En attendant les PME

EN ATTENDANT LES PME

par M. Saadoune, , Le Quotidien d’Oran, 11 janvier 2010

L’Eepad fait-elle partie du cercle, chaque jour plus large, des entreprises disparues ? Hormis un site internet où l’on continue de lire le message «d’excuse» pour désagréments causés par la coupure du réseau Asila, le 2 septembre 2009, aucun élément d’information sur le devenir de l’entreprise n’est disponible. Pas même le vague écho selon lequel Eepad aurait décidé d’ester Algérie Télécom en justice pour violation de la clause de «continuité de service en cas de litige ». Comme l’affaire est devant un tribunal, il faut s’abstenir de commenter et attendre le verdict. Il est toujours bon de savoir si une «clause de continuité de service» continue à s’imposer à une entreprise, même si elle accumule les créances sur son partenaire.

Algérie Télécom a-t-il saisi la justice pour exiger le paiement de ces créances ? Nul ne le sait. La communication n’est vraiment pas le fort des entreprises algériennes. Les 35.000 clients d’Eepad, après avoir maugréé en silence, se sont fait une raison. Ils migrent en masse vers le fournisseur public. D’où, selon certains spécialistes, une saturation chez ce dernier qui se traduit par la chute du débit, objet hier de la talentueuse colère du chroniqueur de Raïna Raïkoum.

L’Eepad est donc en train de disparaître sans faire de bruit, sans informer ses clients qui ont signé des contrats en bonne et due forme et que l’on devine peu tentés par l’idée d’engager des procédures légales. On peut faire semblant de comprendre la «complexité» de la situation, on comprend beaucoup moins que les choses n’aient pas été rapidement tranchées.

Chez nous, les entreprises disparaissent juridiquement de mort lente. Quand la justice prononce la faillite, elles ne sont plus que l’ombre d’un souvenir. On sait que la prolifération de PME est la solution la plus efficace pour créer des postes de travail durables mais les Algériens ne semblent guère tentés par l’aventure. Les dernières données de l’Office national des statistiques (ONS) sont plutôt éloquentes. Le nombre d’entreprises créées en 2009 est faible (2.378) et inférieur à celles créées en 2008. On peut certes y voir un reflet, pas nécessairement négatif, du durcissement des conditions des importations, le secteur commercial demeurant celui où se créent le plus d’entreprises.

Il faut également tenir compte de la part du secteur informel où de fort nombreuses activités échappent, naturellement, au recensement officiel. Il faut admettre que l’économie informelle traduit l’échec des politiques publiques à insérer ces activités dans le secteur formel.

Il est loisible de constater que nous sommes loin derrière les pays voisins en matière de création de petites et moyennes entreprises pérennes. Il est dans l’ordre des choses que des entreprises meurent et le chiffre de 1.237 entreprises disparues au premier semestre 2009 aurait été banal dans un environnement qui favorise la création des entreprises. Les Algériens qui, même au temps de l’économie administrée, allaient jusqu’au bout du monde pour faire des affaires, ne sont pas plus réfractaires que d’autres à la création d’entreprises. Encore faut-il qu’existe une administration qui considère que sa mission est de soutenir activement les entreprises, de former et d’informer les dirigeants, d’agir auprès des banques pour leur permettre de passer un cap difficile ou d’obtenir un crédit d’investissement… Pour le moment, c’est le silence des abysses.

Plutôt que d’incubateurs de start-up, nous disposons de vastes cimetières où les entreprises sont ensevelies dans le silence et l’anonymat. Formulons donc le voeu que 2010 voit un retournement de situation et qu’elle soit, enfin, l’année des PME…