Obama et l’état de guerre non déclarée

Obama et l’état de guerre non déclarée

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 22 janvier 2009

L’ère Obama s’ouvre donc, après deux mandats de Bush où les Etats-Unis ont adopté une posture de guerre non déclarée avec l’ensemble du monde musulman et pas seulement les islamistes radicaux.

En proposant, dans un discours inaugural à la tonalité très grave, au monde arabo-musulman une « nouvelle approche fondée sur l’intérêt et le respect mutuel », le nouveau locataire de la Maison-Blanche reconnaît que rien ne va entre la plus grande puissance du monde et une bonne partie de l’humanité. C’est en soi positif, même si après la boucherie de Ghaza, ce discours laissera de marbre l’essentiel de l’opinion musulmane. Barack Obama est suffisamment édifié sur les causes de l’anti-américanisme profond des peuples arabes. Il ne faudrait pas commettre l’erreur de considérer que le rejet de l’Amérique se réduit aux islamistes.

Barack Hussein Obama n’a pas tort cependant : les relations des Etats-Unis avec le monde arabe sont loin d’être fondées sur «l’intérêt et le respect mutuel». Nul besoin d’être un historien confirmé pour constater que depuis des décennies, les armes américaines sont systématiquement tournées contre les arabo-musulmans. Le mépris dans lequel l’administration américaine a tenu même ceux qui comptent parmi ses alliés arabes les plus proches, est édifiant.

Peut-on espérer un minimum de « rééquilibrage » de la politique américaine à l’égard des Palestiniens ? Il est permis d’en douter, même s’il n’est pas question d’insulter l’avenir. Le soutien inconditionnel, aveugle et permanent de l’establishment américain à Israël est trop ancré pour ne pas susciter le scepticisme sur les possibilités de réévaluation de la diplomatie nord-américaine. Les partisans du sionisme, par leur poids hégémonique dans la communauté financière et les médias, qu’ils contrôlent étroitement, est le paramètre structurant de l’organisation politique qui a porté Barack Obama à sa tête.

Le nouveau président n’a pas tort de mettre en cause les dirigeants qui cherchent à « accuser l’Occident des problèmes de leur société ». Encore faut-il correctement évaluer les responsabilités. Les dirigeants qu’Obama fustige pour s’accrocher au « pouvoir par la corruption et la tromperie » sont d’abord les amis ou des vassaux des Américains. La réalité des alliances avait déjà totalement privé de consistance le discours démocratique à géométrie variable des néoconservateurs bushiens. Ce sera aussi le cas si la nouvelle administration poursuit la même approche. Le personnel qui l’entoure n’augure rien de positif en matière d’évolution politique au Proche-Orient. On attendra, sans aucune illusion, de voir Barack Obama à l’épreuve des faits.

La disponibilité exprimée à discuter avec les Etats classés par la sinistre administration Bush dans « l’axe du mal » et la tonalité de son discours constituent un progrès. Les observateurs reconnaissent, qu’à tous égards et pas seulement en matière de rhétorique diplomatique, il est difficile de ne pas faire mieux que George W. Bush. Mais pour avoir une idée plus précise des intentions réelles de la nouvelle administration, il faudra sans doute attendre l’adresse spécifique au monde musulman promise par Barack Obama.

Au-delà des discours, il faudra surtout attendre les actions concrètes de la nouvelle administration sur le dossier palestinien et les relations avec l’Iran pour déterminer si les Etats-Unis sortent réellement de l’état de guerre non déclaré avec le monde arabo-musulman.