Un million d’enfants souffrent de traumatismes liés au terrorisme

SEULS 5% ONT BÉNÉFICIÉ DU SUIVI PSYCHOLOGIQUE

Un million d’enfants souffrent de traumatismes liés au terrorisme

Le Soir d’Algérie, 24 septembre 2007

Au moins un million d’enfants sont victimes de traumatismes liés à la violence terroriste. Seuls 5% d’entre eux ont pu bénéficier d’une prise en charge psychologique adéquate. Les autres sont livrés à eux-mêmes et risquent de reproduire la violence qu’ils ont subie. Plus de 50% des personnes, pourtant suivies, souffrent aujourd’hui encore de séquelles. Le président de la Forem craint que cette situation ne conduise à la banalisation des actes violents et prédit une recrudescence des agressions dans les années à venir.
Dix années après le massacre de Bentalha, la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem) s’est intéressée à l’évaluation des effets de la violence non seulement sur les enfants mais également sur les adultes. Les résultats de l’enquête menée auprès de l’échantillon choisi sont significatifs : les années n’ont en rien pansé les blessures. Grands et petits continuent de souffrir du syndrome du stress post-traumatique (PSTD) qui se traduit par l’échec scolaire, l’autisme, la violence et, dans les cas les plus sévères, par des tendances suicidaires. Les psychologues de la Forem ont, en effet, étudié le cas de 413 enfants devenus aujourd’hui adolescents. 261 d’entre eux, soit 63,2%, ont pu bénéficier rapidement du suivi psychologique contre 152 qui n’ont fait l’objet de suivi que plusieurs années plus tard. Agés aujourd’hui entre 13 et 18 ans, 73% d’entre eux ont été confrontés aux actes terroristes entre 1995 et 2000. 28% d’entre eux ont très mal vécu l’assassinat de leur père. Issus essentiellement de familles démunies, 91% de ces adolescents ne survivent que grâce au programme Kafil El Yatim mis en place par la Forem et sont à 62% orphelins de père et à 8,7% de mère. Les parents, qui sont encore en vie, ne travaillent pas toujours puisque 19,6% des pères sont sans emploi contre 78% des mamans. Après des années d’écoutes psychologiques, plus de la moitié, soit 51% de ces adolescents, ne se portent pas bien. Ils présentent des difficultés à faire face aux situations stressantes et sont en situation d’échec scolaire. Un quart d’entre eux sont sérieusement perturbés. S’agissant de l’estime de soi, la situation n’est pas meilleure. 24% ont une très mauvaise image d’eux-mêmes, un sentiment qui peut conduire, dans les cas les plus critiques, à des tentatives de suicide. Ces résultats ont fait dire au professeur Khiati, président de la Forem, que «le suivi psychologique est indispensable et doit se faire pendant des années encore». Si les enfants ne se portent pas très bien, les adultes souffrent pratiquement des mêmes symptômes. Si le standard mondial veut que qu’une moyenne de 9% de la population peut souffrir du syndrome de stress, dans certaines wilayas le ratio atteint 20%. Sur un échantillon de 120 adultes, essentiellement des femmes ayant perdu leur mari, 47% souffrent de PSTD et 35% ont une faible estime de soi. Deux d’entre elles se sont d’ailleurs suicidées au cours de l’enquête. Les différents psychologues, qui ont fait des interventions hier au cours du 3e séminaire national sur les enfants traumatisés par la violence, ont été catégoriques : en l’absence de suivi, les conséquences sur le devenir des grands et des petits seront énormes. A ce sujet, le directeur exécutif de la Forem qui reconnaît à la loi sur la réconciliation nationale quelques vertus, déplore qu’elle se soit uniquement centrée sur l’urgence de rétablir la paix sans prendre en considération les conséquences sur le tissu social des années de terrorisme.
Nawal Imès