Législatives : Les candidats défendent leurs projets économiques

Législatives : Les candidats défendent leurs projets économiques

El Watan, 20 avril 2017

La campagne électorale s’accélère et le «folklore» bat son plein. Les candidats tentent de persuader, à l’affiche, un programme économique. Tout le monde, ou presque, parle de l’économie productive.

«Les problèmes économiques de la wilaya d’Oran ne diffèrent pas de ceux des autres régions du pays. Au lieu de rester dans l’import-import, nous devons inciter les importateurs et les hommes d’affaires à investir dans l’économie productive», suggère Rabah Lounici, professeur d’histoire à l’université d’Es Senia d’Oran et tête de liste du Front des forces socialiste (FFS) dans la même wilaya.

Dans les programmes des législatives, beaucoup de candidats reviennent souvent sur ce concept d’économie productive. Cette orientation, qui vise à sortir de la dépendance au pétrole, est aussi l’une des réformes que tente d’imposer le gouvernement, notamment depuis la chute des prix du baril. Abdelmalek Sellal l’avait aussi annoncé durant sa visite récente à Djelfa.

«Nous devons investir dans l’économie productive», a-t-il insisté. Rabah Lounici appelle à s’inspirer du modèle chinois. «L’économie productive passe par la construction d’usines qui créent des richesses et des postes d’emploi. Mais ce n’est pas tout, notre crise est tellement profonde qu’il faut revenir à la base.

Elle est celle du sous-développement en matière de recherche scientifique et technologique. Il faut redonner la valeur au scientifique et encourager la recherche», se défend le professeur. Plus au sud, à Béchar plus exactement, M’barek Belaïdi, syndicaliste de l’Unpef et tête de liste de l’Union pour la renaissance, la justice et la construction (URJC), alliance islamiste née de la fusion des partis Ennahda, El Binaa et FJD, est du même avis que le professeur Rabah Lounici.

«Béchar regorge de matières premières. Nous avons du bright, du fer, du magnésium, de la chaux et du ciment. En les exploitant, nous pouvons atteindre notre autosatisfaction en la matière, sans compter les retombées économiques et les postes d’emploi que cette politique économique va engendrer. Il faut penser aussi à l’énergie solaire comme nouveau modèle énergétique dans nos régions. C’est ainsi que nous pouvons aller vers une économie productive et en finir avec la dépendance au pétrole», explique le candidat de l’URJC.

Dégringolade

Béchar est une wilaya connue aussi pour ses régions touristiques dont Taghit et Béni Abbès, deux paradis terrestres convoités notamment par les touristes à majorité algérienne durant les fêtes de fin d’année. Ce secteur, qui constituait la principale ressource des habitants de ces deux régions, a connu une dégringolade flagrante depuis quelques années. Ici, les touristes notamment les étrangers se font de plus en plus rares. La situation sécuritaire inquiétante au Sahel pourrait en être la cause. Mais M’barek Belaïdi semble d’un autre avis.

Pour lui, c’est le gouvernement qui «a failli dans sa politique touristique». «Dans nos régions sahariennes, le touriste n’a pas besoin d’hôtels chic ou de palais royaux, mais de savourer tout simplement le quotidien avec les gens de la région, le partager avec eux. Nous manquons de structures traditionnelles et de politique touristique réelle. Nous devons encourager cette vision populaire et traditionnelle du tourisme. Malheureusement, l’Etat n’a même pas pris la peine de rénover nos ksour, ce qui explique son manque de volonté à relever ce secteur dans notre wilaya au potentiel très important en la matière», dénonce-t-il.

La formation du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) opte, elle, pour un nouveau départ en Algérie, notamment sur le plan économique. Sa tête de liste à Tizi Ouzou, le jeune Yassine Aissiouane, ingénieur en génie mécanique de formation, explique : «On ne peut parler de développement économique sans avoir au préalable régler la question du politique.» «La légitimité du pouvoir politique est la base du nouveau départ que propose le RCD.

L’illégitimité des pouvoirs successifs depuis l’Indépendance et les fraudes électorales ont ruiné le pays sur le plan politique, économique, social et culturel. La corruption, érigée en mode de gestion, a fini par anéantir la culture de l’effort qui est à l’origine de toute économie performante et de l’émancipation sociale. L’Algérie ne peut se permettre un autre échec», prévient-il.

Gestion

La tête d’affiche du RCD à Tizi Ouzou propose toute une panoplie de solutions détaillées et concrètes, mais en résumé, ces dernières tournent autour de la considération des richesses hors pétrole et la réforme de l’économie fiscale, à travers une gestion rigoureuse et intelligente sur le plan local. «La chute brutale du pétrole remet à l’ordre du jour l’urgence de l’assainissement des finances publiques. Il s’agit, d’une part, de bâtir progressivement le budget de l’Etat autour des richesses produites et non plus de l’extraction de ressources naturelles non renouvelables et, d’autre part, rationaliser les dépenses publiques.

