Un 1er Mai au goût amer en Algérie

Un 1er Mai au goût amer en Algérie

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 2 mai 2013

Comme chaque année, la célébration le 1er mai de la Journée internationale des travailleurs a donné lieu à quelques cérémonies commémoratives officielles à l’ambiance empesée qui n’ont réuni que de maigres publics composés essentiellement de caciques de l’organisation syndicale l’UGTA proche du pouvoir et de représentants des autorités publiques. Il ne pouvait en être autrement compte tenu du contexte national politique et social marqué par les incertitudes qui pèsent sur la situation du pays dans le premier cas suite à l’accident vasculaire dont a été victime le chef de l’Etat et par le mécontentement social généralisé qui s’exprime dans le pays. Autant dire que ni les travailleurs que la journée est censée mettre à l’honneur ni les Algériens en général n’ont eu à cu0153ur de prendre part à des commémorations festives le 1er mai.

Le climat social ambiant va en se dégradant à la grande inquiétude des autorités du pays qui se rendent compte des limites de leur politique d’endiguement de la contestation sociale consistant à distribuer sans compter l’argent public pour tenter de la faire cesser. Elles constatent que «leurs largesses» ne font au contraire que multiplier les revendications et l’élargissement de cette contestation à tous les secteurs et couches sociales. L’inquiétant pour ces autorités est que la montée en puissance du mécontentement social se double désormais de la revendication politique d’un changement de système qui implique implicitement celui de l’équipe dirigeante qui préside aux destinées du pays depuis maintenant quatorze ans.

Cette jonction entre revendications sociales et politiques n’est pas le fait des syndicats autonomes sur lesquels les autorités ont jeté la suspicion de rouler pour des forces politiques ancrées dans l’opposition systématique au pouvoir et à ses dirigeants mais du mouvement qu’ont constitué les jeunes chômeurs pour la défense de leurs droits et qui fait la preuve d’une capacité de mobilisation qui a pris au dépourvu ces autorités. L’on comprend alors que l’annonce faite par les porte-paroles de ce mouvement qu’ils vont prochainement organiser dans une ville de l’est du pays un grand rassemblement national de protestataires avec des revendications posées aussi bien d’ordre social que politique a dû semer le désarroi parmi ces autorités qui savent que le pays est devenu un volcan qui peut exploser à tout moment.

Les manifestations du genre de celle qu’organise le mouvement des chômeurs sont ce que le pouvoir redoute le plus car elles sont pacifiques, ne donnant lieu à nulle violence ou atteinte aux biens publics. La tentation à ces conditions de les réprimer est difficile à suivre pour les autorités tant les conséquences de la répression seront désastreuses pour l’image du pouvoir qu’elles ont accrédité internationalement, celle d’un pouvoir respectueux du droit d’expression et à manifester pacifiquement. Le contexte politique auquel ce pouvoir est confronté dans le pays, régionalement et dans ses rapports internationaux en sera irrémédiablement alourdi pour lui en cas où il s’aviserait d’user de la force. Ce qui ne fera qu’accentuer son isolement et favoriser les chances qu’auront d’être entendues les forces politiques et sociales qui revendiquent son départ et un changement de système. Pas de quoi pour ces autorités à avoir la tête à célébrer de façon festive le 1er Mai ou toute autre journée.