La Jordanie asphyxiée par la crise syrienne

Le poids des réfugiés fragilise les équilibres socioéconomiques du pays

La Jordanie asphyxiée par la crise syrienne

El Watan, 10 mai 2017

Les réfugiés syriens installés dans des camps au Liban et en Jordanie mettent la pression sur les autorités de ces pays qui peinent à subvenir à leurs besoins.

Au Liban, plus d’un million de réfugiés vivant dans différentes localités ont aggravé la crise économique et accentué la raréfaction des emplois, selon les autorités. Résultats : le pays du Cèdre, qui fait déjà face à une grave crise économique due à la chute du tourisme, ne cesse de réclamer à la communauté internationale des aides financières conséquentes pour faire face à ces flux humains qui pèsent lourdement sur son économie et en Jordanie, la situation est encore pire.

Le gouvernement de Hani Al Mulki a tiré depuis des mois la sonnette d’alarme sur l’incapacité de son pays à continuer à supporter le poids économique et social des réfugiés syriens. Cet appel a été renouvelé lors de la deuxième Conférence internationale sur les réfugiés organisée à Amman, mercredi et jeudi derniers, en présence de représentants de la Turquie, un autre pays qui accueille plus de deux millions de Syriens, et de l’Irak, l’un des pourvoyeurs de réfugiés.

L’objectif premier de cette conférence était de demander plus d’argent pour pouvoir continuer à subvenir aux besoins sociaux et éducatifs des familles syriennes ayant trouvé refuge dans le royaume hachémite. Pour l’ancien Premier ministre, Tahar Al Masri, «non seulement les pays riches et l’ONU doivent soutenir financièrement la Jordanie, ils doivent aussi demander des comptes aux régimes qui ont causé ces crises humanitaires». Comprendre par là le régime de Bachar Al Assad et les milices chiites irakiennes soutenues par les Etats irakien et iranien.

Le rêve du retour contrarié

La Jordanie, qui a ouvert ses frontières à l’ensemble des Syriens sans distinction, estime qu’elle n’a plus les moyens de continuer à supporter financièrement les 2,8 millions de réfugiés qui vivent sur son sol. «Notre pays a fait son devoir humanitaire et moral. Il a accueilli beaucoup de réfugiés, mais le point de rupture est désormais atteint», a expliqué Imad Fekhourri, ministre de la Planification, qui craint «des troubles sociaux consécutifs à cette situation».

Plus de 10 milliards de dollars ont été alloués aux réfugiés syriens depuis 5 ans par la Jordanie, soit deux milliards par an. Mais cela reste insuffisant et des tensions commencent à apparaître au sein de la société et dans les écoles et les universités. Les Jordaniens qui peinent à trouver un emploi ne sont pas contents de voir les Syriens prendre leurs places.

De son côté, le gouvernement a limité au maximum les professions auxquelles les réfugiés syriens ont droit, à savoir l’agriculture et le bâtiment, deux secteurs qui n’attirent par les Jordaniens. Le système éducatif est lui aussi au bord de la rupture. Plus de 155 000 Syriens sont inscrits dans les écoles et les universités jordaniennes, créant une pression supplémentaire sur ce secteur déjà en manque de ressources.

Des tensions entre syriens et jordaniens

Des tensions commencent à apparaître dans certains établissements scolaires entre élèves syriens et jordaniens. Idem aussi dans les universités publiques, où un gros travail d’explication est fait par des associations en vue de permettre à ces deux communautés de se supporter. Côté chiffres, sur une population de 9,5 millions, 30% sont des étrangers et 15% sont des Syriens. 62% des réfugiés vivent en dehors du principal camp Zaatari.

Chaque famille de réfugiés touche environ 189 dinars jordaniens (environ 29 000 dinars algériens). C’est le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) qui offre cette aide financière. Mais c’est une goutte d’eau dans un océan de misère qui encercle les réfugiés syriens qui ne rêvent que d’une chose : retourner chez eux. Par ailleurs et selon des sources non officielles, plus de 60 000 réfugiés syriens vivent en Algérie. Mais une opacité entoure ce dossier et le gouvernement Sellal n’a jamais vraiment communiqué sur ce sujet.

Yacine Farah