Téhéran dément les accusations de Rabat

Rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran

Téhéran dément les accusations de Rabat

El Watan, 3 mai 2018

Le Hezbollah y voit la main des puissances étrangères. Le Front Polisario réfute tout lien militaire avec Téhéran et le Hezbollah. Riyad et ses alliés du Golfe expriment leur solidarité avec Rabat.

L’Iran a démenti hier les accusations du Maroc, qui a annoncé, la veille, rompre ses relations avec Téhéran, rapporte l’AFP, citant un communiqué du ministère des Affaires étrangères iranien. Rabat reproche à Téhéran d’avoir facilité une livraison d’armes au Front Polisario, mouvement qui lutte pour l’indépendance du Sahara occidental.

«Les remarques attribuées au ministre des Affaires étrangères marocain (Nasser Bourita) sur une coopération entre un diplomate iranien et le Front Polisario sont mensongères», selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères iranien. Téhéran dément «fermement» ces accusations et déplore qu’elles servent de «prétexte» à une rupture diplomatique, ajoute le MAE iranien.

Les autorités iraniennes «considèrent que cette affaire est totalement dénuée de fondement», est-il ajouté dans le communiqué. Le ministère a relevé que l’Iran a adopté comme ligne de conduite le «respect» de la «souveraineté et (la) sécurité» des pays avec lesquels la République islamique entretient des relations diplomatiques, et «la non-ingérence dans (leurs) affaires intérieures».

De son côté, le Front Polisario a rejeté les accusations marocaines et demande à Rabat des preuves quant à ses allégations. L’attitude de Rabat obéit à un «petit opportunisme politique» visant à «contourner la reprise des négociations politiques directes demandée par l’Onu» pour le règlement du conflit du Sahara occidental, à travers un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, un processus en cours depuis le cessez-le-feu de 1991, a déclaré le coordinateur du Front Polisario avec la Mission des Nations unies pour l’organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso) M’hamed Khadad, cité par l’APS.

Il a réfuté l’existence de tout lien militaire avec l’Iran, en affirmant que «le Front Polisario n’a jamais eu de relations militaires et n’a pas, non plus, reçu d’armes et entretenu des contacts militaires avec l’Iran ou le Hezbollah». «C’est une mascarade et un grand mensonge.

Le Maroc cherche une protection de son retrait des négociations» avec le Front Polisario «qui devraient conduire à une consultation, l’autodétermination de l’ancienne colonie espagnole, conformément au plan de règlement onusien», a-t-il expliqué. Et d’observer : «Nous mettons au défi le Maroc de fournir la moindre preuve, le Maroc vit dans la folie et ne sait pas comment sortir de son obligation de dialogue.»

Le royaume wahhabite s’en mêle

Un peu plus tôt dans la journée, l’Arabie Saoudite a déclaré se tenir aux côtés du Maroc face à «tout ce qui menace sa sécurité, sa stabilité et son intégrité territoriale». Une source officielle au ministère saoudien des Affaires étrangères a abondé dans le sens de Rabat, selon une déclaration diffusée par le ministère de l’Information à Riyad.

«Le gouvernement saoudien condamne fermement l’ingérence iranienne dans les affaires intérieures du Maroc via son instrument, la milice terroriste du Hezbollah, qui entraîne les éléments du soi-disant groupe Polisario en vue de déstabiliser la sécurité et la stabilité» du Maroc, indique la source.

Le royaume wahhabite «affirme qu’il se tient aux côtés du royaume frère du Maroc pour tout ce qui garantit sa sécurité et sa stabilité, y compris sa décision de rompre ses relations avec l’Iran», a-t-elle assuré. Les Emirats arabes unis et Bahreïn ont également exprimé, dans des déclarations, leur solidarité avec le Maroc.

L’Arabie Saoudite et l’Iran ont rompu leurs relations diplomatiques en 2016. Les deux pays soutiennent notamment des camps opposés en Syrie, au Yémen et au Liban. Riyad dénonce régulièrement les «ingérences» iraniennes dans les affaires des pays arabes, et Téhéran s’insurge contre la campagne militaire contre les rebelles au Yémen de la coalition arabe emmenée par l’Arabie Saoudite.

Le Maroc a annoncé mardi la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran, qu’il accuse d’avoir facilité une livraison d’armes au Front Polisario, par l’intermédiaire de son allié libanais, le mouvement Hezbollah. Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a précisé que cette décision n’a rien à voir avec «les développements régionaux ou internationaux» actuels, en référence notamment aux tensions entre l’Arabie Saoudite au Moyen-Orient.

Il a assuré qu’une «première livraison d’armes avait été récemment fournie au Polisario» par l’intermédiaire d’un «élément» à l’ambassade iranienne à Alger. Aussi, il a affirmé que son pays «dispose de preuves irréfutables, de noms identifiés et de faits précis qui corroborent cette connivence entre le Polisario et le Hezbollah contre les intérêts suprêmes du royaume».
Dans un communiqué rendu public dans la journée, le Hezbollah a jugé «regrettable que le Maroc lance des accusations infondées sous pressions américaines, israéliennes et saoudiennes».

Pour le Hezbollah, «il aurait été préférable que les Affaires étrangères marocaines trouvent un prétexte plus convaincant pour rompre leur relations avec l’Iran». Le Maroc a déjà rompu ses relations avec l’Iran début 2009, pour protester notamment contre «l’activisme» religieux de Téhéran dans le royaume. Ces liens ont été rétablis en 2014.

Amnay idir