Entre la marge et la mangeoire

Entre la marge et la mangeoire

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 18 mars 2007

Un confrère d’Al-Mohaqiq a assisté à Larbaa (Blida), chez Kertali, à une réunion des «émirs» de l’AIS où il a été encore question de participation aux prochaines législatives. Gageons qu’ils ne mobiliseront pas les foules s’ils en sont exclus, même s’ils agitent la menace d’une attitude plus «ferme» à l’égard du pouvoir. Les «émirs» de l’AIS prennent surtout de la posture pour se poser en légataire universel de l’ex-FIS et en exclure les dirigeants historiques qui, à leurs yeux, n’ont rien compris.

Les temps n’étant pas dans l’ensemble de la mouvance islamiste aux débats de fond et à l’examen critique, il faut se contenter d’observer cet islamisme politique algérien éclaté entre la marge et la mangeoire.

Aboudjerra Soltani, président du MSP, participationniste acharné, a été victime d’une erreur de casting judiciaire qui l’a fait convoquer à Blida en tant que témoin à la place du ministre qui lui a succédé et durant le mandat duquel les fameux dépôts ont été faits. Cela donne symboliquement une idée de la place de quantité négligeable octroyée par le système à l’islamisme participationniste. A l’opposé, durant ce même procès de Blida, Ali Benhadj, celui qui drainait les foules, en était réduit à jouer le rôle du chahuteur sur le banc du public.

Faut-il revenir sur le énième rebondissement qui marque la carrière publique de Abdallah Djaballah, encore une fois largement dépendante du bon vouloir de l’administration ? A l’observation de ce paysage de l’islamisme politique, on a presque envie de rire quand Madani Mezrag se pose en légataire unique et légitime de l’ex-FIS ! Mais quel est donc cet héritage ? Existe-t-il en dehors de la lecture, fermée ou ouverte, que l’administration voudra bien faire de la loi sur la réconciliation nationale ? Existe-t-il en dehors de la disposition de la même loi qui permet au chef de l’Etat de prendre toutes les mesures qu’il jugera utiles ? Dans ce cas, son existence politique lui échappe.

Madani Mezrag continue de faire valoir l’existence d’un «accord» qu’il aurait conclu avec le pouvoir et qui lui donnerait des droits. Le problème est que personne au sein du pouvoir ne semble admettre l’existence d’un tel accord. En clair et en résumé, Madani Mezrag et ses amis sont en train de demander au pouvoir de faire d’eux les héritiers légitimes de l’ex-FIS, à qui ils donneront un gentil petit nouveau nom, et de leur accorder une petite place.

En somme, on constate que l’existence politique des individus comme des partis dépend, à nouveau, totalement et exclusivement de la bonne volonté du pouvoir et de son intérêt. Cette situation est réellement une partie de «l’héritage» encombrant que l’ex-FIS a légué à l’ensemble des Algériens. L’assaut absurde lancé par le FIS durant la grève de juin 1991 a été le début réel du reflux du processus démocratique et d’un grignotage méthodique des espaces de liberté arrachés après Octobre 1988. C’est là où réside la part la plus substantielle de «l’héritage» de l’ex-FIS.