L’émeute comme ultime recours

ELLE TOUCHE DE PLUS EN PLUS DE RÉGIONS

L’émeute comme ultime recours

Le Soir d’Algérie, 29 mai 2008

Il ne se passe plus un mois sans qu’une émeute n’éclate. La colère monte dans plusieurs régions. Les manifestations violentes deviennent l’ultime recours pour exprimer colère et frustration. Face à des autorités locales qui font la sourde oreille, les populations ne trouvent plus d’autres moyens que de tout saccager pour attirer l’attention sur leur vécu. Le pouvoir central, incapable de trouver une parade, se contente de jeter l’anathème sur «certains » partis politiques ou mieux encore sur cette satanée main manipulatrice de l’étranger.

Nawal Imès – Alger (Le Soir)- La réalité est pourtant implacable : la rue gronde. Après El Hadjar (Annaba) en janvier, Gdyel (Oran) et Chlef en avril, c’est Berriane puis Oran qui se sont embrasés. Les causes sont différentes mais le ras-le-bol est le même. A Annaba, plus précisément dans la daïra d’El Hadjar, de jeunes chômeurs ont bloqué tous les accès menant au complexe d’Arceloor Mittal afin de réclamer du travail. La manifestation qui a vite tourné à l’émeute a nécessité l’intervention des forces antiémeutes. Huit jeunes ont été interpellés. Ils ont fait l’objet d’une citation directe et ont comparu à la barre des accusés pour répondre d’«attroupements non autorisés et troubles à l’ordre public.» Le 15 avril dernier s’était au tour de Gdyel, petite commune de la wilaya d’Oran de se révolter. A l’origine de la colère des jeunes, la contestation de la liste des bénéficiaires des fameux 100 locaux commerciaux. Les échauffourées qui avaient éclaté ont duré deux jours et se sont soldées par d’énormes dégâts matériels : le siège du tribunal, deux bureaux de poste, le siège de la Cnas ont en effet été saccagés. Le 28 avril, Chlef a rejoint la liste des villes contestataires. Les violentes manifestations se sont soldées par l’arrestation de plusieurs dizaines de jeunes. A l’origine de ces événements, l’annulation de l’aide financière accordée aux victimes du séisme de 1980 dans le cadre de la loi de finances 2007. En effet, l’article 99 de cette loi accordait aux sinistrés une aide de 1 million de dinars et 1 million de dinars supplémentaires sous forme de crédit avec des taux d’intérêt bonifiés ne dépassant pas 2%. Les émeutes qui avaient jusque-là épargné le sud du pays, ont fini par s’y propager. Berriane a été secouée à quelques semaines d’intervalles par des manifestations d’une rare violence. Une altercation entre jeunes s’est, en effet, transformée en de violentes émeutes. Les deux communautés composant Berriane se sont affrontées, causant le décès d’au moins deux personnes. Il ne s’agit-là que d’émeutes qui surviennent dans de grandes agglomérations, ce qui permet à l’information de circuler. Régulièrement, un vent de protestation souffle sur de petites bourgades sans que cela soit connu du grand public. Il n’est pas rare que des citoyens coupent la route, investissent le siège de la commune ou brûlent des édifices pour crier leur colère. Côté officiel, la réaction est toujours la même. La thèse de la manipulation est toujours privilégiée. Pas plus tard qu’hier, le ministre de l’Intérieur déclarait à partir de Chlef : «Nous avons, ici, la preuve que ces mouvements de violence et de saccage qu’à connus la ville de Berriane ont été provoqués. Nous n’excluons pas la manipulation. » Zerhouni a ajouté qu’«il y a eu inculpation de 4 personnes, dont deux demeurent en fuite, et la saisie de 6 ordinateurs, dans lesquels il y avait des tracts faits au nom de la communauté mozabite et d’autres au nom de la communauté dite arabe. Ces tracts incitaient à la violence, à l’exclusion de l’autre et au nettoyage ethnique. » Une réaction «classique » assortie d’instructions données aux forces de l’ordre d’éviter au maximum les affrontements avec les émeutiers, et à la justice d’être clémente avec ceux arrêtés pour troubles à l’ordre public. Un antidote à l’émeute qui n’arrive manifestement pas à contenir la colère qui gagne de plus en plus de régions.
N. I.