Ain M’lila: Affrontements et une brigade de gendarmerie assiégée

DES BLESSES ET DES ARRESTATIONS A AÏN M’LILA

Affrontements et une brigade de gendarmerie assiégée

Le Quotidien d’Oan, 13 mars 2006

Le bras de fer engagé depuis pratiquement trois mois par la population de Ouled Zaïd, non loin de Aïn M’lila, dans la wilaya de Oum El-Bouaghi, avec les propriétaires de huit carrières, situées à trois cents mètres des habitations, a tourné hier aux premières heures de la matinée à l’émeute.

Et n’était-ce la sagesse dont avaient fait preuve les forces de l’ordre, en fin d’une journée houleuse, la contestation pouvait partir dans tous les sens.

En effet, plus de quatre cents personnes ont fait la route de quatre kilomètres qui sépare Ouled Zaïd de Aïn M’lila, en voitures, en camions et même en tracteurs, pour assiéger la brigade de gendarmerie pendant près de trois heures. Survoltés, ils exigeaient la libération de neuf de leurs concitoyens, dont un mineur, arrêtés la matinée lors des échauffourées qui les ont opposés aux brigades anti-émeutes venues en renfort.

Heureusement, le climat tendu à Aïn M’lila n’avait prêté cependant à aucun débordement devant la brigade de gendarmerie. Et il faut dire que cette dernière était tout simplement barricadée et n’offrait pas pour ainsi dire de prise aux manifestants de Ouled Zaïd. Mais il faut signaler aussi que si les jeunes contestataires voulaient en découdre, beaucoup de personnes âgées veillaient au grain et empêchaient ne serait-ce qu’une esquisse d’agressivité de la jeunesse du village pourtant en nombre. Ces mêmes personnes âgées qui n’avaient pu, durant la matinée, empêcher la confrontation avec la gendarmerie quand ses éléments étaient venus à Ouled Zaïd, pour permettre à un des propriétaires des carrières de travailler lui et ses ouvriers.

Tout a commencé à six heures du matin. Le patron de la carrière, accompagné de travailleurs, a décidé sa réouverture, fort de l’autorisation des autorités de la wilaya. Une heure ne s’était pas écoulée quand une cinquantaine d’habitants de Ouled Zaïd, menaçants, se dirigèrent vers le site. Les ouvriers se dispersèrent rapidement, mais le patron alerta par téléphone la brigade de gendarmerie de Aïn M’lila. La cinquantaine de personnes se démultiplia très vite et c’est l’entrée du village de près de sept mille habitants qui est barricadée.

Vers les coups de neuf heures, c’est un impressionnant renfort qui fit son apparition. Pas moins de neuf fourgons Iveco et onze Toyota transportant plus de cent cinquante hommes se déployèrent. Et c’est à coups de gaz lacrymogènes que les éléments de la gendarmerie tentèrent de disperser les manifestants. Mais la confrontation devenait inévitable. Les blessures aussi. Un des manifestants sera blessé sérieusement. Il sera évacué à bord d’une voiture vers l’hôpital de Aïn M’lila. Selon un des habitants, il a été transféré vers le centre hospitalo-universitaire de Constantine. Trois autres citoyens seront blessés également. Mais un seul sera transporté à l’hôpital, pour le quitter une heure après.

Du côté de la gendarmerie, on compte également des blessés légers. Les forces anti-émeutes arrêteront neuf personnes, dont certains avaient la cinquantaine et il y avait aussi un jeune mineur. Vers onze heures, le calme gagna ses droits. Les manifestants seront dispersés et la route libérée. Mais ce n’était que partie remise. Puisque dans l’après-midi c’est une centaine de véhicules de toutes sortes qui quittèrent le village pour se diriger vers le siège de la brigade de gendarmerie de Aïn M’lila. C’est le véritable siège avec un seul mot d’ordre: «libérez les personnes arrêtées». Aux environs de 18 heures, la gendarmerie a décidé de libérer les neuf personnes. C’est le soulagement et à peine quelques minutes après c’est le retour vers le village. Les habitants de Ouled Zaïd affirmaient à l’unisson qu’ils étaient dans leurs droits. Et d’expliquer que la population est mise en danger par l’activité des carrières qui ont été installées au début des années 90.

Depuis, ils n’avaient cessé, disent-ils, de faire des démarches auprès des autorités pour montrer que leurs «enfants sont atteints d’asthme à cause des poussières, que leurs maisons sont fissurées à cause de la dynamite qui a mis à sec leurs puits également». Mais un certain 25 décembre au soir un propriétaire d’une carrière a eu l’idée en fin d’après-midi pluvieuse de faire exploser pour les besoins de son travail 42 quintaux de dynamite, comme on nous l’affirme. Résultat, les murs et le toit de 176 logements exactement sont fissurés et les vitres avaient volé en éclats. En plus, la majorité de leurs puits se sont taris, disent-ils.

Ils déposèrent alors plainte auprès de la justice et se sont adressés à la première autorité de la wilaya de Oum El-Bouaghi. Le wali mettra sur pied une commission d’enquête composée des représentants de l’environnement, de l’agriculture, de l’éducation, de la santé et de l’industrie et des mines. Après un mois d’enquête, cette dernière conclura que les carrières ne représentaient pas de danger pour la population de Ouled Zaïd. Les autorités promirent aux citoyens que les réparations des maisons ayant subi un dommage seront prises en charge.

Mais la population de Ouled Zaïd avait une tout autre idée en tête. Evacuer les carrières ou les évacuer. Autant dire le relogement de près de 7.000 familles. Quant à l’affaire introduite en justice, elle n’a pas connu encore son épilogue.

M. S. Rouabah Et M. S. Boureni