Détenus algériens de Guantanamo: Le Pentagone doute sur les intentions d’Alger

Détenus algériens de Guantanamo

Le Pentagone doute sur les intentions d’Alger

El Watan, 22 juin 2008

Après des mois d’attente, le département de la Défense (Dod) américain vient de faire éclater au grand jour une polémique avec l’Algérie sur le rapatriement des 27 détenus algériens du camp militaire de Guantanamo Bay (10% du nombre total des détenus).

Sandra Hodgkinson, responsable adjoint des détenus au Dod, a accusé, dans une récente déclaration au quotidien The Miami Herald, l’Algérie de ne pas collaborer dans ce dossier. « Les Algériens ont simplement décidé qu’ils ne voulaient pas accepter un retour des détenus des Etats-Unis. C’est décourageant ! », a-t-elle déclaré.

C’est la première fois qu’un haut responsable américain use d’un tel discours depuis le début des « négociations » entre Alger et Washington entamées en 2005 pour trouver une solution aux Algériens de Guantanamo. Sandra Hodgkinson a rappelé que les deux pays avaient établi un accord l’été 2007 pour rapatrier un certain nombre de ces détenus. « Mais l’Algérie a revu sa position. Ses diplomates disent qu’il est préférable que les hommes reviennent aux pays où ils ont été arrêtés », a-t-elle précisé.

The Miami Herald illustre l’article par le cas de Mammar Ameur, arrêté au Pakistan en 2001. « Il est malchanceux. Le Pentagone a décidé qu’il peut rentrer chez lui. Après des années de négociations, l’Algérie a refusé de rapatrier une seule personne de ce camp, un cas individuel. Si une cour civile décide de libérer Ameur, il n’a aucun lieu où partir », a relevé le journal. Son avocat, Ramzi Kacem, a déclaré : « Il veut rentrer chez lui et retrouver sa famille. C’est tout ce qu’il a toujours voulu et ce n’est pas plus compliqué que cela. »

Pourtant, début mars 2008, Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, avait confié à la presse que si les Algériens de Guantanamo voulaient rentrer au pays, « ils seront les bienvenus ». Il avait indiqué que ceux qui font l’objet de poursuites judiciaires en Algérie seront jugés d’après le code pénal « et ceux qui ne sont pas poursuivis par la justice algérienne retourneront auprès de leur famille ». Que s’est-il passé entre mars et juin 2008 pour que la situation change ? En visite à Alger, fin février 2008, David Welch, sous-secrétaire d’Etat américain, avait annoncé qu’un accord allait bientôt être conclu avec l’Algérie pour régler le problème des détenus.

Une délégation officielle algérienne s’était déplacée au camp de Guantanamo, en 2005, pour identifier les Algériens qui y sont détenus et est revenue avec une liste détaillée de ces personnes aux fins d’étudier leurs dossiers. L’ambassadeur des Etats-Unis à Alger, Robert Ford, a toujours soutenu qu’une solution est possible à ces détenus et que toutes les conditions légales ont été réglées pour procéder au rapatriement.

Par Faycal Metaoui


Guantanamo : Des Algériens dans un labyrinthe

par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 22 juin 2008

Les autorités américaines affirment que les responsables algériens ne veulent pas accepter le retour chez eux de leurs détenus à Guantanamo. Ce refus de leur rapatriement est jugé «décourageant» par les Etats-Unis.

C’est Sandra L. Hodgkinson, l’assistante auprès du ministère américain de la Défense, chargée des affaires des détenus qui a donné au journal « Miami Herald », un certain nombre d’indications sur le dossier des détenus algériens à Guantanamo. Le journal évoque avec des détails précis le cas du détenu Maamar Ameur qui, selon lui, il y a deux ans et demi, le Pentagone lui a permis de rentrer chez lui. « Mais il est toujours au camp 4 », est-il écrit avec la précision « il a la malchance d’être algérien ». « Cette malchance », l’auteur de l’article l’explique par le fait que « malgré des années de discussions, cette nation nord-africaine a refusé de laisser rentrer chez lui, même pas un seul de ses ressortissants détenus comme terroristes dans la base US au sud-est de Cuba ». Le « cas type » d’une telle situation – Maamar Ameur – écrit la journaliste du Miami Herald qui « pourrait être acquitté par une Cour civile américaine, mais il n’a aucun endroit où il peut aller ». Le Pentagone estime, selon elle, que 70 autres détenus se trouvent dans la même situation. Interrogée à ce sujet, l’assistante auprès du ministère américain de la Défense, chargée des affaires des détenus, a déclaré selon le journal, que « les Algériens ont décidé tout simplement de ne pas accepter le retour des Etats-Unis, même pas d’un de leurs détenus ». Sandra L. Hodgkinson juge ce refus de l’Algérie « décourageant ». La responsable américaine a tenu à préciser que « l’été dernier, Washington et Alger ont convenu de rapatrier un nombre non précisé de détenus algériens, mais l’Algérie s’est rétractée ». Les diplomates algériens auraient, selon le journal, « proposé que ces détenus retournent dans les pays où ils ont été arrêtés et non dans leur pays d’origine ». Ameur est présenté comme ayant été actif au Pakistan au sein d’associations caritatives. Il aurait quitté l’Algérie en 1990. Selon son avocat, il voudrait retourner en Algérie où vivent son épouse et ses quatre enfants. « Ce n’est pas aussi compliqué que ça », se serait exclamé son avocat, Ramzi Kassem. Mais où aller ? Au Pakistan où les services de sécurité ont aidé les Etats-Unis pour le mettre à Guantanamo ? S’interroge-t-on.

