Campagne électorale : Les TV privées pointées du doigt

Campagne électorale : Les TV privées pointées du doigt

El Watan, 13 avril 2017

Critiquées par certains partis pour leur «parti pris» et complimentées par d’autres pour leur «professionnalisme», les chaînes de télévision privées consacrent un large créneau horaire à la couverture de la campagne électorale et multiplient les émissions thématiques et les débats.

Elles restent majoritairement très récalcitrantes, pour ne pas dire totalement opposées aux partisans du boycott et d’une manière pernicieuse plus proches des partis de l’alliance gouvernementale (RND-FLN-TAJ et MPA). Les chaînes de télévision privées se sont mises à l’heure des élections législatives. Les plateaux consacrés aux débats sur la question se multiplient et occupent une large tranche horaire, sans compter les journaux télévisés qui ponctuent la journée. De loin, tout paraît dans les normes.

Mais il suffit de suivre de près le contenu des couvertures pour se rendre compte de l’impartialité qui transparaît dans les débats. Les partis de l’alliance gouvernementale, FLN-RND-TAJ-MPA, semblent être prioritaires, puisque leurs responsables occupent l’ouverture de chaque JT et bénéficient d’équipes de journalistes et de cameramen pour les accompagner partout où ils vont tout au long des 21 jours de la campagne électorale.

Certaines chaînes font l’effort de montrer leur souci d’équité en consacrant une minute, chronométrée en direct, à chaque candidat, mais elles sont trahies par les images qu’elles diffusent, montrant des salles pleines ou vides, selon l’angle de prise de vue. «Une manipulation», diront les spécialistes, mais aussi des responsables de quelques formations politiques qui voient dans «cette partialité pernicieuse» une atteinte «au principe de l’équité et du service public». Athmane Mazouz, du RCD, est catégorique.

Durant les quatre premiers jours de la campagne électorale, les chaînes privées «étaient loin» de la partialité. «En dehors de quelques-unes, ces chaînes ne couvrent pas notre campagne. Heureusement qu’il y a les journaux privés et les réseaux sociaux sur lesquels nous comptons beaucoup». Pour M. Mazouz, «à quelques exceptions près, le travail des chaînes privées n’est pas du tout professionnel. Elles sont là parce que le pouvoir a besoin d’elles. Il ne veut pas de la liberté d’expression.

C’est cela le vrai problème des médias privés…». Le même avis est partagé par Abdelaziz Belkaïd, membre du madjliss échoura (conseil consultatif) du MSP. «Ces chaînes favorisent les partis d’‘‘Al Moualate’’ (l’Allégeance, Ndlr). Leur couverture est très pernicieuse. Lors des journaux télévisés, elles commencent toujours par les activités des présidents du FLN, du RND, de TAJ et du MPA, puis terminent en un laps de temps avec le reste des formations politiques. Elles ne couvrent pas de la même manière les meetings alors qu’elles font un service public qui les oblige à prendre la même distance avec tous les partis», déclare Belkaïd.

Selon lui, «il y a un parti pris flagrant en faveur des formations de l’alliance présidentielle». D’autres partis politiques ne partagent pas cet avis. Ils reconnaissent «quelques défaillances» qu’ils préfèrent mettre sur le compte de la «l’apprentissage» et «du manque de moyens». C’est d’ailleurs l’avis de Wafi Abdelaziz, porte-parole de la direction de campagne du Front Al Moustakbal, que dirige Abdelaziz Belaïd.

«Certaines chaînes ont désigné des équipes qui nous accompagnent partout et d’autres sont carrément absentes parce qu’elles n’ont pas les moyens d’envoyer du personnel et de dégarnir leur rédaction. Elles ne couvrent pas tout et nous consacrent à peine quelques minutes….», dit-il. Il rejoint ainsi l’avis de Nabil Yahiaoui, porte-parole du parti TAJ, de Ammar Ghoul, qui trouve «positive» la couverture médiatiques des chaînes privées. «Elles font un travail satisfaisant.

C’est à leur honneur, parce qu’en tant que télévisons privées, elles avaient le droit de choisir les partis avec lesquels elles veulent travailler, mais aussi de limiter les créneaux horaires consacrés à la campagne. Or, elles se sont mises sur un pied d’égalité avec les chaînes publiques en respectant le cahier des charges», déclare Yahiaoui. Pour lui, «ce sont des acquis qu’il faut saluer, même s’il y a eu des omissions ou des erreurs.

C’est leur première expérience. C’est tout à fait normal qu’il y ait des erreurs. Nous sommes satisfaits de leur travail.» Abondant dans le même sens, Djelloul Djoudi du PT (Parti des travailleurs), qualifie lui aussi le travail des chaînes privées de «satisfaisant». D’après lui, «à l’exception de quelques-unes qui n’ont pas les moyens, toutes couvrent les meetings de manière correcte.» Belkacem Sahli de l’ANR (Alliance nationale républicaine), estime quant à lui que, «globalement, la couverture médiatique privée a été correcte durant cette première semaine de la campagne électorale».

Il ajoute : «Il y a les meetings, mais également les émissions de télévision où de nombreux partis sont invités et ont la possibilité de s’exprimer de manière équitable.» Sahli précise cependant que «le manque de moyens de beaucoup de chaînes les a privées d’être sur tout le territoire national et dans toutes les activités de la campagne. Les émissions de télévision sont malheureusement animées par des journalistes souvent de niveau assez bas, ce qui ne favorise pas un débat fructueux. Les professionnels de ces médias doivent investir dans la formation des journalistes…».

Candidat et cadre dirigeant du MPA (Mouvement populaire algérien), Djamel Maafa, journaliste, qualifie de «professionnel», le travail des chaînes privées. «Jusqu’à aujourd’hui, aucune remarque n’est à faire.» Le président du MPA est accompagné dans ses meetings par sept chaînes de télévision entre privées et publiques. «Certaines ont les moyens de couvrir les activités de nombreux partis, mais pour d’autres cela n’est pas le cas. Elles se limitent à des résumés…», relève le journaliste.

Salima Tlemçani