Alors que la grève des médecins se poursuit avec 90% de suivi

Alors que la grève des médecins se poursuit avec 90% de suivi

La tutelle recourt aux ponctions sur salaires

El Watan, 17 décembre 2008

Après la décision de justice de déclarer illégale la grève des médecins, le ministère de la santé passe à l’étape des ponctions sur salaire comme nouveau moyen de pression sur les grévistes.

Au quatrième jour de débrayage, observé par la coordination nationale des syndicats autonomes de la fonction publique, les établissements hospitaliers ont été destinataires d’une circulaire émanant du secrétariat général du ministère de la Santé les instruisant d’opérer des ponctions sur les salaires des grévistes. « Nous avons confirmé cette information et cela s’inscrit en droite ligne dans la série d’intimidations dont font l’objet les syndicats autonomes. Il s’agit d’une mesure en totale contradiction avec la réglementation en vigueur », souligne le docteur Lyès Merabet, porte-parole de ladite coordination. Cela en expliquant que, selon une circulaire de 2004, les ponctions sur salaire sont opérées en cas de grève si aucun service n’est assuré. « le secteur de la santé ne devrait pas être concerné par une telle mesure, car le service minimum est toujours assuré, notamment au niveau des urgences », précise notre interlocuteur.

UNE GRÈVE POUR LA DIGNITÉ

Le docteur Yousfi, représentant du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique, estime pour sa part : « notre dignité n’a pas de prix. Qu’ils ponctionnent une semaine ou deux ou même un mois, cela ne diminuera en rien, ni n’altérera notre détermination à sauver la Fonction publique et la santé publique, pour garantir une meilleure prise en charge des malades. » Le docteur Merabet, qui est aussi secrétaire général du Syndicat, national des praticiens de la santé publique, a annoncé que son syndicat a donné instruction de se rapprocher des administrations hospitalières afin d’avoir la liste nominative des praticiens concernés par la défalcation sur salaire. « Nous appartenons à la fonction publique et de ce fait, toute ponction sur salaire doit être justifiée par des motifs écrits. Nous allons donc demander ces listes et exiger des justifications. Ceci nous permettra aussi de mettre la tutelle devant sa tromperie sur les 5% de suivi de la grève. Cela démontrera le vrai taux de suivi », indique le docteur Merabet. Evoquant le suivi de la grève, le porte-parole de la coordination parle de 90% de moyenne nationale de suivi de l’appel des cinq syndicats en débrayage, à savoir le Syndicat des psychologues, le Syndicat des praticiens de la santé publique, celui des praticiens spécialistes de la santé publique, ainsi que les Syndicats des maîtres assistants, professeurs et docents en sciences médicales. Les taux de suivi par région sont, à titre indicatif, de l’ordre de 90% à Alger, 95% à Tlemcen, 80% à Oran, 92% à Annaba, 85% à Tizi Ouzou et de 75% à Béchar. A signaler que la coordination a tenu hier un sit-in à l’hôpital de Beni Messous auquel ont participé des médecins des établissements hospitaliers de la wilaya d’Alger et même de l’extérieur de la capitale. Aujourd’hui, dernier jour de grève, un deuxième sit-in se tiendra à l’hôpital Mustapha après la tenue de deux assemblées générales des hospitalo-universitaires ainsi que des médecins de la santé publique.

Par Nadjia Bouaricha


Un franc succès à l’est du pays

C’est aujourd’hui que la grève des syndicats autonomes de la santé publique arrive à son terme.

Ponctuée par des rassemblements d’ampleur et des sit-in au niveau des principaux centres hospitaliers des wilayas de l’Est, en présence des chefs d’état-major des quatre syndicats grévistes, cette action, ultime recours des professionnels de la santé pour faire valoir leurs droits, a remporté un franc succès avec un taux de participation affirmé. En réalité, la décision d’interdire la grève prise par la justice et la tutelle n’aura fait qu’accentuer la conviction des grévistes quant au bien-fondé de leurs revendications socioprofessionnelles. Le docteur Rachid Hamlaoui, coordinateur du SNPSP pour 18 wilayas de l’Est, dira à ce propos : « Aucune notification de justice quant à l’illégalité de la grève ne nous a été transmise et c’est en sens que nous sommes décidés à aller avec fermeté, sans concession aucune, jusqu’au bout de notre action. » Et d’ajouter : « Cette action a été un franc succès et une gifle cinglante aux pouvoirs publics. » A Constantine, sans fléchir d’un iota, le débrayage a atteint des proportions record, enregistrant chaque jour une participation plus marquée. La barre des 98% de suivi de grève était plus que palpable au vu du vide qui a caractérisé les hospitaux, les centres de santé et polycliniques de la wilaya.

A Mila, « la quasi-totalité des hôpitaux et structures de santé était paralysée hier, au quatrième jour de la grève nationale décrétée par la Coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique », révèle le docteur Abdelatif Bentounsi, président du bureau du SNPSP, au siège de la DSP. Le taux d’adhésion au mouvement de protestation a atteint, selon ce dernier, 100%. En réponse à une prétendue invalidation de la protesta, il a martelé : « Les professionnels de la santé publique sont résolument déterminés à poursuivre la grève, car en dehors des directives émanant de notre coordination, nous n’avons d’ordre à recevoir de personne. » A Batna, seul le Syndicat des praticiens de la santé publique, présidé par le docteur Rédha Amar, a participé de manière vigoureuse à la grève décrétée par la Coordination des syndicats autonomes de la Fonction publique. Réunis en assemblée extraordinaire, une centaine de médecins a, à l’unanimité, approuvé la plate-forme des revendications du CNSAFP, comptant ainsi marquer de leur présence, en force, le sit-in prévu aujourd’hui à l’EPSP de la cité Kéchida. Notons, enfin, que les états-majors des syndicats grévistes ont éprouvé beaucoup de mal à contenir leurs bases, qui tendent à bousculer leurs structures organiques afin de les contraindre à aller vers des actions plus radicales, telles une démission collective ou l’arrêt de toutes les prestations, même au niveau des urgences.

Par Rédaction régionale