Présidence tchèque de l’UE: L’Union pour la Méditerranée aux oubliettes

Présidence tchèque de l’UE: L’Union pour la Méditerranée aux oubliettes

par Notre Bureau De Bruxelles : M’hammedi Bouzina Med, Le Quotidien d’Oran, 20 décembre 2008

Après que la présidence française de l’UE eut attribué à Israël un statut privilégié faisant de lui pratiquement un Etat membre de l’Union, voilà la Tchéquie qui prendra le relais à la tête de l’Union le 1er janvier qui annonce son plan d’action exclusivement vers la promotion des pays de l’Est de l’UE. Est-ce à dire que les jours de l’UPM sont comptés ?

L’Union pour la Méditerranée, ce projet que le président français Nicolas Sarkozy a lancé à Paris le 13 juillet dernier, dès les premiers jours de son investiture comme président de l’Union européenne (UE), lui survivra-t-il ? Si l’on considère les objectifs que la Tchéquie s’est fixés pour sa présidence de l’Union à partir du 1er janvier prochain, il est à craindre que l’UPM sera remise aux oubliettes comme tant d’autres projets conçus plus à des fins de stratégie politique servant les intérêts strictement européens que sur une réelle volonté de coopération équitable et de codéveloppement.

Le 12 décembre dernier, l’ambassadrice de la Tchéquie, Mme Vicenova Milena, a présenté devant l’assemblée du Mouvement européen (une association civile créée en 1948 pour militer, bien avant la création de la CECA ancêtre de l’UE, pour des institutions communes européennes) les priorités de sa présidence de l’UE. Après avoir rappelé la volonté de son pays de faire aboutir le traité de Lisbonne (Constitution européenne) en veilleuse à cause du vote négatif de l’Irlande, et de l’opposition du président tchèque au traité dans sa forme actuel, l’ambassadrice a insisté sur la nécessité pour son pays d’intensifier la coopération et la solidarité de l’UE envers les pays de l’Est européen et d’accélérer le processus d’intégration d’autres pays des Balkans occidentaux.

Ainsi, la diplomate tchèque a estimé que l’UE va développer une coopération tous azimuts d’abord avec les six pays de l’Est que sont l’Ukraine, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, la Moldavie, le Belarusse et la Turquie et travailler à l’entrée dans l’UE de certains pays des Balkans occidentaux tels la Croatie, le Monténégro, la Macédoine qui ont progressé dans les réformes politiques et institutionnelles en vue de leur intégration à l’UE. Quant à l’Albanie, le Monténégro et la Serbie, la présidence tchèque apportera une aide conséquente pour l’accélération de leurs réformes en cours. D’ores et déjà une réunion au sommet entre les chefs d’Etat et de gouvernement des six pays de l’Est et l’UE est programmée pour le mois de mai 2009 pour faire le point sur leur projet d’intégration à l’UE. Concernant la Turquie, la Tchéquie tentera de faire aboutir les négociations en cours sur les deux chapitres que sont les réformes institutionnelles et les droits de l’homme.

Par ailleurs, l’ambassadrice tchèque a déclaré privilégier les relations transatlantiques avec les USA. La présidence tchèque a prévu la réunion du Conseil économique transatlantique (USA-Canada-UE) au cours du printemps 2009 pour examiner les questions liées à la sécurité énergétique et la coopération économique en général. Dans son exposé, Mme Vicenova Milena a fait, très brièvement, référence à la coopération avec les pays tiers et a évoqué au passage le projet de l’UPM auquel, a-t-elle dit, « la présidence tchèque se penchera ». Mais le paquet sera mis sur les pays de l’Est et ceux des Balkans, parce que « nous avons un passé et un intérêt commun et que nous devons préparer leur arrivée au sein de l’Union », a-t-elle expliqué.

Sur un autre registre, la représentante de la Tchéquie a déclaré que son pays souhaite la libre circulation de la main-d’oeuvre des pays des 10 pays de l’Est qui ont rejoint l’UE en 2004 (ce n’est pas le cas jusqu’à l’heure pour ces dix pays). Côté promotion de l’UE auprès de ses citoyens et de par le monde, l’ambassadrice a annoncé que son pays va organiser plus de 300 événements culturels, économiques… en Europe et à Bruxelles et 2.200 autres événements à travers le monde pour promouvoir l’image et la stature de l’UE. A Bruxelles par exemple, 60 événements sont déjà prévus.

Cependant, cette ambition tchèque pour l’UE est quelque peu entachée de l’opposition du président tchèque Vaclav Klaus à l’adoption du traité de Lisbonne par son pays. Eurosceptique convaincu, le président tchèque laissera-t-il toute la liberté à son exécutif guidé par le Premier ministre Mirek Topolanek, qui milite pour l’adoption du traité ? S’il est vrai que le pouvoir exécutif tchèque dispose de la liberté de décision, il n’en reste pas moins que le chef de l’Etat dispose d’un droit de veto et du droit de dissolution du Parlement en cas de crise politique dans l’une ou l’autre chambre du Parlement. Et Vaclav Klaus ne manque pas de partisans eurosceptiques comme lui.

S’agissant de l’UPM, il faut constater que la tiédeur de la présidence tchèque pour le projet, ajouté à l’octroi à Israël d’un statut privilégié sous la présidence française, faisant de l’Etat hébreu quasiment le 28ème Etat de l’UE, vient de signer sa remise au placard.