En hommage aux martyrs du 5 octobre 1988
Algeria-Watch, 5 octobre 2008
Il y a exactement vingt ans, des soldats en uniformes de l’armée algérienne et commandés par des officiers algériens tiraient sur des jeunes Algériens désarmés. Tous ceux qui ont assisté à ce spectacle atroce en ont gardé un souvenir où l’amertume se mêle à la douleur.
Des armes achetées avec les deniers du peuple et destinées à le défendre se sont retournées contre lui. Pour la première fois depuis 1962, des balles algériennes ont tué ou grièvement blessé plusieurs centaines de jeunes issus de couches diverses de la société.
Vingt ans après ce jour d’infamie, des fleuves de sang et des rivières de larmes ont modifié à jamais le cours de l’histoire nationale. Mais au plan du droit et des libertés, rien n’a vraiment changé. Au contraire, la situation générale du pays, malgré la fortune pétrolière, s’est très considérablement dégradée au point de mettre en péril son avenir.
Le bilan de ces vingt années de terreur est sans appel. Aux centaines de morts des journées d’octobre 1988 se sont ajouté les 200 000 morts, le million de déplacés, les dizaines de milliers de torturés et les milliers de disparus de la guerre contre les civils qui a suivi le coup d’État militaire de janvier 1992. La situation sociale des catégories les plus fragiles et les plus nombreuses s’est détériorée pour s’approcher de plus en plus à celle qui prévalait au temps du colonialisme.
Car c’est bien à l’aune de la lutte de libération du peuple que se mesure l’étendue de la forfaiture des hommes qui ont mis en joue la jeunesse de ce pays. À ce titre et pour l’éternité, les morts d’octobre 1988 figurent au panthéon des martyrs de la liberté, rejoignant leurs prédécesseurs de la guerre anticoloniale. Et le 5 octobre 1988 est bien une date majeure dans le processus d’émancipation de l’Algérie.
L’indépendance a été acquise par la lutte du peuple, et elle a été confisquée et vidée de son sens par un régime d’oppression. Certains des officiers sans honneur qui ont accompli cette œuvre sinistre ne sont plus de ce monde et sont déjà jugés par l’Histoire. Ils sont rangés en bonne place dans l’épouvantable registre des bourreaux, des assassins et des tortionnaires d’un siècle sanglant. Leur mémoire couverte d’opprobre est celle de criminels. Ainsi les autres, en activité ou à la retraite, peuvent méditer ce que cette même Histoire leur réservera s’ils échappent à la justice des hommes.
Au-delà et quels que soient les moyens mis en œuvre, le peuple algérien continuera sa marche vers sa libération. Tout comme les menées meurtrières du djihadisme apolitique, les tentatives de récupération par ceux-là mêmes qui se sont fait les avocats exaltés de l’éradication criminelle ne trompent personne. La paix civile, l’État de droit, la justice, le respect des droits humains et des libertés viendront tôt ou tard donner son contenu réel à l’indépendance nationale.
Les martyrs du 5 octobre ont été parmi les premières victimes de cette phase finale du combat libérateur. Ils ne seront pas oubliés.
Algeria-Watch leur rend un hommage ému et respectueux.
Pour ne pas oublier Algeria-Watch met en relief à l’occasion de cette commémoration différents documents déjà existants:
– des analyses de différents auteurs.
– quelques témoignages de victimes de la torture qui avaient été recueillis par différentes parties et publiés par le Comité national contre la torture en 1989.
– Deux rapports de la LADH de 1988.
- Octobre 1988, le tournant (L’analyse de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Extrait de « Françalgérie, crimes et mensonges d’États », 2006)
- 1989 : Kasdi Merbah, ou la démocratie endiguée (L’analyse de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Extrait de « Françalgérie, crimes et mensonges d’États », 2006)
- Cheikh Ahmed Sahnoun ou l’indépendance incarnée dans ses plus nobles dimensions (M. Brahami, mars 2004)
- Les événements d’octobre 1988 (Réponse au Mémoire de K. Nezzar, 01.07.02)
- Loi 90-19 du 15 août 1990 portant amnistie (pdf, 134kb)
- Octobre 1988: Tortures et droits de l’Homme (Abed Charef, 1989)
- Un chahut de gamin…? (Abed Charef, 1989)
- Addat, 20 ans, torturé à Alger (Comité national contre la torture, 1989)
- Arrestation avant les émeutes (Hacène Benazouz, Comité national contre la torture, 1989)
- Accusé d’être responsable des soulèvements (Mohamed Bouchakour, Comité national contre la torture, 1989)
- La gégène et le chiffon (Kamel Kateb, Comité national contre la torture, 1989)
- « Laisser crever comme un chien » (Arezki Tedjeddine, Comité national contre la torture, 1989)
- Chez les paras (Comité national contre la torture, 1989)
- A 500 dans une cave (Comité national contre la torture, 1989)
- Contraint de signer un PV sans le lire (Comité national contre la torture, 1989)
- LADH: Conférence de presse et rapport de synthèse (novembre 1988, pdf, 1,3mb)
- Rapport de la LADH à Oran (18.10.1988, pdf, 1,2mb)
Voir aussi sous: Octobre 1988: 20 ans après…