Symposium de soutien aux détenus : Au-delà des discours

Symposium de soutien aux détenus : Au-delà des discours

par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 6 décembre 2010

Ils sont venus de tous les horizons géographiques, et ils étaient nombreux hier au Palais des Nations pour assister à la première journée du symposium que le FLN organise pour deux jours pour soutenir les prisonniers dans les Etats occupants en particulier les prisonniers palestiniens. De hautes autorités des instances islamiques de différents pays, des chefs de partis politiques, des représentants d’ONG, de la société civile ont été accueillis hier par Abdelaziz Belkhadem « au nom du FLN et au nom de tous les cadres et militants du parti. » Belkhadem portait aussi la casquette du représentant personnel du président de la République dont la lettre de soutien à l’initiative sera, dit-on lue aujourd’hui à la clôture du symposium. «Nous nous adressons à la conscience du monde pour qu’elle dénonce et condamne les exactions de l’entité sioniste sur les prisonniers palestiniens et la rappelle au respect des résolutions onusiennes,» a déclaré le SG du FLN. «Le temps est venu pour que la conscience du monde se réveille et dévoile ce que fait Israël en Palestine occupée qui représente malheureusement aujourd’hui une logique de la force et de la violation des droits de l’homme en toute impunité,» a-t-il souligné. Il a appelé à la mise en place de nouveaux procédés, instruments et approches pour faire pression sur les institutions internationales (à commencer par le parlement européen et la commission des droits de l’Homme à Genève) et les obliger à appliquer les lois et règlements internationaux. Tout autant que Si Affif qui avait pris la parole avant lui, Belkhadem a appelé à partir d’Alger «tous les hommes libres de ce monde à soutenir les prisonniers palestiniens et irakiens et à faire savoir ce qui se passe dans les prisons de ces pays.» Le SG du FLN recevra du responsable du centre arabe de solidarité et de la préservation des liens une distinction symbolisant le martyr palestinien. Il ne manquera pas d’appeler à l’unification des factions politiques palestiniennes. Le responsable du centre arabe de solidarité et de la préservation des liens a d’emblée lancé « l’Algérie ne pourra jamais être une terre de normalisation avec l’entité sioniste!» «De ce pays de la grande révolution, une lutte qui a été un exemple pour les peuples, du milieu de cette assistance venue de près de 50 pays, nous lançons une campagne pour la libération de tous les détenus dans les pays colonisés, les détenus par les sionistes, par les Américains, et aussi les détenus politiques dans les pays arabes,» a-t-il souligné. Le président du Congrès arabe dont le FLN et le MSP sont membres et président de la commission préparatoire du symposium a rappelé des propos tenus en 1964 par Bouteflika alors ministre des Affaires étrangères. «L’Algérie ne sera pas totalement indépendante jusque ce que la Palestine ait son indépendance,» a rappelé Abou Ihab Abdelaziz Essayed. «Nous ne sommes pas venus faire des discours mais sortir avec un nouveau regard sur la question des prisonniers,» a déclaré pour sa part un intervenant palestinien. Il proposera la création d’un réseau pour faire entendre la cause des prisonniers à travers le monde.

Appel à l’unité des factions palestiniennes

Ramsey Clark, l’ancien ministre américain de la Justice a estimé pour sa part que les lois internationales, la justice et la décence humaine exige d’Israël de respecter les frontières de la Palestine telles que définies par la résolution 181 de 1948. Il dénoncera les crimes et les assassinats qu’Israël commet à ce jour sur les Palestiniens. Il appellera au soutien de l’unité du peuple palestinien et à son droit à la création d’un Etat indépendant. Fidèle à son combat pour la cause palestinienne et la levée du blocus israélien sur Ghaza, le Britannique Georges Galloway rendra hommage «aux dizaines de milliers de prisonniers palestiniens dans les geôles de l’Etat d’Israël avec à leur tête Merouane Barghouti, détenu depuis plus de 30 ans et les 1,6 million de Palestiniens à Ghaza, une prison à ciel ouvert. » Il en fera de même pour « les prisonniers irakiens, à Tarek Azziz et aux prisonniers qui le sont dans le monde arabe sans que les barreaux soient visibles. » Galloway fera savoir à l’assistance l’existence depuis deux ans du Réseau Viva Palestine dans plus d’une vingtaine de pays. Le militant britannique estime que «l’Unité de la Palestine sera un grand soutien pour les prisonniers palestiniens.» Des nombreux télégrammes dévoilés par Wikileaks fera regretter à Galloway « l’absence de celles qui auraient dû faire pression sur les institutions internationales pour demander aux Américains de libérer les prisonniers palestiniens (…). » Il racontera le calvaire de 6 familles palestiniennes qu’il affirme avoir rencontrées dans des zones du pôle Nord. « C’est vous dire à quel point les Palestiniens sont dispersés à travers le monde, » fait-il remarquer. Halima Boumediène, membre du sénat français a dénoncé elle « le silence complice de la communauté internationale parce que tout Palestinien est prisonnier. » Elle appellera au gel des achats économiques et commerciaux avec Israël «tant que le droit international n’est pas respecté. » Anne Marie Lizin, ancienne responsable du sénat belge souhaite que les participants ne se perdent pas en discours. « L’Algérie peut recréer les moments des forts soutiens pour la Palestine comme elle l’a fait il y a 30 ans, » a-t-elle affirmé. Elle estime que « derrière Wikileaks, il y a un lobby israélien qui veut déstabiliser le président américain parce que pour la 1er fois, il a demandé aux Israéliens un rééquilibrage dans le dossier du Moyen-Orient et de stopper la colonisation. »

