Plaidoyer pour une communication institutionnelle

L’absence de l’information crédible laisse place aux rumeurs

Plaidoyer pour une communication institutionnelle

Par :Outoudert Abrous, Liberté, 26 juillet 2009

Il y a ce malaise de nos gouvernants à ne pas pouvoir, ou vouloir, communiquer avec les citoyens par les différents supports existants : les médias lourds qu’ils contrôlent et la plupart des titres de la presse écrite, dont le nombre est aujourd’hui assez considérable, et qui ne demandent qu’à accéder à l’information au lieu de tomber dans le cercle infernal de la rumeur qui finit souvent par des démentis cinglants par ceux-là mêmes qui sont censés communiquer.

Les différents gouvernants, à quelque niveau de responsabilité où ils se situent, ne se sentent pas obligés de répondre aux différents questionnements de la société par le biais de la presse. Ils sont encouragés par une certaine culture officielle ambiante qui fait de la non-communication des actes de gestion des affaires de l’État. Pourtant, le premier magistrat du pays a fait montre, à l’entame de son troisième mandat, d’un regain de confiance à l’endroit des journalistes algériens auxquels il a instamment demandé de l’aider dans la recherche de l’information crédible et dans la lutte contre la corruption, un fléau qu’il a lui-même qualifié de “menace à la paix sociale”. Ainsi, en l’absence d’une information juste, le silence fait tache d’huile et la rumeur prend le relais à des stades d’élucubrations par certains titres qui poussent alors l’État à réagir par de vertes mises au point. Les exemples qui vont suivre accréditent cette gestion. Déchiffrage.

Accord d’association avec l’UE et la nécessité d’une révision
Signé le 1er septembre 2005, il est prévu une relecture avec des correctifs cinq ans après, c’est-à-dire le 1er septembre 2010. Comme par hasard, par des fuites organisées, on apprend que cet accord nous est défavorable même si l’on sait tous que la conclusion de ce traité, dans les conditions que l’on découvre aujourd’hui, avait été fait sciemment ; l’Algérie de l’époque étant à la recherche d’une reconnaissance politique.
Pour certains spécialistes qui l’ont décortiqué, cet accord fait ressortir des incohérences et des inégalités dans les échanges. Au lieu d’organiser des centres de réflexion avec les concernés qui ont eu à en payer les frais (opérateurs économiques), universitaires, encourager des sujets de thèse, le programmer pour un débat public au Parlement, on se contente de faire la moue et de dénoncer un texte qui a été signé et approuvé par ceux-là mêmes qui le vouent aux gémonies.
Ces négociateurs d’un État souverain ont donné leur approbation en leur âme et conscience. S’il est prouvé une quelconque incompétence, il faut non seulement changer les hommes, mais bloquer un processus dans lequel l’état s’est engagé. La communication à ce niveau a donné lieu à un fouillis incompréhensible même pour les initiés du dossier de la coopération.

Le retour inattendu des moines de Tibhirine
La sortie d’un général à la retraite face à un juge d’instruction, qui ouvre une information judiciaire, fait partie d’une normalité routinière, mais elle a donné du grain à moudre pour une certaine presse encore sous le charme macabre du “Qui-tue-qui ?”.
En revanche, la sortie impromptue du président français, en présence d’un ami de l’Algérie, en l’occurrence le président Lula du Brésil, avait de quoi sortir de ses gonds l’Algérie qui a plus que souffert de ces années de terrorisme.
Encore une fois, c’est le silence radio au niveau officiel. Ce qui a poussé encore une fois la presse à répondre. Chaque titre à sa façon, en fonction des lignes éditoriales. Il y eut un tel cafouillage jusqu’à déterrer un repenti pour lui organiser une “presque conférence de presse”. Heureusement qu’il s’est trouvé des Patriotes pour réagir et répondre aux élucubrations de Buchwalter. C’est vrai que le silence est d’or, mais il peut être interprété comme un aveu de faiblesse.

Concessionnaires automobiles dans le flou
Ce n’est encore qu’une rumeur faute d’une information officielle. La taxe sur l’acquisition des véhicules neufs sera revue à la hausse. Vrai ou faux ? Devant le silence de l’autorité en charge du problème, le citoyen prend pour argent comptant ce que rapportent les médias, se basant sur des sources.
Même si le texte officiel, la loi de finances complémentaire, est encore à l’état de projet, une telle décision a dû être discutée au niveau gouvernemental ou tout au moins dans le cadre d’une rencontre interministérielle. Le conseil des ministres du 21 juillet dernier n’a pas évoqué cette taxe. Probablement, le gouvernement aurait préféré la reporter pour la prochaine loi de finances de 2010. Toujours est-il que les concernés, à savoir les concessionnaires automobiles n’ont pas été invités à des consultations. Ils apprendront peut-être la nouvelle au même titre que l’ensemble des algériens. Ce qui est une aberration.

Loi sur les investissements
Même chose pour cette nouvelle réglementation qui a dû être prise par le gouvernement sur la base de rapports et d’études, en ayant à l’esprit “les intérêts du pays”. L’information est sortie depuis près de quatre mois et fait l’objet de discussions et d’interrogations chez les concernés qui n’arrivent pas à trouver la bonne carburation pour communiquer même au niveau des ministères, dont ceux du Commerce et de l’Industrie. La sortie de l’un de ces derniers a été vite corrigée par son homologue des finances.
Toute décision d’un état est souveraine, il aurait juste fallu communiquer les raisons et surtout les précisions tant attendues par les opérateurs étrangers installés en Algérie depuis des années. Étant à un même niveau d’information, chaque partenaire serait libre de prendre la décision qui lui convienne le plus au lieu de tout laisser dans un flou et une expectative déroutants.

Grippe porcine
Cette pandémie qui n’épargne aucun pays, à moins de se mettre dans un isolement total, a obligé l’OMS à produire des informations régulières pour pouvoir suivre son évolution et cette information ne peut émaner que des pays membres.
En Algérie, c’est encore une fois les médias qui ont donné l’alerte en annonçant des cas positifs, ce qui a poussé les autorités à réagir. Par à-coups plus pour calmer les populations que pour les sensibiliser. Le réconfort viendrait de toute annonce pour les modalités de vaccination des personnes sensibles (les vieux et les enfants). C’est permettre l’accès aux unités de soins de proximité en autorisant les médecins à effectuer un premier diagnostic.
Malheureusement, le citoyen n’a droit qu’à des sorties de ministres qui jurent leurs grands dieux qu’aucun malheur ne peut nous atteindre, alors que le minimum aurait été d’interdire le pèlerinage à La Mecque pour les personnes âgées, donc fragiles. Il y va de la santé du citoyen.
Ce ne sont que quelques exemples récents traités superficiellement qui, une fois de plus, interpellent les pouvoirs publics en vue de mettre en place une communication institutionnelle, d’une part, et entrer de plain-pied dans l’intelligence économique, d’autre part.
À l’heure des nouvelles technologies de l’information où la planète ressemble à un petit village où tout se sait et où les domaines de la connaissance sont désormais accessibles à tous, il est aussi juste pour nos gouvernants de partager la leur avec l’ensemble des citoyens au nom desquels on décide.

A. O.