Réflexion sur la thèse du dialogue

COORDINATION DES VILLAGES ET QUARTIERS DE TIZI RACHED / CVQTR

Réflexion sur la thèse du dialogue

Une propagande sagement orchestrée et alimentée par le pouvoir et ses alliés objectifs a toujours tenté de montrer le mouvement citoyen des Aârchs comme étant une organisation anarchique, violente et imperméable à toute vertu civilisationnelle. Les délégués sont , du coup, présentés à l’opinion nationale et internationale comme des agitateurs impénitents qui s’opposent à toute forme de dialogue et à toute solution qui passe par cette voie. Par conséquent, le crédit engrangé par le mouvement à travers sa lutte juste et pacifique pour l’aboutissement des revendications légitimes de la plate-forme d’EL-Kseur, se trouve ébréché par les doutes nourris quant aux réels objectifs recherchés par le mouvement.
Pourtant, les délégués ont déjà eu à engager une partie de négociation durant l’été 2001. Cependant, après que le chef du gouvernement ait déclaré son inhabilité à se prononcer sur certains points, les négociations ont été fermées. L’offre de dialogue lancée en septembre 2001 a été déclinée par les structures du mouvement car des manœuvres étaient menées parallèlement par le pouvoir qui a décidé unilatéralement de sceller d’avance les conclusions de ce qui sera une parade clientéliste. Subséquemment , un simulacre de dialogue a eu lieu donc avec des délégués Taiwan et dont les résultats n’ont satisfait que ses initiateurs. Le 12 janvier 2002 lors du discours du président de la république annonçant les résolutions inscrites dans les accords soi-disant conclus avec les représentants taiwanais, la Kabylie toute entière a répondu par des émeutes.
A partir de ce moment donc, le pouvoir mafieux et assassin est revenu à ses arguments répressifs à travers arrestations, harcèlements et violence à l’endroit de la population et des délégués désormais catalogués comme radicaux. Depuis, l’action répressive jumelée à des manœuvres de tous genres visant la disqualification du mouvement et le pourrissement de la situation a été la seule réponse du pouvoir mafieux et assassin à l’adresse de la dynamique citoyenne. Partant de là, le mouvement n’a répondu que par des fins de non-recevoir aux multiples appels au dialogue qui, du reste, n’avaient aucun prolongement qu’il soit réel ou virtuel sur le terrain.

Dialectiquement, la religion du mouvement a été faite concernant la question du dialogue. Bien qu’il est clair, au demeurant, que ce rejet procédait plutôt d’une position conjoncturelle que d’un principe inscrit dans les documents référentiels du mouvement et que par ailleurs aucune antinomie n’existe entre le concept du dialogue et le caractère scellé et non négociable de la plate-forme d’El-Kseur.

Position concernant la dernière invitation au dialogue :

L’invitation au dialogue lancée par le chef du gouvernement, et lequel déclare engager au-delà du gouvernement, l’Etat algérien par l’ensemble de ses institutions, mérite bien – considérant un certain nombre de points – qu’on s’y attarde longuement et qu’on ne fasse pas l’économie d’une analyse convenable. Et ce, à la lumière des nouveautés dont elle est chargée et également sous la perspective de la situation politique actuelle. Dés lors, une large concertation et une lecture politique conséquente s’imposent. D’abord, il y a lieu de relever dans l’annonce faite par le premier ministre les éléments significatifs suivants :

a. La reconnaissance explicite de la légitimité de la lutte menée par la Kabylie et le mouvement des Aârchs et la justesse de la cause portée par la plate-forme d’El-Kseur. Aussi, le sens de la responsabilité des délégués en tant que porte-voix authentique de la population est élogieusement admis et mis en exergue.

b. Le premier ministre s’est adressé directement et exclusivement au mouvement des Aârchs, lui reconnaissant la qualité d’interlocuteur incontournable et de porte-parole authentique de la population.

c. Le représentant du pouvoir proclame un dialogue avec des représentants désignés par le mouvement et prend le soin de ne pas exclure de préalables (contrairement à la précédente invitation à un dialogue « sans préalables »). Cette nuance peut traduire une disposition de la part du pouvoir à s’ouvrir aux préalables et conditions que poserait éventuellement le mouvement. Ce faisant, on pourrait aussi voir là l’existence d’une volonté politique réelle pour régler le problème.

d. Fait important et substantiellement politicien qui se donne pour effet d’acculer le mouvement dans ses derniers retranchements. Façon habile de jeter la balle dans le camp du mouvement. Le premier ministre prend à témoin l’opinion nationale donc le peuple algérien. Autrement dit, une fin de non-recevoir injustifiée de la part du mouvement équivaudrait à une fuite de responsabilité et une option pour l’affrontement. Une position qui aura certainement des connotations nihilistes.

Cela étant, il est légitime de suspecter – au regard de la forme superbement enveloppée par laquelle elle est servie et au regard des implications que celle-ci charrie – que cette invitation au dialogue pourrait être en réalité une manœuvre intelligente et subreptice dont la conséquence – à défaut d’une lucidité politique de notre part – sera de piéger le mouvement et de l’accompagner à une impasse mortelle. Le mouvement est mis au défi d’un test dangereux qui appelle un sens machiavélique de la réplique politique. A travers cette invitation, politiquement bien enrobée, le pouvoir ne chercherait-il pas à réussir le coup « d’échec et mat » aux dépens du mouvement ?! Ainsi, faudrait-il produire une réponse politique à la mesure de cette question.

D’autre part, il faudrait garder l’œil sur les tentatives de parasitage et d’interférence qui peuvent émaner de différentes tendances ou apparatchiks de tous bords qui pour des jeux d’intérêts de clochers sont devenus partisans du statut-quo ; lequel état est défendu, pour les besoins de la cause, à coups de raccourcis négationnistes et d’arguments de chats échaudés. Tous ces calculs suggèrent donc une neutralisation malveillante du mouvement se traduisant par le refus du principe même du dialogue.

En conclusion à ce qui précède, le mouvement a l’obligation de donner une suite positive, mais conditionnée par des garanties et des préalables. Il s’agit au passage d’assurer au dialogue un cadrage à tous les niveaux.

I- Préalables :

En amont (c-à.d avant l’entame du dialogue) :

1. Libération des détenus du mouvement en leur accordant le statut de prisonniers politiques.
2. Annulation de toutes les poursuites judiciaires décidées dans le cadre du mouvement.

En aval ( Au cours ou après le dialogue) :

1. Prise en charge par les pouvoirs publics des arriérés découlant du contentieux Sonelgaz né suite au refus de payement des factures d’électricité
2. Présentation d’excuses de la part du directeur de l’ENTV à l’endroit de la population de Kabylie pour le préjudice moral causé à ces citoyens à travers la calomnie et la manipulation que cette institution s’est faite le vecteur durant le printemps noir et notamment lors de la marche du 14 juin 2001.
3. Révocation des indus élus et organisation de nouvelles élections.

II- GARANTIES :

1. Proclamation solennelle et publique par le président de la république de la satisfaction officielle de la plate-forme d’El-Kseur au terme des discussions.
2. Retransmission directe par le biais de la télévision des débats qui auront lieu dans le cadre du dialogue. Le peuple algérien sera ainsi pris à témoin.
3. Présence de la presse nationale et étrangère lors des débats.

NB. La réponse qui sortira de l’interwilaya sera, pour qu’elle soit définitive, soumise à l’aval de la base dont la consultation se fera au cours de la semaine suivant le conclave interwilayas.

Tizi-Rached, le 04/06/2003