Trois jours d’émeutes à Bordj Bou Arréridj

Trois jours d’émeutes à Bordj Bou Arréridj :

Des blessés et des arrestations pour un match de football

par Ammar Saïd, Le Jeune Indépendant, 7 mai 2007

Les escarmouches ont duré tout le week-end et se sont prolongées jusqu’à samedi. La ville de Ras El-Oued, située à plus d’une trentaine de kilomètres à l’est du chef-lieu de la wilaya Bordj Bou Arréridj, a vécu de violentes émeutes menées par des jeunes.

Barricades dans les rues, routes coupées, pneus en flammes et affrontements avec les forces de l’ordre ont meublé le climat durant les trois jours qu’ont duré les émeutes de Ras El-Oued. Le face-à-face des manifestants avec les brigades anti-émeutes a complètement paralysé l’activité de la ville.

Les établissements scolaires et les commerces ont fermé et les citoyens se sont cloîtrés chez eux. Les édifices publics se trouvant au chef-lieu de la commune ont subi d’énormes dommages. Les dégâts ont été estimés à plusieurs milliards.

Les émeutiers ont notamment ciblé le siège de la sûreté de daïra, le tribunal, le siège de la Sonelgaz et celui de la recette des contributions diverses. Même un centre de santé n’a pas échappé à la destruction. Le siège de l’APC et le parc communal ont aussi été saccagés par les manifestants tandis que le foyer des œuvres sociales a vu tout son mobilier détruit.

Devant la gravité de la situation, les gendarmes et les policiers se sont déployés au niveau des points stratégiques de la ville pour parer à toute éventualité et surtout pour sécuriser les biens et les personnes. Les émeutiers, en dépit de l’intervention des notables, ont refusé de «céder» la rue et s’asseoir à la table de dialogue, comme les y ont invités les autorités locales.

Ils ont même répondu à l’invitation en défiant les forces de l’ordre par des jets de pierres. Hier, ces incidents malheureux ont pris une autre tournure lorsque les manifestants ont scandé des slogans qui n’ont rien à voir avec la rencontre de football : ils ont revendiqué le rattachement de leur circonscription à la wilaya de Sétif.

D’autres voix ont tenté de récupérer le mouvement en appelant au boycott des élections législatives. C’est d’ailleurs une série de slogans anarchiques qu’on entendait à chaque coin de rue. Des notables et des sages de Ras El-Oued n’hésitaient pas à pointer un doigt accusateur sur certaines forces occultes qui, d’après les mêmes sources, ont intégré les rangs des jeunes manifestants pour les pousser à commettre l’irréparable, n’était la présence des forces de l’ordre.

Le wali, accompagné des membres chargés de la sécurité au niveau de la wilaya, s’est rendu à Ras El-Oued pour rencontrer des citoyens et des représentants de la société civile. De leur côté, des jeunes accusent la Ligue régionale de football de Batna d’avoir organisé le derby ASBG-ROC inopportunément en plein milieu de la campagne électorale.

A. S.


Retour au calme à Ras El-Oued

par Mohamed Salah Boureni, Le Quotidien d’Oran, 7 mai 2007

Après trois journées vraiment agitées, la ville de Ras El-Oued était triste hier et offrait une vision chaotique. Les stigmates du tumulte de la veille donnait l’impression que la ville avait été balayée par un cyclone.

Les établissements scolaires des trois paliers ont tenu portes closes. Imités en cela par la quasi-totalité des commerces du centre-ville. A peine si on constatait, au bout d’une rue dérobée, une boulangerie bravant la précarité d’une situation qui pouvait à tout moment rejoindre les dérapages d’un long week-end gagné par l’incertitude et guettant des horizons immédiats qui s’annonçaient en cette matinée de dimanche sombres.

Aux premières heures, les jeunes de Ras El-Oued sortaient des domiciles, comme pour aller au café du coin, sans donner l’air de vouloir encore en découdre. Mais les petits groupes qui grossissaient à vu d’oeil ici et là aux principaux carrefours du centre-ville ne présageaient rien de bon. Une impression alourdie par la forte présence des forces anti-émeutes qui semblaient très éprouvées par les affrontements d’hier.

Le quadrillage des rues et surtout la concentration de policiers et gendarmes près des principaux édifices publics comme le siège de la mairie, celui de la daïra, de la CNEP ou encore de la poste soulignaient que les autorités n’entendaient pas voir rééditer le scénario de la veille. Mais à mesure qu’avançait la matinée, les prémices d’un tel scénario commençaient à s’installer avec la formation de barricades dans les artères principales. L’entrée nord de la ville autant que l’entrée sud seront indemnes de toute obstruction. Et pour cause, très tôt le matin, les forces de l’ordre y prirent leurs quartiers avec force persuasion qui avait laissé les émeutiers sur une véritable réserve.

Vers dix heures du matin, la venue du wali de Bordj Bou Arreridj, Kadid Abderahmane, fera le tour de Ras El-Oued. Une telle information fera son effet. Les milliers de jeunes prirent alors leur mal en patience, mais attendaient de pied ferme le premier responsable de la wilaya. C’est déjà les conciliabules qui se transformèrent vite en discussion animées.

Il s’agissait de soumettre les bonnes revendications qui devaient accompagner celle de la libération sans conditions de toutes les personnes arrêtées lors des trois jours d’émeutes. Au sein de la foule immense sur ce point précis, la cause était entendue et ne souffrait d’aucune volonté de cession du moindre pouce. On évoquait volontiers la hogra en faisant référence à l’épisode de jeudi, jour du déroulement du match ayant opposé l’équipe de Ras El-Oued à sa voisine de Bord Ghdir. Là-dessus, la revendication était claire et sans fioritures : Ras El-Oued exigeait une commission d’enquête avec, à la clé, un match à rejouer. Bien sûr, viendront se greffer les problèmes de chômage, de manque d’infrastructures, de structures économiques…

Bien avant midi, le wali accompagné du P/APW, du chef de daïra de Ras El-Oued, du chef de Sûreté de wilaya, fera son apparition. La délégation se dirigea vers la mairie. La salle de conférence du siège communal sera envahie par près de deux cents personnes. Les portes closes ne laissaient rien filtrer des discussions qui furent du reste très longues. Vers deux heures de l’après-midi, le wali sortira de la mairie pour aussitôt s’engouffrer dans le véhicule. Un mouvement de panique dans la foule sera l’étincelle qui déclencha l’affrontement entre émeutiers et forces de l’ordre. On était sûrs que la rencontre n’avait finalement abouti à rien. Mais comme par enchantement, le calme reprit ses droits. Les jeunes surent après coup que le wali avait montré de réelles dispositions à accéder aux revendications. M. Kadid Abderahamane donnera promesse de tout entreprendre pour libérer tous les jeunes qui ont été arrêtés.

Il promettra également de mettre sur pied une commission d’enquête à propos du match de jeudi. C’était suffisant pour ramener le calme à Ras El-Oued. Vers 16 heures, nous apprendrons qu’une cellule de crise présidée par le wali et comprenant le chef de Sûreté, le chef de daïra, le procureur de la République et d’autres responsables ayant partie liée avec la question pour discuter de l’éventualité de libération des détenus, avait été mise sur pied.

A l’annonce de cette information, l’atmosphère se détendait progressivement. Les groupes commencèrent à s’effilocher, ne restait qu’une centaine de personnes aux alentours du tribunal guettant la sortie de leurs parents.

Vers 18 heures, on annonçait parmi la foule que 33 jeunes allaient être relâchés. Le reste, 16 émeutiers seront jugés ce lundi.