Alger: l’espoir et la rébellion sociale de l’année 2015

Alger: l’espoir et la rébellion sociale de l’année 2015

Ghazi Hidouci, 7 décembre 2014

Alger, capitale de l’Algérie du pétrole et de l’hérédité féodale, pays meurtri par une guerre qui entre 1992 et début 2000 a fait environ 200 000 morts (on ne dispose pas de chiffres définitifs), retrouve des couleurs mais dans une situation sociale et morale dramatique.
Un chiffre résume la situation : les fameuses réserves financières, symbole du succès, diminuent de 50% en quatre mois et la prévision de capacité de paiement atteint un an en raison des stupides chantiers de corruption lancés par les autorités. A l’échelle du pays, il y aurait plus de 50% d’algériens ne pouvant vivre de que de subventions, autant survivent dans le marché informel et la jeunesse est exclue sur le marché et dans l’habitat.

L’implosion du pays va venir de l’incapacité de l’Etat à faire face à la situation sociale et économique (personne ne sait d’où viendront les 100 milliards de dollars inscrits dans les « plans » ) et en même temps du piège de ses concessions libérales gratuites à ce qu’il suppose ses alliés pour leur être agréable et mieux tourner le dos à ses citoyens (libéralisation du commerce et des investissements, recherche et l’exploitation effrénée de nouvelles sources d’hydrocarbures, main-mise de la finance sur les biens communs…).
Les dirigeants mafieux en faisant croire à la richesse subite et aux considérations qu’elle procure à l’extérieur vont provoquer à l’intérieur une série de réactions en chaîne dans lesquelles le pouvoir va orchestrer le nationalisme le plus négatif et les divisions. Elles vont dominer sans éviter l’installation du changement tant attendu du régime dans les pires conditions.

Comment réagit Alger ?

Le choc est déjà brutal. Les partis d’opposition, enferrés dans une logique électorale inefficace, se pressent d’exiger le passage du flambeau (je leur conseillerai de ne pas trop se précipiter car le cadeau est maintenant empoisonné). La hiérarchie militaire, déjà enfoncée dans les pressions étrangères de soumission, refuse de voir la situation se compliquer. Les déclarations intempestives à son sommet manifestent un grand désarroi.

La réalité qu’aucun cri n’empêche, est que le pays est sans capacité financière face à ses engagements. Le pouvoir n’osera pas résister car il est largement soumis aux institutions internationales et aux grandes banques du marché mondial.

Le pays a été soumis gratuitement et par aveuglement à plus de vingt années de politiques néolibérales renforcées et le résultat est dramatique. A part une partie de la distribution d’eau et l’électricité, les transports en commun et les télécoms, presque toutes les entreprises publiques ont été privatisées et, dans bien des cas, démantelées par la spéculation de leurs nouveaux acquéreurs qui ont revendu les équipements et mis fin aux activités, menacé par la catastrophe écologique de la production de pétrole des sables bitumineux.

Il est menacé par une population

– qui pense nécessaire la résistance aux dictats des institutions et des banques,

– qui ne supporte plus l’hypertrophie de la corruption et de la spéculation.
– qui exige qu’un secteur fiscal et financier défectueux continue de cohabiter avec un sous-investissement manifeste dans le secteur productif

– et qui refuse la réduction inéluctable des salaires et de l’emploi dans le secteur public et la dévaluation.

Elle attend un changement radical et immédiat dans l’ensemble du système.

Les choses s’avèrent difficiles : les forces qui pilotent les agressions contre la région arabe ont déjà largement installé leurs quartiers dans le pays, presque en préparant des troupes étrangères. l’action des dirigeants est trop faible pour résister.

Cependant en dépit de toutes ses contraintes, la résistance sociale à cette nouvelle situation bien visible fait renaître l’espoir d’une action de changement à long terme.

Les mouvements de protestation éclatent dans les villes. Ils exigent le départ des élites corrompues et la réforme du système politique générateur de corruption à tous les échelons (municipal, cantonal et fédéral).

Que faire ?

La parole a besoin d’être libérée, après une nuit néolibérale qui a duré 23 années. La population, loin de l’inefficacité des élites politiques d’opposition, comprend les enjeux et sait ce dont elle a besoin, même si les voies qui s’élèvent sont étouffées par les médias et le pouvoir en place.

La rhétorique faussement nationaliste est lentement en train de perdre sa position privilégiée dans la société. Certaines formes de solidarité et de lutte commune apparaissent.

Il est crucial d’entendre les voix du peuple après plus de deux décennies de divisions imposées. C’est le moment où le peuple doit commencer à s’organiser autour d’idées et de questions communes.

Je pense que nous allons voir une nouvelle vague de protestations et de nouveaux mouvements et tendances dans l’action, mais il est impossible de prévoir le futur aujourd’hui. La lutte continuera jusqu’au moment où tout le monde se rendra compte que les partis politiques qui nous régissent maintenant ne sont pas nos représentants légitimes, jusqu’à ce que nous atteignions une compréhension de la politique comme effort collectif afin de prendre des décisions communes.