Sahel: Une question déjà ancienne

Une question déjà ancienne

El Watan, 23 janvier 2010

La situation dans la région du Sahel suscite un vrai débat, bien qu’à distance, révélant en ce sens des divergences qui semblent bien réelles, non pas sur la question, mais sur son traitement.

L’Union européenne vient justement de l’aborder dans la ville espagnole de Tolède, non loin de Madrid. Mais dans le cadre d’une réunion informelle, une précaution de style ? Ou tout simplement, parce que comme son nom l’indique, elle ne donne pas lieu à des conclusions officielles. Pas aussi évident que cela, selon nombre d’experts, mais pas pour les diplomates européens, selon lesquels le recours à cette forme permet un débat plus libre et ne donne lieu à aucun engagement. Ce n’est pas en tout cas l’avis du ministre espagnol de l’Intérieur dans ses déclarations annonçant cette réunion, lui, qui parlait d’engagements, afin, disait-il, de « contrôler ces régions qui ne sont parfois même pas contrôlées par leurs propres gouvernements ».

Contrôler est certainement le terme qui revient avec le plus de force dans cette déclaration. D’où alors la question qui en découle, qui doit s’en charger ? Plus simplement, l’UE a-t-elle compétence ou est-elle habilitée pour aborder ainsi une telle question, il est vrai, préoccupante, alors même que cela se déroule sur un autre continent. A vrai dire, et que cela se fasse dans le cadre de réunions informelles ou celles qui ne le sont pas, l’UE s’est toujours octroyée une certaine liberté, avec à la clé des résolutions menaçant jusqu’à la souveraineté de certains pays. Avec déjà le Maghreb, se rappelle-t-on en juin 1992, ou encore la réunion tout aussi informelle de Salamanque en 1993. Contrôler alors quoi, comment et avec qui ? puisque la question se pose en ces termes. Mais est-ce que cela va de soi, puisque cela requiert l’aval des pays en question ?

En ce qui la concerne, l’Algérie n’a jamais caché son approche, celle qui consiste à impliquer les seuls pays de la région. Le ministre des Affaires étrangères en a rappelé les termes cette semaine. Mourad Medelci a en effet souligné que la solution à cette question se trouve entre les mains de ces pays. Plus que cela, dira-t-il, « le Sahel ne doit pas être surmédiatisé comme on tente de le faire un peu trop », avant d’affirmer que « nous devons faire en sorte que les pays de la région gèrent eux-mêmes ce problème ». Tout en récusant l’approche européenne telle que préconisée par la présidence espagnole, M. Medelci a utilisé le terme de surmédiatisation, lequel suggère un côté excessif.

Pour quel but, car, il y a bien lieu de s’interroger, tant cette région a toujours souffert d’ingérences locales et extérieures qui avaient attisé certains conflits ? Pour créer des abcès de fixation ? Ce qui n’est pas faux pour nombre de spécialistes, soulignant le caractère stratégique de la région, celle-ci étant au moins le trait d’union entre le nord et le sud de l’Afrique. Au même temps, l’Algérie avait engagé tous ses moyens pour aider au règlement des conflits azaoued au Mali et au Niger, faire taire les armes et éviter que cette région échappe à tout contrôle et devienne un immense espace ouvert à toute aventure. Sa médiation est très appréciée et l’efficacité de sa diplomatie reconnue. L’intérêt pour cette région n’est donc pas nouveau, il est vieux de quelques décennies, même si certains croient le découvrir. Mais justement pour quelle raison, car il y en a toujours une ? Et c’est certainement ce qui explique la divergence d’approche.

Par Mohammed Larbi