Diplomates enlevés en Irak: Enlèvement sur ordonnance

Enlèvement sur ordonnance

El Watan, 27 juillet 2005

L’Algérie contrarie-t-elle à ce point les desseins macabres d’Al Qaîda pour que le sort des deux diplomates enlevés à Baghdad soit scellé de manière aussi expéditive ?

Exception faite du diplomate égyptien enlevé et exécuté en un tournemain, jamais les preneurs d’otages n’ont réservé un « procès » aussi expéditif à leurs suppliciés comme le furent les deux diplomates algériens où le verdict de leur condamnation est tombé moins d’une semaine après leur kidnapping. Même les otages occidentaux et ceux originaires des pays qui disposent en Irak de contingents militaires envoyés dans le cadre le force multinationale lesquels étaient supposés représenter des cibles potentielles de par leur nationalité n’ont pas connu un tel traitement de la part de leurs ravisseurs. Leur captivité a duré de longs mois avant qu’ils ne soient exécutés ou libérés, pour les plus fortunés d’entre eux, quelques rares rescapés qui ont échappé miraculeusement à la lame de leurs bourreaux. Y a-t-il une « logique », une explication rationnelle à l’acharnement mis par les auteurs du rapt et leurs commanditaires dans le traitement de cette affaire en n’accordant aucune circonstance atténuante aux deux diplomates et en ne laissant aucune chance à la diplomatie de faire son travail comme il est de tradition en pareilles circonstances ? Il est quand même étonnant, connaissant les méthodes des preneurs d’otages en Irak de quels que bords qu’ils puissent être, qu’aucune exigence n’ait été exprimée par le groupe à l’origine de l’enlèvement des deux diplomates algériens, un rapt revendiqué par le réseau Al Qaîda de Zarqaoui dans un communiqué non identifié diffusé via Internet. Toutes les prises d’otages enregistrées en Irak depuis le début de la crise, qu’elles se soient bien ou mal terminées, eurent leur lot de négociations, de surenchères et de revendications où les exigences de départ des troupes des pays engagés militairement en Irak se mêlaient à d’autres conditions liées aux positions de ces mêmes pays ciblés par les preneurs d’otages face à d’autres conflits au Moyen-Orient et en Afghanistan entre autres. L’Algérie n’a ni troupes en Irak et ses positions sur la question palestinienne ne souffre pas d’équivoque. De quels crimes sont alors accusés les deux diplomates algériens enlevés et à travers eux l’Algérie pour mériter un « châtiment » aussi exemplaire ? Une telle réaction n’a même pas été observée face à d’autres parties qualifiées de « croisées » lesquelles sont censées pourtant ne devoir bénéficier d’aucune pitié aux yeux d’un mouvement dont l’idéologie nie jusque leur droit même à l’existence. Si c’est la présence diplomatique de l’Algérie et son soutien au gouvernement en place qui dérangent les auteurs du kidnapping des deux diplomates algériens et leurs sponsors, pourquoi aucune revendication n’a été exprimée dans ce sens ? Libre aux autorités algériennes par la suite d’apprécier d’une manière ou d’une autre cette demande, de l’accepter ou de la rejeter comme l’avaient fait d’autres pays qui sont passés par la même épreuve. L’intrusion dans le « débat » du GSpc qui s’est empressé de féliciter Al Qaîda pour l’enlèvement des diplomates algériens en demandant hier aux ravisseurs de cuisiner de façon plus approfondie leurs otages accusés d’être des agents des services secrets algériens pour leur soutirer des informations confidentielles jette une lumière crue sur les tenants et les aboutissants de ce kidnapping. Même si l’ordre de l’enlèvement n’est pas venu du Gspc, il n’est pas étonnant que l’idée n’ait pas été inspirée par ce mouvement. N’ayant pas les moyens pour réaliser un coup médiatique aussi retentissant sur son théâtre d’opération, en Algérie, le Gspc pourrait bien avoir loué les services d’Al Qaîda lequel mouvement à son tour ne pouvait pas lui refuser ce coup de main en guise de dette d’allégeance. Un enlèvement sur ordonnance ou par correspondance en quelque sorte.

Bensalem Sofiane