La « société civile » algérienne a parlé et se demande si elle sera écoutée

La « société civile » algérienne a parlé et se demande si elle sera écoutée

Farouk Djouadi, Maghreb Emergent, 16 Juin 2011

Les travaux des états généraux de la société civile se sont clôturés cet après-midi après trois jours de débats houleux. Les 1100 participants sont sortis avec des dizaines de recommandations, dont ils ne semblaient pourtant pas si assurés de leur prise en charge par le gouvernement et le chef de l’Etat.

 

Le premier atelier, qui regroupe des organisations patronales dont le FCE, des syndicats et des universitaires, a suggéré de mettre en place une fonction de médiateur à un niveau «suffisamment élevé» pour transmettre les doléances des entrepreneurs à l’administration. Il a été proposé aussi de supprimer tout accord ou agrément préalable pour tous les projets qui ne demandent pas le régime de convention. Les membres de cet atelier, qui a élaboré 11 recommandations, ont réclamé l’équité dans le traitement par l’Etat des entreprises publiques et privées.

De son côté, l’atelier dédié au volet social et à la solidarité nationale a proposé l’instauration d’un régime de sécurité sociale au profit des chômeurs et d’un impôt sur les grandes fortunes pour alimenter la Caisse de sécurité sociale. Cet atelier est sorti avec plusieurs recommandations portant prise en charge des individus aux besoins spécifiques.

L’atelier trois, qui a discuté du thème du «dialogue social et la démocratie participative», a mis l’index sur la nécessité «de mettre fin à la mainmise de l’Exécutif sur les pouvoirs législatif et judicaire». On a recommandé également de libérer la société civile en supprimant les agréments nécessaires à la création d’associations et partis politiques.

Les participants de l’atelier dédié à la jeunesse ont suggéré de titulariser tous les employés contractuels dans les postes de travail qu’ils occupent et l’institution d’une allocation pour les chômeurs. Ceci en plus du plafonnement des prix des logements. Des recommandations ont également été faites pour lever les contraintes entravant l’activité des associations.

«Changement systémique et non pas cataclysmique»

Enfin, il a également été recommandé qu’un comité de suivi qui s’occupe de la mise en oeuvre des recommandations issues de ces états généraux soit mis en place. Une proposition que le président du CNES a promis de faire aboutir. Seghir Babes a soutenu, lors de la conférence de presse qu’il a animée à la clôture de ces rencontres, que le président Bouteflika a exprimé toute sa volonté d’aller vers un «changement substantiel». Il a indiqué que la mission du CNES consiste à «résumer les recommandations et à les transmettre au chef de l’Etat». Le président de la République, a-t-il affirmé, «coiffe tout. Il est l’ultime garant» de la concrétisation des recommandations. Le président du CNES a ensuite relevé que ces états généraux ont permis à «toutes les sensibilités de toutes les régions du pays d’exprimer leurs opinions en vue d’un changement pacifique». Cela permet, a-t-il dit, d’opérer «un changement systémique et non pas cataclysmique». Ce point de vue, à quelques nuances près, était partagé par de nombreux participants aux assises. «C’est un événement digne des grandes démocraties», a par exemple estimé Mme Djellouli, la présidente de l’association des Algériens du Languedoc-Roussillon (Montpellier) en France. Pour cette émigrée, les autorités algériennes n’ont pas d’autres choix que de mettre en œuvre les recommandations issues de ces états généraux. «Vu ce qui se passe dans le monde arabe, je pense que les responsables algériens sont dans l’obligation de composer avec les revendications de la société civile et de la population», a-t-elle estimé. De son côté, le représentant de la société des mathématiques d’Algérie, nous a affirmé que la rencontre a eu le mérite de réunir les organisations de la société civile et «si les autorités concrétisent nos recommandations, c’est tant mieux, dans le cas contraire, nous continuerons à travailler sur le terrain».