Déclaration de la ligue algérienne des droits de l’homme

الرابطة الجزائرية لحقوق الإنسان
اعتماد رقم 12 ل 11 أفريل 1987 ج ر رقم 38 ل 6-9-1989

Ligue Algérienne des Droits de l’Homme – LADH
Agrément no 12 du 11-04-1987 — JO no 38 du 6-9- 1989
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Déclaration de la ligue algérienne des droits de l’homme
LADH

A l’occasion de le 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

10-12- 1948 – 10-12 – 2008

Le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme en vue de combattre l’oppression et la discrimination. Au lendemain d’une guerre mondiale dévastatrice, qui avait été le théâtre des pires actes de barbarie jamais commis dans l’histoire de l’humanité.
La Déclaration universelle énonçait pour la première fois de façon détaillée les droits et les libertés individuels. Pour la première fois, un document reconnu à l’échelle internationale affirmait l’universalité des droits de l’Homme, en tout lieu et en tout temps.

L’adoption de la Déclaration a tout de suite été saluée comme un véritable triomphe, né de l’intégration de régimes politiques, de systèmes religieux et de traditions culturelles très divers, voire contradictoires. Pour la première fois dans l’histoire, la communauté internationale a adopté un document considéré comme ayant une valeur universelle – « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». En estimant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde,

Dans ce sens, la Déclaration universelle constitue un progrès remarquable dans l’histoire de l’humanité. Elle continue aujourd’hui d’influencer la vie des nations et d’inspirer dans le monde entier les actions et la législation en faveur des droits de l’homme, a contribué à légitimer l’évocation des questions relatives aux droits de l’homme dans le monde entier et a conduit les gouvernements et la communauté internationale à les inscrire à leur ordre du jour.

Néanmoins, parallèlement à ces succès, les 60 dernières années ont aussi montrée qu’en l’absence de volonté politique et de moyens, le plein respect des droits de l’homme n’est rien d’autre qu’un vœu pieux. Les droits économiques, sociaux et culturels en particulier sont depuis longtemps délaissés. Les droits fondamentaux ont été malmenés par la lutte contre la criminalité et le terrorisme. les disparitions forcées, tortures et atrocités, traitements cruels, inhumains et dégradants, esclavage, exploitation des femmes et des enfants, réfugiés, détentions arbitraires, conditions de détention indignes, sans oublier l’immense foule, plus de trois milliards de pauvres aux prises avec la faim, le mépris et l’injustice. Trop de textes internationaux ne sont pas encore ratifiés par les États, ou bien ne sont pas véritablement respectés, faute de sanctions réellement applicables, ou bien à cause de l’absence de volonté politique. Enfin, la lutte contre le terrorisme, la montée du fondamentalisme et des intégrismes religieux se traduisent souvent par un repli identitaire et communautaire, une peur de l’Autre, et provoquent des réactions sécuritaires démesurées, autant de facteurs menaçants pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

A l’heure de la célébration de le soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme ainsi que le dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, La ligue Algérienne des droits de l’homme- LADH- salue le courage des centaines de milliers de défenseurs dans le monde qui, avec énergie et dévouement, mettent en danger leur vie pour la promotion et la protection de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales.

À cette occasion quel constat pouvons-nous en faire aujourd’hui en Algérie ?

Les droits de l’homme constituent dans le monde contemporain un système de valeurs et un régime juridique. Et la jouissance des droits de l’homme dépend de l’aptitude fonctionnelle de l’Etat , la réalisation de ces droits, qu’ils soient individuels ou collectifs, exige une structure de l’Etat et un système politique qui n’entravent pas l’exercice des droits, de tous les droits. Le lien entre les droits de l’homme et le système politique est un lien d’implication mutuelle ; c’est dans la perspective d’une structure de l’Etat et d’un système politique de gouvernement, garantissant fonctionnellement le libre exercice et la jouissance des droits de l’homme que se résolvent les interrelations entre la démocratie et les droits de l’homme.

Malheureusement en Algérie, les politiques du gouvernement sont caractérisées par le manque de visibilité et de transparence. L’Etat est toujours dans une crise critique multidimensionnelle, conséquence de plusieurs causes, constituant dans leur ensemble une obstruction à la construction d’un Etat moderne, dont la mission est de générer un mode de gouvernance qui assurera un développement humain durable

Notre pays est toujours à la croisée des chemins, entre la transition vers la démocratie, dans le respect des aspirations populaires, ou le maintien du système de privilège, de fraude, de régionalisme et de clientélisme.

La phase que traverse notre pays, avec les défis qu’elle pose est chargée de menace et d’espoir ; d’ambiguïtés, d’ambivalence et contradictions.

La production, d’un discours usant de concepts aussi séduisants, que, concertation, transparence, démocratie ; droits de l’homme ; bonne gouvernance ; mis en parallèle avec une pratique restrictive des libertés, qui porte atteinte aux droits de l’homme, laisse les Algériens sceptiques sur les métamorphoses du système

Les Algériens voient dans le pouvoir en place une entité, par rapport à laquelle l’individu est insignifiant, les institutions censés de les servir, sont perçues comme ne remplissent pas leur fonction.

