n’a pas été rendue. La lutte contre l’impunité est un élément central de la réparation et l’équité.

Il y a plusieurs causes qui peuvent concourir à rendre les mœurs d’un être humain moins rudes, mais parmi toutes ces causes, la plus puissante est de sentir la justice.

C – l’équité 

1-La reconnaissance.

Les victimes ont besoin d’une reconnaissance officielle des souffrances qui leur été infligé, Il faut être conscient c’est que les souffrances infligées aux victimes peuvent être assimilées à une deshuminisation de celles-ci. Dans le processus de conciliation les victimes cherchent alors à regagner cette humanité perdue, Cela passe essentiellement par une reconnaissance de la part de la société et surtout du responsable direct ou indirect de la violation.

2- Acceptation de la responsabilité.

Une fois la vérité établie et son caractère injuste reconnu par l’ensemble de la société les victimes ont besoin que les auteurs, en acceptent la responsabilité et s’en excusent. Il faut bien être conscient du fait que le pardon est un droit qui n’appartient qu’à la seule victime.

3-Réparation.

Pour la réussite du processus de réconciliation nationale, il est important de placer les victimes dans des conditions qui y sont favorable, d’où l’intérêt de la reparation matérielle mais aussi et surtout morale.Car réduire la réparation à la seule indemnisation est souvent source de frustration et de division, voire de nouveaux conflits au sein de la société.

La LADH consciente de la gravite et la sensibilité de la démarche affirme;

Que les drames causés par le terrorisme et les dangers véhicules par le fléau sont toujours d’actualité et qu’ils nécessitent toujours d’être combattus et punis

Que notre pays a été traversé par une période de troubles et d’instabilité politique, accompagnée de violations des droits de l’Homme, certaines de ces violations continuent d’ailleurs de nos jours. Parmi les violations, la torture, les disparitions forcées et les arrestations arbitraires.

Que la réconciliation nationale est un état d’esprit et nul volonté politique ne doit faire oublier au peuple Algérien que le but la réconciliation n’est pas d’embellir le passé, encore moins de l’oublier, mais il s’agit par cette démarche d’éviter que la plaie ne reste ouverte afin qu’elle ne devienne pas à son tour source de rancoeurs et de nouveaux conflits.

Que selon les instruments internationaux de protection des droits de l’homme, les Etats s’engagent à respecter le droit des personnes au recours à la justice, et même une amnistie générale était prononcée, les victimes devraient rester libres de recourir à la justice, si tel est leur souhait.

Que le peuple algérien est en droit d’exiger une réconciliation globale, touche les aspects de son identité, et son histoire, la réconciliation avec les institutions de l’Etat et les valeurs qui fondent sa citoyenneté sociale et politique

Recommande :

La création d’une instance indépendante dont le but est ;

– Consolider la marche de notre pays vers un avenir plus démocratique et respectueux des droits de l’Homme.

-La réconciliation des Algériens avec eux – mêmes

– avec leurs identité

-Avec leur histoire, grâce a une analyse critique mais objective.

-Avec leur Etat.

-Définir le contexte des violations des droits humains, leurs causes et leurs conséquences.

– Identifier les auteurs des violations.

– Identifier les victimes.

– Etablir les responsabilités

– Indemniser les victimes

-Révéler le sort des disparues et imaginer des solutions justes et équitables afin de régulariser leur situation légale.

Alger le 5-11-2004
Maître Boudjema GHECHIR
Président LADH