Les militants du FFS maintenus sous contrôle judiciaire

Présentés devant la chambre d’accusation de la cour de Ghardaïa

Les militants du FFS maintenus sous contrôle judiciaire

El Watan, 25 janvier 2017

Les cinq militants sont accusés de faits graves : «Tentative de renverser le régime», «incitation à prendre les armes», «incitation à la violence et à la haine».

Le feuilleton judiciaire des militants de la fédération du Front des forces socialistes de Ghardaïa ne semble pas connaître son épilogue. Placés sous contrôle judiciaire depuis le 19 décembre 2016 sur ordonnance du juge d’instruction près la cour de Ghardaïa, les cinq accusés ont contesté la décision auprès de la chambre d’accusation et, en même temps, le procureur de la République, lui, a réclamé la mise en détention provisoire.

Présentés hier devant la chambre d’accusation, la cour de Ghardaïa a «coupé la poire en deux», confirmé leur maintien sous le régime de contrôle judiciaire et rejeté la réquisition du procureur. La décision de la chambre d’accusation restreint la liberté de mouvement des cinq militants. L’épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de leurs têtes.

Elle inflige une vie en sursis à des militants politiques et associatifs connus pour leur engagement citoyen et surtout leur implication décisive dans le retour au calme durant les violents événements qu’a connus la vallée du M’zab entre 2013 et 2015. Le FFS a dénoncé, la veille, «une cabale judiciaire qui intervient à la veille des échéances électorales» et a exigé «l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires et la levée de toute mesure visant astreindre la liberté» de ses militants.

Pour rappel, les cinq militants sont accusés de faits graves : «Tentative de renverser le régime», «incitation à prendre les armes», «incitation à la violence et à la haine». Hamou Mosbah qui est également membre de la direction nationale du FFS chargé de la solidarité dénonce une «manœuvre visant à faire taire tous les militants politiques et associatifs qui s’élèvent contre la mafia financière et foncière locale» qui serait, selon lui, «derrière le harcèlement judiciaire».

Il est vrai que le foncier dans la vallée du M’zab est un des enjeux sensibles au centre du conflit violent qui a secoué la région qui demeure sur un brasier tant les autorités politiques n’ont pas eu l’audace de s’attaquer aux multiples causes de la crise, privilégiant des solutions répressives qui ne font que l’aggraver.

C’est le cas avec la mise en détention d’une soixantaine de citoyens de la Vallée depuis 18 mois sans jugement. Un châtiment contre lequel s’élèvent les prisonniers, réclamant leur libération et un jugement rapide et équitable. Kamel Eddine Fekhar, le plus célèbre des détenus, désigné par le gouvernement Sellal comme «le fauteur de troubles», a entamé une grève de la faim au péril de sa vie. Il est à sa troisième semaine. Son état de santé s’est dégradé, ce qui a nécessité son transfert à l’hôpital de Laghouat. Plusieurs militants des droits de l’homme redoutent une fin tragique.

Mise en difficulté, l’administration pénitentiaire d’El Menéa a été contrainte de rendre public un communiqué indiquant que le détenu est «pris en charge médicalement et fait l’objet d’un suivi quotidien et a été transféré le 15 janvier à l’hôpital de Laghouat afin de poursuivre sa prise en charge médicale». Elle n’a pas manqué l’occasion pour charger son avocat Salah Debbouz. Elle «regrette la position de Me Debbouz Salah, qui devrait recommander à son client de mettre fin à sa grève de la faim au lieu d’exploiter son état de santé et d’en faire étalage à travers les médias».

L’avocat contredit la direction de la prison en affirmant qu’il a, à maintes reprises, exhorté son client de suspendre sa grève de la faim. «Mon rôle est de défendre mon client, mais également d’alerter l’opinion publique de la situation qu’il vit, c’est lui qui me le demande», réplique-t-il. Cette situation, qui devient de plus en plus insupportable pour toute la région, ne fait qu’amplifier l’état extrêmement tendu qui y règne et qui recrée les conditions d’une nouvelle vague de violences.

Hacen Ouali


En vertu de l’ordonnance du juge d’instruction

Les militants du FFS maintenus sous contrôle judiciaire

El Watan, 26 janvier 2017

Une délégation de parlementaires (dont un ancien premier secrétaire du parti) et des avocats de plusieurs barreaux se sont rendus mardi à Ghardaïa, pour soutenir et défendre les cinq militants de la fédération du Front des forces socialistes accusés de faits très graves, à savoir «tentative de renverser le régime», «incitation à prendre les armes», «incitation à la violence et à la haine».