Cela nécessite de reconsidérer le système fiscal actuel, c’est-à-dire remettre en cause les taxations et impositions arbitraires et injustes et observer le principe constitutionnel de l’égalité de tous devant l’impôt», défend Yassine Aissiouane. Même si les idées convergent, les candidats proposent au final des solutions différentes selon le contexte, le projet, l’orientation politique ou la région de représentation. Chafia Mentalecheta, député sortante de la diaspora en France et tête d’affiche de la liste indépendante «L’Algérie pour tous», insiste sur «la “favorisation“ des partenariats avec l’étranger et l’encouragement des petites et moyennes entreprises».

«Il nous faut une vraie politique de lutte contre l’informel, la corruption et la bureaucratie. Il faut aussi libérer les initiatives des PME/PMI. Ce sont elles qui sont créatrices d’emploi. Il faut aussi développer les pépinières d’entreprises, mettre en place un accompagnement personnalisé et non bureaucratique des créateurs d’entreprises et une politique réelle de coproduction avec un taux important d’intégration avec les partenaires étrangers», propose-t-elle.

Comme plan de sortie de crise, la députée sortante qui pour rappel, était la seule des députés de la diaspora à boycotter la nouvelle Constitution, notamment son article 51 qui «réduit les droits des binationaux», appelle «à appuyer les jeunes en matière de formation et à créer davantage de nouvelles entreprises dans les différents domaines industriels». «Il faut renforcer le pouvoir d’achat en permettant de créer des emplois via les entreprises PME/PMI.

Nous avons besoin aujourd’hui 2 millions de nouvelles entreprises. Il faut revoir la politique de subvention qui sert aujourd’hui plus aux riches qu’aux familles en difficulté. Ce n’est pas suffisant, car il faut aussi développer l’apprentissage pour les jeunes en leur accordant un vrai statut de travailleurs avec des conditions dignes de formation et redonner à l’école ses lettres de noblesse pour former les citoyens de demain», suggère-t-elle.

Fédéralisme

La réflexion des candidats concernant les solutions économiques à proposer aux citoyens dépend aussi d’autres paramètres. Certaines (solutions) d’entre elles sont d’ordre national, comme elles peuvent être régionales ou locales. La tête d’affiche de la liste indépendante «Initiative citoyenne» de la wilaya de Béjaia, Braham Bennadji, est, lui, axé sur sa wilaya Béjaia. P/APC de Tinebdar, Braham Bennadji défend le modèle fédéral et appelle à la fédéralisation pour en finir avec le centralisme politique en Algérie.

«Nous devons revenir aux clauses de l’Assemblée de la Soummam et au modèle tracé par Ramdane Abane et ses camardes de lutte. Pourquoi ont-il divisé l’Algérie en 6 régions ? Seul ce modèle peut nous permettre une gestion florissante, en exploitant réellement les ressources de notre région. Nous préservons le drapeau algérien, l’armée et la monnaie qui sera unique, mais nous voulons disposer d’un gouvernement et d’un parlement local», explique-t-il.

Les raisons qui ont poussé le candidat de «Initiative citoyenne» à réfléchir à ce modèle sont multiples. Il déplore en premier, dans son argumentation «les blocages de l’administration et les obstacles que subissent les entrepreneurs et les hommes d’affaires de sa wilaya», «cause directe» selon lui, de la situation économique que vit cette partie de la Kabylie. «La wilaya de Béjaïa, qui a eu le statut de wilaya en 1974, est toujours considérée comme wilaya déléguée. Aucune direction n’est à Béjaïa.

Cette dernière dépend des autres wilayas du pays. Et pour vous donner un exemple : Béjaïa dépend de la direction des douanes de Sétif, et de Constantine pour celle (direction, ndlr) du tourisme, etc. Ce n’est pas normal. Raison pour laquelle nous demandons à ce qu’elle regagne son statut de wilaya», fait remarquer Braham Bennadji.

Connue surtout pour sa filière agroalimentaire, la première du pays avec notamment Cevital et les entreprises agroalimentaires d’Akbou, Béjaïa garde en elle apparemment des secrets que Braham Bennadji tient à dévoiler. «Le gouvernement refuse encore de considérer la zone industrielle d’Akbou comme telle.

Elle est à ses yeux une zone d’activité, alors qu’elle souffre du mal de la bureaucratie et du blocage de l’administration. On dirait que nous ne vivons pas dans la même République. Le pouvoir nous marginalise et bloque nos investissements. C’est la raison pour laquelle nous avons pensé que seul le fédéralisme peut nous sortir de cette crise et cette impasse en termes de gestion et d’économie», dira le maire de Tinebdar et candidat aux prochaines législatives pour la wilaya de Béjaïa.

Meziane Abane