Mali : Les groupes armés passent aux attaques suicides

Mali : Les groupes armés passent aux attaques suicides

par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 23 février 2013

En dépit des déclarations triomphalistes de l’armée française, la situation au nord du Mali demeure confuse, et les combats se poursuivent dans et autour des grandes villes du Nord, notamment à Gao, Tombouctou ou Tessalit. Les groupes islamistes restent en fait toujours présents près de ces villes, qui n’ont pas été jusqu’à présent conquises définitivement par les soldats maliens, appuyés par l’armée française.

La tâche est devenue d’autant plus difficile que les groupes islamistes affiliés à Al Qaida ou au Mujao, ont opté pour la guérilla urbaine. Une tactique faite d’attentats suicides, à la voiture piégée. Hier vendredi, un autre attentat suicide à la voiture piégée a donc visé une base du MNLA (Mouvement national de Libération de l’Azawad), un groupe rebelle touareg laïc, à Inhalil, près du bourg de Tessalit. L’attentat visait vraisemblablement les éléments du MNLA.

L’attentat suicide a été commis à l’aide de deux voitures piégées conduites par deux kamikazes. A Inhalil, à l’aube, «deux véhicules kamikazes ont explosé visant des civils et des combattants du MNLA. Il y a eu trois morts, et plusieurs blessés dans les rangs du MNLA et parmi les civils», selon une source sécuritaire malienne. Une source sécuritaire malienne a indiqué que «les terroristes ont toujours affirmé qu’ils combattraient les forces françaises et leurs alliés, c’est ce qui s’est passé à mon avis». Selon un responsable du MNLA, à Ouagadougou, Ag Assaleh, les deux véhicules piégés ont explosé dans une base du MNLA à 05H30 (locales et GMT) à Inhalil, près de Tessalit, à la frontière algérienne». «Les deux kamikaze sont morts et dans nos rangs il y a trois morts et quatre blessés graves», a-t-il ajouté. Pour lui, c’est le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui est à l’origine de cet attentat. Signe également de changement de tactique des groupes d’Aqmi et du Mujao, l’attentat de jeudi à Kidal (1.500 km au nord-est de Bamako), où un véhicule a explosé près d’un camp de militaires français et tchadiens, tuant son conducteur. «D’autres explosions auront lieu sur tout notre territoire», a alors souligné le porte-parole du Mujao, Abu Walid Sahraoui.

Ces attaques semblent viser les groupes touaregs alliés à la France et aux militaires maliens. Un porte-parole de l’armée française, interrogé sur une éventuelle collaboration avec le MNLA, a déclaré jeudi «se coordonner» effectivement avec «les groupes qui ont les mêmes objectifs» que Paris. Le MNLA, qui avait lancé une offensive, en janvier 2012, dans le nord du Mali contre l’armée malienne, avec les groupes islamistes armés, en avait très vite été évincé, par eux, des grandes villes de Gao, Tombouctou et Kidal. Il est réapparu à Kidal et Tessalit, à la faveur de l’intervention française contre les groupes d’Aqmi et du Mujao, ainsi que du mouvement rebelle touareg d’obédience islamiste, Ansar Dine, qui lui est arrivé à moins de 400 km de la capitale malienne, Bamako, et débouté lors de l’intervention française qui avait débuté le 11 janvier dernier.

OPERATION «PANTHERE IV»

L’armée française a lancé, depuis mardi, une vaste opération de recherches et de neutralisation des groupes islamistes qui se seraient retranchés dans les massifs de l’Adrar des Ifoghas, une vaste région désertique ponctuée de montagnes. L’opération «Panthère IV» s’inscrit dans le cadre de l’intervention française au Mali, l’opération « Serval ». Elle a officiellement commencé mardi, le jour de la mort d’un soldat français à 50 km de la ville de Tessalit. « On va aller au plus loin, au plus profond », selon un officier français à Bamako. Au moins 150 soldats français et maliens ont participé, selon l’état-major français, au « lancement de l’opération », sans précisions sur le nombre de l’effectif total mobilisé. Le président français, François Hollande a affirmé que l’opération «Panthère IV» constituait la dernière phase» de l’intervention française au Mali. Sans préciser combien va durer cette phase.

BATAILLES A GAO, LES ECOLES DESERTEES

A Gao, à quelque 350 km au sud-ouest de Kidal, des accrochages à l’arme légère et lourde étaient signalés, hier vendredi, au lendemain de violents combats entre des soldats français et maliens et des combattants islamistes qui ont subi de lourdes pertes.

Les coups de feu ont eu lieu, en divers endroits de Gao, dont le centre où des snipers islamistes sont positionnés sur les toits, notamment sur celui du marché principal, selon une journaliste. Entre quinze et vingt islamistes ont été tués, deux soldats français «très légèrement blessés» et «quatre soldats maliens auraient été blessés», au cours des combats jeudi, selon l’armée française. Ces combats se sont concentrés dans le centre-ville, près de la mairie et du palais de justice, en grande partie détruits, précisent des correspondants de presse. Mais, selon un militaire malien, il y a dans les décombres de ces bâtiments de «nombreux» corps de combattants jihadistes qui portent des ceintures d’explosifs et tiennent à la main des grenades dégoupillées, ce qui rend leur évacuation délicate. Les alentours des deux bâtiments sont minés et les soldats maliens attendaient vendredi, les démineurs de l’armée française.

Le Mujao, un des groupes islamistes les plus actifs, a affirmé avoir envoyé des combattants dans la ville de Gao pour la «libérer des mécréants». Il a affirmé que «la bataille» ne faisait «que commencer» pour reconquérir Gao, Kidal et Tombouctou, les trois grandes villes du nord malien. Mais, à côté de la « guerre des sables» au Mali, des évènements terribles d’une autre nature s’y déroulent, selon l’ONU, qui a fait état vendredi «d’informations terrifiantes» sur des «atrocités» commises dans le nord du Mali. « Du nord, nous avons entendu des informations effrayantes, faisant état de violations des droits de l’homme, de recrutement d’enfants et de violences sexuelles en hausse », a souligné le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU. En outre, quelque 700.000 enfants ont dû interrompre l’école et une école sur trois ne fonctionne pas, dans le nord, selon l’Unicef. Pour le chef du CICR au Mali et au Niger, Jean-Nicholas Marti, la situation au Mali est loin d’être stable. «Contrairement à ce que certains auraient pu imaginer, à la suite de la reprise des villes principales par l’armée française et l’armée malienne, la situation n’est pas du tout stable, calme», a-t-il déclaré. Pour lui, les attaques suicides risquent de perdurer, et la «situation actuelle n’est pas propice au retour des populations».