L’OTAN prolonge sa mission en Libye: la tentation d’une intervention au sol

L’OTAN prolonge sa mission en Libye: la tentation d’une intervention au sol

Yassin Temlali, Maghreb Emergent, 01 Juin 2011

En prolongeant de trois mois supplémentaires sa « mission militaire en Libye », l’Alliance atlantique admet tacitement l’enlisement du conflit. En dépit de la destruction d’une partie considérable du potentiel des troupes du colonel Kadhafi, le rapport de forces militaire n’a pas sensiblement évolué en faveur des insurgés. L’usage par les coalisés de moyens de guerre autres que l’aviation se confirme de jour en jour. « The Guardian » a révélé aujourd’hui qu’à Misrata, l’OTAN employait des vétérans des forces spéciales britanniques dans des missions de renseignements.

Le Conseil de l’Atlantique-Nord (CAN), l’instance dirigeante de l’OTAN, réuni mercredi à Bruxelles au niveau des ambassadeurs des Etats-membres, a décidé de prolonger de trois mois supplémentaires la durée de son intervention en Libye, rapportent des agences de presse citant un communiqué du secrétaire général de l’Alliance.

Anders Fogh Rasmussen a estimé que par cette décision, l’OTAN signifiait au gouvernement libyen sa détermination à « remplir le mandat des Nations unies » et adressait au peuple libyen un message de soutien et de solidarité. « Nous sommes unis pour vous assurer que vous pourrez bâtir votre propre avenir. Et ce jour se rapproche », a-t-il conclu son adresse aux Libyens.

La prorogation de la mission atlantique en Libye est un aveu tacite de ce que deux mois et demi d’intenses bombardements des positions des forces gouvernementales et des infrastructures civiles e militaires libyennes se sont avérés insuffisants pour accélérer l’avancée de la rébellion vers Tripoli et convaincre Mouammar kadhafi de renoncer au pouvoir.

De retour de Tripoli où il avait rencontré le dirigeant libyen, le président sud-africain Jacob Zuma a déclaré hier que celui était bien disposé à appliquer la feuille de route de l’Union africaine (un cessez-le-feu suivi d’une période de transition conduisant à des élections) mais qu’il n’était pas pour autant prêt à quitter la Libye.

Comme au début du conflit, les autorités libyennes agitent la peur d’une guerre civile ravageuse si le vieux chef d’Etat abdique. « Un départ de [Kadhafi] est le pire scénario […] S’il disparaît, la soupape de sécurité disparaîtra », a mis en garde le porte-parole du gouvernement, Moussa Ibrahim, commentant un appel au dirigeant libyen à démissionner, lancé hier depuis Benghazi par le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini.

Des vétérans des forces spéciales britanniques à Misrata

L’intervention de l’OTAN en Libye a franchi un nouveau cap avec l’annonce du déploiement d’hélicoptères dans le ciel libyen présenté par Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, le 23 mai comme « entrant exactement » dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle en a franchi un autre avec la confirmation de l’emploi sur le sol libyen de troupes terrestres, britanniques et françaises.

Citant des sources militaires, « The Guardian » a révélé aujourd’hui que des vétérans des forces spéciales britanniques, engagés par des sociétés de sécurité privées, sont présents à Misrata, à l’ouest de la Libye. Ils conseillent les rebelles et fournissent des informations à l’OTAN, ajoute le quotidien, précisant qu’ils font parvenir au commandement de l’Alliance des renseignements sur la localisation et les mouvements des troupes gouvernementales.

Sans avoir jamais été démentie, la presse française a évoqué à plusieurs reprises la mobilisation d’homme des troupes spéciales françaises aux côtés de l’insurrection. Le 23 mai, « Le Figaro » a rappelé qu’ils avaient été dépêchés en Libye « dès le début di conflit » et a énuméré leurs missions : repérage des cibles et guidage des chasseurs et, bientôt, des hélicoptères qui ne devraient pas tarder à entrer en action.