Il est noté dans le « Miami Herald », que les militaires américains ont demandé aux différents gouvernements concernés de permettre aux détenus de rentrer dans leurs pays respectifs. C’est ainsi que l’Arabie saoudite a rapatrié 100 de ses ressortissants qui, dit-on, ont bénéficié d’un programme de réhabilitation. L’on affirme que les Américains négocient avec le Yémen pour « le rapatriement de beaucoup de la centaine de détenus qu’elle a à Guantanamo ». Mais selon l’ambassadeur américain à Alger, Robert Ford, le Yémen tout autant que l’Algérie refuse de procéder aux procédures nécessaires pour le rapatriement de leurs ressortissants. Le journal américain note que le secrétaire de la défense, Robert Gates, avait dit le 20 mai dernier au Sénat américain, que c’est ce genre de situation qui retarde la décision de l’administration Bush de fermer le camp de Guantanamo. En plus des détenus algériens qui seraient au nombre de 27 et ceux Yéménites, il y a, selon le journal, 25 autres dans la même situation vis-à-vis de leurs gouvernements. Il y a selon cette source journalistique, même des Chinois qui ne pourront retourner chez eux en Chine « un pays communiste ». Interrogée sur d’éventuelles évolutions de ce dossier, une voix du ministère algérien de la Justice, qui nous a dit par téléphone être l’assistante de la conseillère de la communication, nous a répondu « faites votre demande et envoyez toutes vos questions par fax ». Mais nous en avons une seule, à savoir y aurait-il quelque chose de nouveau à ce sujet ? Une question pour une réponse algérienne officielle que nous voulons aux propos de la responsable américaine. Même, nous a souligné la voix, « envoyez votre demande par fax »…

La réaction souhaitée à des propos américains importants est ainsi restée otage d’une communication qui continue de se perdre dans le dédale de pratiques bureaucratiques insensées…

C’est Maître Mustapha Farouk Ksentini qui a, par des rappels, accepté de nous éclairer sur la position algérienne sur ce dossier. « Dans des discussions l’année dernière avec le ministère des Affaires étrangères, les Américains ont refusé d’accorder la liberté des détenus algériens à Guantanamo, ils ont voulu les livrer sous conditions », a-t-il dit. Le président de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l’Homme (CNCPPDH) en cite le retrait des passeports à ces détenus dès leur arrivée en Algérie, leur mise sous contrôle judiciaire et l’ouverture de procès pour leur inculpation. « L’ambassadeur américain à Alger, Robert Ford, m’a dit qu’après, les Etats-Unis ont renoncé à leurs exigences », nous a précisé Maître Ksentini. Interrogé sur l’importance ou pas des déclarations de Sandra L. Hodgkinson, cet homme de loi estime qu’« il faudrait que l’administration américaine expose les motifs de tels propos pour qu’ils soient plus honnêtes ». Il rappelle que « le refus algérien est fondé sur une question importante, celle de la souveraineté du pays ». Ksentini souligne que « l’Algérie est intransigeante à ce sujet ».

Le président de la CNCPPDH nous fait savoir sur un autre chapitre, que la commission s’active depuis quelque temps, à élaborer un rapport sur la santé en Algérie. C’est un rapport qui sera remis, selon lui, au président de la République dès sa finalisation « c’est-à-dire au début du mois de septembre prochain ». Les activités de la Commission à cet effet sont menées dans les hôpitaux pour, nous dit Maître Ksentini, « approcher le plus possible la réalité hospitalière chez nous ». Il tient à préciser que « nous ne voulons faire ni un rapport alarmant ni un rapport complaisant ». Ce travail est mené parce que, dit-il, « le droit à la santé est un droit essentiel, il relève des droits de l’Homme ».