L’attachement à l’Etat de droit tant prôné par le pouvoir actuel s’avèrent n’être que de vains mots, destinés à séduire l’opinion internationale. Le fossé se creuse entre la réalité telle que nous la vivons et celle dont nous avions rêvé.

L’état de délabrement moral et politique d’un pays qui vit au rythme des émeutes et de la répression au quotidien est porteur de tous les dangers d’implosion. La hausse vertigineuse de la criminalité à tous les échelons de la société.

Le front social est en ébullition, des grèves en cours, d’autres sont envisagées dans divers secteurs.

des actes terroristes ont persisté dans tout le pays, faisant des morts ; Beaucoup de victimes ont été tuées à la suite d’attentats à l’explosif qui ont été revendiqués par un groupe se faisant appeler l’Organisation d’Al Qaïda au Maghreb islamique.

Sous prétexte de l’état d’urgence maintenu depuis le 9 février 1992, les réunions publiques, les marches et manifestations politiques restent interdites, alors que les agréments des partis politiques, associations et syndicats restent encore tributaires des positions politiques à l’égard du pouvoir.
Les règles de droit sont bafouées, surtout par les autorités du pays qui leur accorde peut de crédit.
L’arbitraire a fini par désabuser la population à l’égard des lois, les citoyens se sentent complètement délaissé, et expriment de plus en plus violemment leur désespoir.

Les espaces de libertés arrachés au prix fort des sacrifices se réduisent de plus en plus.

La Justice, censée être rendue au nom du peuple algérien et en dépit d’un vaste chantier de réforme, n’a pu couper le cordon ombilical qui la relie à certaines sphères du pouvoir qui l’instrumentalisent pour bâillonner une voix ou neutraliser un opposant. les magistrats se considèrent toujours des agents de l’Etat et des exécutants de sa politique , le système judiciaire continue à créer de nouvelles générations de prisonniers d’opinion, d’ailleurs des poursuites pénales continuent d’être engagées contre des citoyens qui attendent moins de l’assistanat ou du social que des moyens qui favorisent au quotidien l’exercice de la citoyenneté, également des poursuites contre des journalistes qui dénoncent la corruption et la dilapidation des biens des contribuables et contre des défenseurs des droits de l’homme qui s’expriment sur la situation de ces droits en Algérie.

Le droit à la défense et à une justice équitable est toujours remis en cause par les défenseurs des droits de l’homme et les citoyens, alors qu’en matière de droits économiques, le libéralisme sauvage est en train de compromettre dangereusement les acquis sociaux en matière de gratuité des soins, de la scolarité et de l’éducation.
Le pouvoir contrôle toujours le monde associatif et considère l’ensemble de la sphère publique comme un espace domestique.

Malgré le changement et maintenant que la conception de la société est différente.

Les lois, institutions et pratiques héritées de l’ère de l’unité de pensée et l’unité d’action, qui violent les droits humains restent en vigueur.

La vérité sur les événements passés n’est toujours pas faite, les auteurs des atteintes jouissent de l’impunité et les victimes soufrent souvent en silence.

La violence contre les femmes au sein de la famille est très répandue. Les autorités ont reconnu le problème mais n’ont pas pris de mesures efficaces pour protéger les femmes contre cette forme de violence. La violence domestique, notamment le viol conjugal, n’est pas reconnue explicitement comme une infraction pénale.
Les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes contenues dans le Code de la famille et par des informations persistantes faisant état de violences à leur encontre. Des centaines de femmes ont été violées par des membres des groupes armés durant la décennie noir. Beaucoup d’entre elles continuent de souffrir des traumatismes physiques et psychologiques provoqués par la violence sexuelle et par la condamnation sociale liée au viol. Cependant, pratiquement aucun membre de groupes armés n’a été poursuivi pour viol.

La violence contre les enfants au sein de famille et au sein de la société est très répandue.

Le chômage touche particulièrement les jeunes de moins de trente ans, une crise de grande ampleur, aujourd’hui, cette crise perdure et a tendance à s’amplifier. Sans oublier que le chômage ; la fermeture des horizons, les conditions de vie ont été les éléments déclenchant des émeutes et destructions vécues par notre pays dans plusieurs régions.

La pauvreté a touché presque Le tiers de la population, La vie est chère et ceux qui n’ont pas les moyens son silencieusement expulsés de l’accès au minimum, il faut avoir vu des gens fouiller dans les poubelles pour ne plus faire confiance aux déclarations du ministère de la solidarité.
Cinq ans années après la signature de la convention des nations unies contre la corruption, notre pays a démontrée un manque flagrant d’engagement dans la bataille contre la corruption, ce fléau qui ronge notre société.