Composée de Mohamed Nebbou, ex-1er secrétaire du FFS, d’août 2014 à mai 2016 et député d’Alger, Chafâa Bouaiche, député de Béjaïa, Baya Djemane, députée de Béjaïa, Noureddine Berkaïne, député de Tizi Ouzou, des maîtres Fouad Betka, du barreau de Sétif, Rabah Tounsi, du barreau de Tizi Ouzou, de Kaci Dalila, du barreau de Ouargla, de Abdelhak Mellah, du barreau de Boumerdès, et de Nourredine Ahmine, du barreau de Laghouat, la délégation, réunie au siège de la fédération du Front des forces socialistes de Ghardaïa, sur la mythique place du vieux marché, a organisée un point de presse lors duquel, tour à tour, Hamou Mesbah, secrétaire national chargé de la solidarité, Mohamed Nebbou, Chafâa Bouaiche et Noureddine Ahmine, ont rejetés avec véhémence toutes les accusations portées contre les cinq militants.

«A la veille des prochaines échéances électorales, le pouvoir organise contre nos militants une cabale judiciaire qui ne repose sur aucune preuve. Nos militants sont des gens qui ont, au contraire, contribué activement à l’apaisement», ajoutant : «pour cela, nous utiliserons tous les moyens légaux et pacifiques pour la défense de nos militants qui n’ont absolument rien à se reprocher. Nous irons jusqu’au bout et nous n’aurons de cesse d’exiger l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires et la levée de toute mesure visant à restreindre la liberté de nos militants». De son côté, le fédéral du FFS de Ghardaïa et néanmoins secrétaire national chargé de la solidarité, Hamou Mesbah, s’étonne du timing de ces accusations.

«Les événements ont commencé le 22 novembre 2013, pourquoi tout ce temps pour soi-disant s’apercevoir qu’on a été en marge de la loi ? Non, tout cela est bien monté pour nous dresser des obstacles lors des prochaines élections législatives. Car, qu’on se le dise, le FFS a élargi son assise populaire à Ghardaïa et c’est ce qui dérange certains cercles.

Dans cette région, le FFS dérange beaucoup d’intérêts occultes. D’ailleurs, je me pose la question, où étaient les élus des autres partis pendant la crise ? Seul le FFS est demeuré sur le terrain par le biais de la cellule de coordination et de suivi (CCS), qui a fait un travail remarquable dans le sens de l’apaisement et du retour de la quiétude». Vers 14 heures, destination l’imposante cour de Ghardaïa, sur les hauteurs de la vieille ville.

Après un bref instant, c’est le soulagement, ou du moins à moitié, l’appel du parquet est rejeté, les cinq militants restent astreints au contrôle judiciaire. «On ne pouvait pas espérer mieux, pour l’instant», lâche Nourredine Ahmine, ajoutant : «Nous allons maintenant concentrer nos efforts pour faire abandonner toutes les poursuites contre nos militants, c’est la prochaine étape.» Pour rappel, le 19 décembre 2016, sur ordonnance du juge d’instruction près la cour de Ghardaïa, la chambre d’accusation du tribunal de la ville de Ghardaïa avait placé sous contrôle judiciaire cinq militants du FFS, dont Hamou Mesbah, secrétaire national chargé de la solidarité.

Les accusations sont très lourdes : «Tentative de renverser le régime», «incitation à prendre les armes», «incitation à la violence et à la haine». Les avocats des cinq prévenus, Hamou Mesbah, secrétaire national chargé de la solidarité, Baba Oumoussa Bahmed, membre du conseil national du FFS, Khodir Babaz, membre du conseil national du FFS, Omar Bouhedjiba, militant du parti et Dadi Nounou Noureddine, militant associatif et membre du comité de coordination et de suivi des événements de Ghardaïa, ont qualifié cet acte d’absurde, car la chambre d’accusation s’est appuyée sur des com-mentaires et des publications sur une page facebook.

Accusant la mafia du foncier d’être derrière cette cabale, Hamou Mesbah la désigne comme «un lobby puissant dans la région, qui tire les ficelles et cherche à nous faire taire», rejetant toutes les accusations. «Nous sommes des gens de paix, jamais nous n’avons incité à la violence, ce n’est pas dans notre culture. Notre tort est d’avoir osé dire non à la déstabilisation de Ghardaïa». Avec cette décision du juge d’instruction de maintenir le contrôle judiciaire pour les cinq militants, il est évident que le feuilleton judiciaire n’est, pour ainsi dire, pas clos. L’épée de Damoclès demeurant suspendue au dessus de leurs têtes.
Djamel K.