L’hebdomadaire La Nation revient sous forme électronique

Suspendu depuis décembre 1996

L’hebdomadaire La Nation revient sous forme électronique

El Watan, 20 avril 2011

L’hebdomadaire La Nation, suspendu depuis décembre 1996, officiellement pour des raisons «commerciales», revient au grand bonheur de ses lecteurs.

La publication dirigée par notre consœur Salima Ghezali reparaît toutefois sous une forme électronique. C’est ce qu’indique un communiqué laconique parvenu hier à notre rédaction, envoyé par le propriétaire du journal, Omar Attia. «La conjoncture politique, la crise de l’université, l’argent et le bonheur sont au menu de ce premier numéro», précise ledit message. Le site officiel du journal, www.lanation.info, était encore en construction hier et les articles annoncés n’étaient pas mis en ligne.
Pour rappel, l’hebdomadaire La Nation a été fondé en avril 1992. Il s’est d’emblée distingué par sa ligne résolument indépendante qui allait souvent au clash avec le pouvoir pour ses dossiers brûlants sur la violence politique des années 1990. Cela lui a valu ainsi de nombreuses suspensions.

La première survient dès août 1992, soit à peine quatre mois après sa création. On se souviendra notamment de ce numéro spécial de mars 1996 consacré à la situation des droits de l’homme dans notre pays et qui dénonçait ouvertement les violations des droits humains commises par les services de sécurité. La riposte du régime ne se fait pas attendre, infligeant à La Nation sa neuvième suspension au motif de «nuire à la quiétude générale». Non content de ces suspensions à répétition confinant au harcèlement, un différend commercial avec l’imprimeur étatique (la Société d’impression d’Alger) a servi de prétexte pour faire disparaître définitivement l’hebdo irrévérencieux des kiosques. « Malgré le diktat d’une censure déguisée en contentieux financier, La Nation se glisse modestement dans les interstices que la mondialisation offre à l’expression : apparition sur internet, participation à des débats télévisés, conférences publiques, distinctions internationales, une campagne d’abonnements de solidarité… Un an plus tard, La Nation existe toujours et les confrères étrangers de passage à Alger savent bien qu’il faut faire un crochet par La Nation si on veut entendre un autre discours. Mais pour ses lecteurs algériens, amis ou adversaires, La Nation fait cruellement défaut.

La pensée unique est plus que jamais là, arrogante sous son déguisement néo-pluraliste. Elle se paie des mots en insultant tous ceux pour qui le drame vécu par les Algériens est une réalité douloureuse, et la ‘‘normalisation’’ une imposture», écrivait Salima Ghezali un an après la suspension du journal, avant de conclure : «Tous les censeurs et les dictateurs croient qu’ils font ‘‘baisser la fièvre en cassant le thermomètre’’ et qu’ils maîtrisent le réel quand ils empêchent de le désigner. Si l’interdiction, même déguisée, de La Nation avait permis la résolution de la guerre, nous aurions été les premiers à l’applaudir.» L’hebdo a connu quelques réapparitions sporadiques. Mais l’argument financier conjugué aux pressions politiques l’ont à chaque fois empêché de se réinstaller durablement dans le paysage médiatique national. Nous ne pouvons que féliciter nos confrères pour ce come-back, même virtuel, en attendant un retour définitif sur les étals.

M. B.