Le sort des otages met les autorités sur le gril

L’opinion algérienne entre vengeance et prudence

Le sort des otages met les autorités sur le gril

Le Quotidien d’Oran, 5 septembre 2012

L’annonce par le groupe terroriste du Mujao de l’assassinat du vice-consul algérien Tahar Touati est une épreuve terrible pour sa famille et ses proches. Elle met aussi en émoi les familles des trois autres otages algériens détenus par les terroristes.

Cette évolution met également les autorités algériennes sur le gril.

Le sort funeste réservé, selon le Mujao, à Tahar Touati, pousse déjà à soulever la question de l’absence d’un ordre d’évacuation au personnel du consulat algérien de Gao alors que la déconfiture de l’armée malienne était évidente. La question se pose d’autant plus que l’Algérie, en faisant campagne contre le paiement des rançons et la libération des détenus, ne dispose pas de marges et devait donc faire prévaloir, en toute circonstance, le principe de précaution. On n’attend pas qu’une force hostile conquérante arrive au pas de la porte dans un pays qui échappe à nos forces de sécurité. Toujours est-il que cette prise d’otages met à rude épreuve la «ligne» du gouvernement et, il faut le dire, une partie de l’opinion est sensible au fait que d’autres Etats, tout en proclamant officiellement ne pas payer de rançons, utilisent des moyens détournés pour sauver leurs citoyens. Quand on est dans la ligne du «niet» de l’Algérie, il faut à tout prix éviter de voir son personnel tomber entre les mains des terroristes car ces derniers se donneront nécessairement pour objectif d’essayer de discréditer cette position.

LA QUALITE DE L’INFORMATION EN QUESTION

Y a-t-il eu un excès de confiance sur les capacités des éléments du MNLA à protéger le consulat algérien ? Il y avait, en effet des éléments du MNLA, qui se sont postés en «protecteurs» devant le consulat mais ils ont cédé, sans coup férir, devant les menaces des terroristes du Mujao. Si cette confiance à l’égard du MNLA, dont le poids s’est avéré inconsistant malgré sa très forte médiatisation, a joué, cela signifie que la qualité de l’information dont disposait l’Algérie n’était pas de premier ordre. Pour les autorités algériennes qui se sont constamment prononcées contre une intervention au nord du Mali, la nouvelle de l’assassinat de Tahar Touati crée, pour la première fois depuis le début de la crise dans le pays voisin, une pression d’une partie de l’opinion en faveur d’une riposte. Dans les forums où les internautes algériens s’expriment sans se limiter, on exige que le sang algérien soit «vengé» promptement. Certes, la conduite de la politique extérieure de l’Algérie – ou de la politique tout court – dépend très peu du poids de l’opinion publique en général. Mais dans le cas présent, contrairement à la situation de l’Algérien pris en otage par Al-Qaïda en Irak où les choses sont allées très vite, le sort des otages algériens du nord du Mali est suivi depuis des mois par les médias. L’opinion publique est très sensibilisée au sujet et pèse de ce fait. L’assassinat de Tahar Touati met-il fin aux contacts avec les ravisseurs qui, selon le communiqué publié par les AE après la sinistre annonce du Mujao, «n’étaient pas rompus». Il n’est pas certain que les autorités aient renoncé tout à fait.

NEGOCIER OU PUNIR

Des informations font état de l’arrivée à Alger, lundi, de deux notables arabes de la région de Gao qui pourraient, comme ce fut le cas dans d’autres affaires d’otages, être des leviers pour une solution où l’Etat n’apparaît pas. Mais dans le cas de figure présent, l’exigence porte sur la libération de celui qui fait figure du numéro 2 d’Aqmi. Il est improbable que les autorités algériennes puissent accepter une telle exigence, ce qui rend difficile de faire évoluer la situation. Le dossier des otages va-t-il interférer dans la conduite de l’Etat algérien ? Le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), grand perdant au nord du Mali, a dénoncé l’exécution de l’otage et a demandé à la communauté internationale de «faire preuve d’engagement sincère et solidaire dans la lutte contre le terrorisme dans cette zone» car l’ancrage des «groupes terroristes dans le Sahel devient une menace permanente contre tous les Etats de la région». Mais c’est surtout la colère de plus en plus forte de l’opinion algérienne – et cela risque de devenir encore plus fort en cas d’atteinte à l’intégrité physique des autres otages – qui pèsera dans le choix des autorités algériennes. Il est clair que l’armée algérienne, par tradition et par choix, ne veut pas se retrouver à s’occuper de maintenir l’ordre en terre étrangère, même si elle est voisine. Mais techniquement rien n’interdit de penser que des opérations peuvent être menées pour faire payer aux terroristes le prix cher. Dans ce cas, la cible ne devrait pas se limiter au Mujao mais devrait concerner Ançar Eddine dont le leader, Iyad Ag-Ghaly, est considéré comme pleinement responsable du sort des Algériens.