Le terrible échange de Chalit contre un millier de prisonniers palestiniens

Lizin dénoncera le fait que «nous les Européens, nous avons ce défaut de négocier tout et sans arrêt.» Elle pense que c’est impensable de vouloir échanger « le soldat Chalit contre un millier de prisonniers palestiniens.» Elle demandera à l’assistance «(allusion faite aux Arabes) de «pensez de manière unie et à une stratégie réfléchie pour la libération de ces prisonniers et vous pourrez gagner.» Un intervenant pakistanais indiquera que « notre foi ne sera pas complète sans la libération d’El Qods.» Il interrogera surtout « où sont ceux qui peuvent prendre les armes contre Israël ?» Akrimi Sabri, mufti El Qods revendique lui un plan d’action pour dévoiler les conditions des détenus palestiniens, travailler pour leur libération et creuser cette question des échanges de prisonniers. Il remet un emblème de la ville sainte à Belkhadem. Son homologue chrétien fera de grandes prières pour la Palestine ma bien aimée et les Palestiniens qui sont mes enfants.» Il dira que «Dieu me demandera des comptes sur ce que j’ai fait pour cette cause.» Il estime que «pour la libération d’un seul soldat, Israël fait vibrer le monde». Il interroge «que faisons-nous pour les milliers de nos prisonniers ? Quelle est notre stratégie pour faire face à cette arrogance ? Priez ! Priez ! Mais vous devrez travailler dur pour y arriver !» Un intervenant iranien annoncera tout un programme de lutte contre Israël et pour la libération de la Palestine en plus de la création d’une commission d’enquête sur la mort suspecte de plusieurs prisonniers et la vente de leurs organes. Un autre turc proposera l’organisation d’une rencontre sur la Palestine à Istanbul. Ils seront nombreux à demander de déposer une plainte contre Israël devant la Cour de justice internationale. L’assistance aura droit à des interventions d’éminentes personnalités arabes et musulmanes à l’exemple du responsable des frères musulmans irakiens, Ahmed Edhawy, du membre influent du Hamas, Merzouki, de l’épouse de Merouane Barghouti que les organisateurs ont placé devant un siège vide couvert de la photo de son mari emprisonné par Israël. L’on notera la participation de plusieurs partis politiques algériens, Lakhdar Brahimi, Belaid Abesselam, du Mauritanien Mohamed Ould Dada et d’un grand nombre d’ambassadeurs accrédités à Alger.


 

«Nous voulons l’internationalisation de la question des prisonniers palestiniens »

par G.O.

Le Palais des Nations a enregistré une première contestation hier, celle des prisonniers palestiniens libérés qui ont été invités pour parler de ce qu’ils ont enduré chez les Israéliens. « Nous aurions aimé intervenir dès l’ouverture des travaux », a demandé un d’entre eux à Belkhadem tout au début des travaux. « Je m’attendais à ce qu’on intervienne en premier mais ça n’a pas été le cas, nous demandons alors que ce congrès ne soit pas qu’un simple discours », nous a déclaré Imane Nafaâ, emprisonnée pendant 10 ans. Elle a déclaré défendre la cause de tous les prisonniers palestiniens dont Naïl El Barghouti qui l’est depuis 33 ans aux côtés de Merouane (depuis 32 ans). « Qu’ils nous reconnaissent en tant que prisonniers politiques et qu’ils enquêtent dans la prison israélienne secrète 1391 et les causes de la mort des prisonniers là-bas », dit-elle. Pour Imane Nafaâ, « l’intervention des Etats a plus de force que celle de la société civile ». Elle dénonce « les conditions de détention à l’origine de nombreux cancers chez les prisonniers ». Amdjed Abouaas, responsable du comité de soutien des prisonniers palestiniens, fait savoir à la presse qu’il existe 7200 prisonniers dont 37 femmes et estime que « les prisonniers ont combattu à la place des Nations ».

Les prisonniers palestiniens libérés présents à Alger espèrent que le symposium du FLN permette l’internationalisation de la question des prisonniers en Israël pour qu’elle devienne la cause du monde arabe et occidental. « Le monde arabe a échoué devant Israël qui les considère comme des numéros », a dit l’un d’entre eux. Pour venir en Algérie, « nous avons subi des interrogatoires des Israéliens et des services jordaniens, chacun se comporte avec nous comme si nous étions des terroristes », affirme un autre.

George Galloway nous dira en marge des travaux que « l’Algérie est une place pour atteindre beaucoup de choses à la fin de cette conférence ». Pour lui, « l’Algérie connaît plus que tous la réalité et la résistance du peuple palestinien ». Il se dit content que « l’Algérie organise un tel événement » et reprend les propos de Bouteflika alors ministre des AE. « Il ne savait pas que le temps allait être aussi long », lance Galloway qui note que « l’Algérie n’a pas oublié la cause palestinienne. J’espère qu’après cette confér ence, les choses vont changer.»