Rapport annuel des violations des droits syndicaux

Algérie: Rapport annuel des violations des droits syndicaux (2006)

Confédération internationale des syndicats libres, 7 juin 2006 http://www.icftu.org/displaydocument.asp?Index=991224033&Language=FR

Population: 32.900.000 / Capitale: Alger / Conventions de l’OIT Ratifiées: 29 – 87 – 98 – 100 – 105 – 111 – 138 – 182

Le respect des libertés syndicales est souvent mis à mal dans le secteur public comme dans le secteur privé où les travailleurs sont victimes de nombreux abus. Pour faire valoir leur droit de grève, les enseignants n’ont pas hésité à engager un véritable bras de fer avec les autorités.

LIBERTÉS SYNDICALES EN DROIT

Liberté syndicale – restreinte

Les travailleurs ont le droit de constituer des syndicats, mais ils doivent obtenir une autorisation préalable du gouvernement avant que ceux-ci ne soient opérationnels du point de vue juridique. La loi interdit aux syndicats de s’associer à un parti politique et de recevoir des fonds d’origine étrangère. Pour être enregistrés, les syndicats doivent présenter aux autorités une déclaration annonçant leur constitution et obtenir la reconnaissance officielle dans un délai de 30 jours.

Un syndicat doit affilier au moins 20% des travailleurs d’une entreprise pour être reconnu comme représentatif. Les tribunaux ont le pouvoir de dissoudre un syndicat qui entreprend des activités illégales.

Restrictions au droit de grève

Le droit de grève est un droit constitutionnel. La loi prévoit l’obligation d’un vote à bulletin secret du collectif de travailleurs pour décider le recours à la grève, un délai de préavis de huit jours, l’organisation d’un service minimum pour assurer la préservation de l’outil de production, ainsi que la continuité d’activités indispensables pour la sécurité des personnes et des biens.

Le gouvernement peut interdire une grève s’il estime qu’elle risque de provoquer une grave crise économique. Un niveau minimum de service public doit être maintenu au cours des grèves dans le secteur public. En vertu de l’état d’urgence décrété en 1992, toute action entreprise dans l’intention soit de faire obstruction aux activités d’une société fournissant des services publics, soit d’empêcher la circulation ou la liberté de mouvement dans un espace public, peut être jugée comme étant un acte subversif ou terroriste, passible d’une peine allant jusqu’à 20 ans de prison.
Négociation collective reconnue

Le droit à la négociation collective est garanti dans la loi pour tous les syndicats officiellement reconnus, et il est interdit aux employeurs d’exercer une discrimination contre les membres syndicaux.

Zones franches d’exportation

Il existe un projet de création de zones franches.

LIBERTÉS SYNDICALES DANS LA PRATIQUE

Obstruction à la syndicalisation dans le secteur public

Le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) signale que ses membres sont régulièrement l’objet de harcèlement et de persécutions. Le gouvernement a rejeté deux demandes de constitution d’une confédération nationale. Des sections syndicales n’ont pas pu être créées non plus, notamment dans les hôpitaux. L’obstruction à la syndicalisation se fait aussi sous la forme de sanctions, de menaces et de renvois, dans les administrations locales, le secteur de l’eau, les travaux publics, les douanes et la défense civile. La tenue d’assemblées générales des syndicats affiliés est souvent empêchée.

Les autorités font parfois obstruction à l’enregistrement de nouveaux syndicats en refusant simplement d’accuser réception de leur demande d’enregistrement.

Les syndicats indépendants, plus petits, ont des problèmes du fait qu’ils ne représentent généralement pas plus de 20% des travailleurs d’une entreprise.

La systématisation des contrats temporaires dans le secteur public complique l’adhésion à l’organisation syndicale.
Faible implantation syndicale dans le secteur privé et dans le secteur informel.

Ces deux secteurs connaissent un développement considérable avec la politique libérale en cours et sont synonymes de dégradation des conditions de travail, d’inapplication de la réglementation du travail, d’absence de protection sociale et d’absence de libertés syndicales. De fort nombreuses entreprises privées se considèrent en pratique comme exonérées de l’observation des règles de droit du travail, en ne considérant que le profit immédiat qu’elles peuvent tirer du travail de leurs salariés. Souvent les employeurs ne déclarent pas la plupart de leurs employés, les privant ainsi de tous les droits conquis. Ils n’ont ni salaire minimum, ni sécurité sociale, ni retraite. Dans le secteur textile où les femmes sont très nombreuses, cette précarité rend toute tentative de syndicalisation très difficile car ces travailleuses craignent de perdre leur emploi si elles adhèrent à un syndicat.

VIOLATIONS EN 2005

Suite des affaires judiciaires intentées en 2004 contre des membres du SNAPAP

En janvier 2004, au CHU d’Oran, BOURAADA Mohamed, EL HIMER Bachir, AID Abderahim, AMOUR AISSA Rabia, CHAIB DRAA Emir Abdelkader et BENKHALFA Mohamed Seghir avaient été arrêtés. Les deux premiers, respectivement secrétaire général et membre actif de l’UNSP (l’Union nationale de la santé et de la population) du Centre hospitalier universitaire d’Oran, un syndicat affilié au SNAPAP, avaient été accusés d’avoir proféré des injures et des menaces de mort à l’encontre du directeur de l’hôpital. En 2005, on apprenait que le directeur de l’entreprise avait finalement renoncé à porter plainte et que l’affaire avait été classée sans suite.

Les enseignants de l’USTO empêchés de faire grève

À la fin du mois de mai, les enseignants de l’Université des sciences et de la technologie d’Oran (USTO) sont entrés en grève autour d’une large plateforme de revendications socioprofessionnelles. Durant le conflit qui a duré deux semaines, le recteur de l’USTO a introduit trois référés contre la section du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES-USTO) pour grève illégale. La justice a déclaré la grève illégale par trois fois, et la section CNES-USTO a déposé trois préavis de grève. Déterminés à faire respecter leurs droits, les enseignants n’ont pas voulu organiser les examens et les étudiants ont refusé de les passer tant que le conflit social ne trouverait pas une issue positive. Finalement, l’administration de l’USTO a accepté d’ouvrir des négociations conformément aux lois sociales en vigueur. La prise en charge rapide d’une partie des revendications des enseignants a permis la suspension de la grève.
Harcèlement judiciaire contre les enseignants grévistes de l’ESBA

Le 12 juin, les enseignants de l’École supérieure des beaux-arts sont entrés en grève pour défendre une série de revendications socioprofessionnelles. La grève a été votée par la majorité des membres de la section du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES-ESBA) à bulletin secret en présence d’une représentante de l’administration de l’ESBA qui a cosigné le PV du dépouillement du vote. Malgré le respect des procédures par la section CNES-ESBA, fin juin, l’administration de l’école a introduit un référé contre le syndicat auprès de la chambre administrative du tribunal pour le motif de grève illégale. La chambre s’est déclarée incompétente pour juger l’affaire. Malgré ce jugement, le harcèlement judiciaire s’est poursuivi puisque les dirigeants de l’ESBA ont ensuite fait appel auprès du Conseil d’État qui a finalement débouté les administrateurs de l’ESBA, le 13 septembre, en confirmant le premier jugement rendu par la chambre administrative.