Des personnes soupçonnées de participation à des activités terroristes ont été retenues dans des lieux de détention secrets et sans contact avec le monde extérieur. Elles risquaient d’être soumises à la torture et aux mauvais traitements. Plusieurs personnes soupçonnées de terrorisme et qui avaient été renvoyées en Algérie par des gouvernements étrangers ont été condamnées à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès qui ne respectaient pas les normes internationales d’équité.

Les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière risquaient d’être arrêtés et maltraités et de faire l’objet d’expulsions collectives. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des informations précises, on estimait que plusieurs centaines de personnes avaient été renvoyées vers des pays d’Afrique subsaharienne sans avoir la possibilité de solliciter l’asile ni d’interjeter appel de la décision d’expulsion.

Bien que les autorités ont maintenu un moratoire de facto sur les exécutions ; et Malgré que l’Algérie a coparrainé une résolution à l’Assemblée générale des Nations unies qui réclamait un moratoire, des condamnations à mort, continuaient toutefois d’être prononcées. Plusieurs dizaines de membres de groupes armés ont été condamnés à la peine capitale, dans la plupart des cas par contumace, pour des actes de terrorisme.

L’Algérie a signé, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, mais aucune initiative n’a été prise pour élucider le sort de milliers de personnes disparues.

Le faible taux de participation des algériens aux élections traduisait, clairement, le manque de confiance de la population dans l’efficacité des autorités à régler les problèmes de la sécurité, du chômage, du manque de logements et de la pénurie d’eau, entre autres. Le mécontentement était exacerbé par les problèmes de corruption, les revenus provenant des exportations croissantes de pétrole et de gaz ne bénéficiant pas à l’ensemble de la population. Le flux de migrants en partance pour l’Europe n’a pas cessé. Et le pouvoir au lieu de trouver une solution à ce dernier phénomène et assurer les algériens de leur avenir, a pénalisé toute tentative de fuir la misère.

Par ailleurs, l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le 29 septembre 2005, accorde de fait, l’impunité aux criminels des groupes armés autant qu’à ceux des services de sécurité.

En interdisant aux victimes de déposer plainte ou de témoigner sur les violations commises de puis 1992, le pouvoir procède à l’absolution des criminels. En plus de la consécration de l’impunité par cette charte décidée unilatéralement par le pouvoir et adoptée à l’issue d’un referendum, le pouvoir algérien entend occulter toute responsabilité dans un conflit qui a fait des dizaine de milliers de morts, des milliers de disparus, des milliers d’handicapés, des milliers de personnes déplacées.

L’indemnisation des victimes et des bourreaux mis sur un même pied d’égalité, ajoutée à l’interdiction de toute demande de vérité sur les crimes commis durant plus d’une décennie crée une situation insupportable pour toute la société algérienne obligée de subir en silence l’affront de crimes impunis et de criminels en liberté.
Les conséquences sociales, politiques et morales d’une telle dissolution du Droit par l’adoption d’une loi défiant tous les critères de vie en société civilisée sont lourdes de conséquences.

La ligue Algérienne des droits de l’homme – LADH
Rappelle que, afin de permettre la pleine jouissance des droits civils et politiques dans notre pays, il convient d’accorder une importance égale à la garantie des droits économiques et sociaux, une participation à la prise de décisions concernant la répartition des ressources financières et que les femmes jouissent pleinement de leurs droits. Un pouvoir judiciaire indépendant, et une bonne gestion des affaires publiques sont les conditions préalables au développement et à la cohésion sociale.

Demande au gouvernement :

De créer un environnement économique adéquat, pouvant conduire à un développement humain durable.

La révision de la législation et des pratiques afin de garantir leur conformité avec les normes internationales des droits de l’homme, notamment en matière de liberté d’expression, d’association et de réunion et d’égalité pleine et entière entre l’homme et la femme, la garantie que cette législation et ces pratiques soient en conformité avec la déclaration sur les droits et la responsabilité des individus, des groupes et des organes de la société pour promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus .

La levée de l’état d’urgence, des réserves relatives à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la ratification du protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme africaine, des statuts du Tribunal pénal international et l’ouverture du champ politique.

À ouvrir des enquêtes complètes, indépendantes et impartiales sur toutes les allégations de disparitions forcées, de détentions secrètes, de tortures et de violences contre les femmes, ainsi qu’à traduire en justice tous les responsables présumés de telles violations .

À abroger toutes les lois discriminatoires à l’égard des femmes ainsi qu’à criminaliser la violence domestique, viol conjugal inclus.
De dépénaliser les délits de presse, et encourager le journalisme d’investigation.

De combattre la corruption, et créer un système efficace pour la prévention et de la lutte contre la corruption.

Exhorte Les autorités à prendre immédiatement des mesures afin de veiller à ce que Les agents des services de sécurité qui violent régulièrement les garanties juridiques prévues en cas d’arrestation et de détention n’exercent plus de telles fonctions.

Le 10 décembre 2008
Pour la LADH
Le Président
Boudjema GHECHIR