Immigration clandestine: Les raisons de la fermeté algérienne

IMMIGRATION CLANDESTINE

Les raisons de la fermeté algérienne

Le Soir d’Algérie, 5 février 2017

La complexité du dossier des réfugiés, subsahariens en particulier, a fini par mettre Alger dans une position très inconfortable. Critiquées pour ses opérations de rapatriement répétées, accusées de fermer les yeux devant certaines catégories de migrants, les autorités tentent, coûte que coûte, d’assainir une situation devenue trop encombrante, trop périlleuse dans une Algérie frappée de plein fouet par une crise économique sévère.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – En fait, et selon des sources bien au fait du dossier consacré aux immigrés, le sujet figure parmi les affaires prioritaires au sein du gouvernement. La stratégie en place semble se jouer sur deux points : réduire au minimum la présence de réfugiés en rapatriant les personnes en situation illégale et mettre autour des zones d’accès au pays une ceinture de surveillance plus corsée. Une consigne récemment donnée pour renforcer le système de surveillance aux frontières pour faire barrage à l’afflux continue des populations africaines a été très rapidement mise en application et ses résultats annoncés par un canal inattendu. L’affaire remonte à quelques jours à peine. Le ministère de la Défense, qui limitait jusque-là ses communications publiques au terrorisme et à la contrebande, annonçait l’arrestation de plus d’une quarantaine de migrants africains qui tentaient de s’introduire illégalement dans le pays. Le même communiqué révélait en outre que ces personnes avaient été présentées devant le procureur de la République. L’arrestation a eu lieu aux frontières sud du pays, point de passage premier des réfugiés africains venus de nombreux pays en proie à de grandes difficultés internes. La diffusion de cette information confirme, soutient notre source, que «la campagne de dénigration lancée au lendemain du rapatriement de plus de trois cents Subsahariens vers leur pays d’origine n’a en rien affecté la volonté algérienne de régler au plus vite le dossier des immigrés chez nous». Il y a plus d’un mois, les autorités algériennes, avaient en effet, ordonné la reconduction de tous les Africains en situation irrégulière suite à des évènements survenus dans un quartier de Dély-Brahim. Dénonçant l’existence de scènes de vie et de mœurs contraires aux traditions algériennes au sein de la communauté africaine établie dans cette localité, des habitants du quartier avaient attaqué les réfugiés à coups de pierres et en pleine nuit. Sans l’intervention immédiate des éléments du poste de gendarmerie mitoyen avec le refuge africain, d’énormes dégâts humains auraient pu découler d’une révolte qui n’en est pas à son premier épisode. A Tamanrasset, Ouargla, Béchar et bien d’autres wilayas encore, des scènes de révolte similaires sont observées depuis un certain nombre d’années. Des morts et des blessés graves ont même été enregistrés à Béchar et Ouargla. Là où ces évènements ont éclaté, la population algérienne, souvent accusée de racisme, a réclamé des autorités compétentes le transfert des réfugiés vers d’autres lieux. Revendication toujours acceptée par ces mêmes autorités qui ont fini par décider de régler définitivement le dossier. La dernière opération de rapatriement en date (menée il y a plus d’un mois) a été cependant jugée musclée et décriée par des organisations de protection des droits de l’Homme qui rapportaient des témoignages révélant des atteintes aux valeurs humaines. Alger s’était expliquée en mettant en avant l’existence de comportements et d’une agressivité peu appréciés tant par les autorités que par les citoyens (attaques perpétrées contre des éléments du Croissant-Rouge par exemple). Dans un communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères avait également tenu à préciser que l’opération visait uniquement les personnes en situation irrégulière.
Les critiques n’ont en rien freiné l’opération «d’assainissement du dossier», poursuit notre source. Au contraire, des consignes destinées à continuer à répertorier les sans-papiers ont été transmises aux services compétents. L’entreprise n’est pas si évidente. Le dernier bilan officiel, fourni par l’actuel chef du gouvernement, portait à 20 000 le nombre de migrants clandestins en Algérie. Le chiffre avait été alors fourni à l’APN dans une réponse lue en son nom par le ministre chargé des Relations avec le Parlement. Sellal avait fait savoir que l’immigration clandestine était une source de préoccupation majeure des autorités «notamment sur les plans sécuritaire, sanitaire et du travail au noir». Depuis, le chiffre avancé semble avoir été nettement revu à la hausse et les organisations humanitaires vont jusqu’à déclarer que près de 100 000 migrants clandestins ont été recensés à travers le pays. Venues du Mali, du Niger, de la Guinée, du Liberia, du Cameroun ou de la côte ouest d’Afrique, des familles entières ont fui des zones de guerre, de misère trop intense en traversant, au péril de leur vie, des espaces désertiques à la recherche de terres plus clémentes. Le renforcement du système de surveillance en Tunisie, la précarité de la situation en Libye ont fait de l’Algérie l’un des pays les plus attrayants et considéré comme l’un des Etats les plus stables de la région. «Cette image a modifié le comportement des réfugiés envers l’Algérie, apprend-on auprès des personnes chargées du dossier. Auparavant, les immigrés utilisaient notre pays comme étape de transit vers l’Europe, mais à ce niveau, la fermeture des frontières a tout modifié. Les réfugiés s’installent carrément chez nous, nous sommes devenus une terre d’immigrés, au grand bonheur des Européens qui se sont débarrassés, il faut le dire, d’un problème épineux. L’Europe est en crise actuellement, malheureusement, cette crise a fini par nous frapper nous aussi et il faut faire face à ce dossier avec le moins de dégâts possibles. C’est pour cette raison que les personnes ciblées sont celles en situation irrégulière. Le problème est que les migrants tentent tous de se faire passer pour des Maliens ou des Nigériens avec lesquels l’Algérie détient des conventions qui consistent à admettre une présence irrégulière ne dépassant pas les 90 jours. Période après laquelle les concernés se doivent de régulariser leur situation. Dans les faits, cela ne se produit pas. Le plus grave est que dans le lot, on retrouve des trafiquants, des personnes qui versent dans le commerce des mauvaises mœurs, de la drogue. Nous avons eu affaire à des situations très graves telles que des trafics de faux billets. Tant de problèmes ajoutés à ceux auxquels les autorités font face actuellement. Le traitement de ce dossier fait partie intégrante de la recherche du maintien de la stabilité du pays.»
A. C.