L’impossible nouvelle exégèse

L’impossible nouvelle exégèse

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 2 mai 2007

Le Maroc est satisfait, le Polisario est satisfait, l’Algérie l’est aussi. Les lendemains de la énième résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara Occidental ne pouvaient mieux reproduire les ambiguïtés de la veille.

La nouveauté est un appel à des négociations directes sous les auspices du secrétaire général de l’ONU. Rabat considère comme une victoire que le préambule de la résolution fasse état de ses « efforts sérieux et crédibles » mais paraît oublier que l’objet des négociations reste la recherche d’une solution politique qui « permette l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental ».

Comment croire à des « négociations de bonne foi sans conditions préalables », alors que les arrière-pensées ne se cachent pas chez certains membres du Conseil de sécurité, la France, l’Espagne et les Etats-Unis ? Ces trois pays savent pertinemment qu’il n’existe, au niveau du droit international, aucune autre exégèse possible sur le fait que l’autodétermination ne peut se faire que par le biais de l’expression libre des populations concernées. A défaut de pouvoir s’attaquer de front à ce principe et à défaut de pouvoir faire entériner le projet d’autonomie, on préconise des négociations, sachant que les deux parties sont aux antipodes.

«Texte équilibré, de compromis», a dit le représentant de la France à l’ONU, qui défend depuis toujours les positions marocaines. Texte qui ne mènera à rien, serions-nous tentés de dire. Le secrétaire général de l’ONU, à qui l’on a demandé de présenter, avant le 30 juin 2007, un rapport sur les « progrès réalisés», risque de constater à nouveau que l’impasse demeure. Quels que soient les «jeux» auxquels se livrent Madrid, Paris et Washington, la seule manière pour eux de satisfaire Rabat serait de décréter que les Sahraouis n’ont pas le droit d’être consultés et que le principe de l’autodétermination est «caduc». C’est bien leur objectif, mais ils savent que le clamer publiquement serait heurter de front la légalité internationale, mettrait hors jeu les Nations unies et ruinerait l’ultime raison d’être de la Minurso: le cessez-le-feu.

Jusqu’à présent, la stratégie des pays occidentaux favorables au Maroc a consisté à gagner du temps et surtout à empêcher que les propositions de solution n’aient un caractère contraignant. Le Plan Baker II, adopté par le Conseil de sécurité, n’a pu être mis en oeuvre au nom du « on ne doit imposer aucune solution aux parties». L’appel aux « négociations directes» va sans doute les mener vers une démarche plus «active». A défaut de pouvoir gommer cette « autodétermination » qui revient avec entêtement dans chaque résolution, on peut pronostiquer des pressions groupées de Washington, Madrid et Paris sur le Polisario et, bien entendu, l’Algérie. Il s’agirait d’amener le Polisario à renoncer de lui-même à cette autodétermination en considérant qu’un référendum sur l’autonomie en serait un substitut acceptable. A moins d’une surprise colossale, on voit mal le Polisario céder sur cette question.

Madrid, Washington et Paris ont-ils le moyen de convaincre les autres membres du Conseil de sécurité que l’autodétermination est une vieille lubie qu’il faut remiser aux oubliettes ?

On peut en douter…