Les suspensions d’enseignants universitaires se multiplient

Le CNES dénonce une volonté de mettre au pas les Facultés

Les suspensions d’enseignants universitaires se multiplient

El Watan, 24 mai 2009

La machine à persécuter les universitaires s’est bien mise en marche. » Tel est le constat alarmant dressé par plusieurs sections du Conseil national des enseignants universitaires (CNES) qui, depuis quelques jours, se mobilisent pour la réhabilitation du docteur Ahmed Rouadjia de l’université de M’sila.

Dans une déclaration estampillée « urgent », la section de Sidi Bel Abbès a affirmé hier que « des enseignants affrontent cette machine infernale à broyer l’enseignant pour bien tuer l’université nationale, et ce, dans l’indifférence de la communauté universitaire ».

Les syndicalistes de l’université Djilali Liabès indiquent, à ce propos, que des enseignants sont suspendus de leurs fonctions dans plusieurs établissements du pays, sans ressource, et attendent le « bon vouloir » des pouvoirs publics pour mettre fin aux agissements de certains responsables qui se considèrent « au-dessus de la loi ». « La machine est bien huilée et la procédure bien établie en deux temps : recours à la justice puis suspension ; et la porte de l’enfer est bien ouverte », notent-ils. Etayant leurs propos, les animateurs du syndicat autonome des enseignants citent plusieurs cas de persécution aux centres universitaires de Saïda, Mascara, UST Oran, Khenchela, Sidi Bel Abbès et M’sila. A M’sila, Ahmed Rouadjia a été poursuivi en justice pour diffamation après la publication dans le quotidien El Watan du 10 mai 2008 d’un article intitulé « L’université algérienne en général et l’université de M’sila en particulier ». Il sera suspendu moins d’un mois après, le 22 juin 2008, par le recteur de l’université de M’sila avec blocage de son salaire. Pour le CNES, la double sanction infligée à Rouadjia est « inadmissible, car elle ne relève pas de la prétendue diffamation, arguée par le recteur de M’sila, mais d’un délit d’opinion ». Toujours à M’sila, un autre enseignant fait l’objet de pressions et de manœuvres d’intimidation de la part du recteur et de fonctionnaires « zélés ». Youcef Lakhdar Hamina dénonce, en effet, dans une lettre adressée, la semaine dernière, au président de la République « des propos indécents » de la part du recteur, ainsi que des « menaces » de poursuite en justice.

Dans cette même lettre, l’enseignant persécuté précise que ledit responsable ne rate pas la moindre occasion pour « se proclamer au-dessus de toute réglementation », tout en revendiquant « ses relations présumées » avec le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, d’une part, et avec Saïd Bouteflika, frère du président de la République, d’autre part. Encore un intouchable ? C’est en tout cas ce que conçoit la coordination CNES qui note que les « exactions » de ce recteur sont nombreuses et le cas de Rouadjia n’est pas isolé. Elle cite également le cas Zetchi Rabah, révoqué sans saisine de la commission paritaire. A Oran, trois autres enseignants ont été destitués récemment de l’USTO, sans saisine de la commission paritaire en « usant de leur situation fragile de mise en disponibilité », signale le syndicat. A l’université de Sidi Bel Abbès, outre le cas de l’enseignante sanctionnée malgré la fragilité des preuves et des faits qui lui sont reprochés (absentéisme), l’on signale également la suspension de trois hospitalo-universitaires et d’un enseignant de la faculté de droit pour des motifs « peu convaincants », selon la section locale du CNES. Ce qui fait dire à de nombreux enseignants et syndicalistes que « la corporation vit désormais dans la crainte et la terreur d’une administration dirigée par des responsables qui règnent en potentats dans des établissements où les enseignants sont devenus des sujets ».

Par M. Abdelkrim