La CEDEAO met les dernières touches à son intervention au Mali, l’Algérie dans l’expectative

La CEDEAO met les dernières touches à son intervention au Mali, l’Algérie dans l’expectative

Aïssa Bouziane, Maghreb Emergent, 16 Septembre 2012

L’Algérie est toujours dans l’expectative, deux semaines après l’annonce de la mort de Tahar Touati, le consul algérien à Gao, au nord du Mali, qui aurait été assassiné par ses ravisseurs du MUJAO. Les autorités algériennes continuent d’entretenir l’espoir, en affirmant prudemment qu’elles poursuivent leurs démarches pour vérifier cette information, tant qu’une preuve de la mort du consul n’est pas disponible. De son côté, la CEDEAO met le point final aux préparatifs d’une intervention militaire au Mali.

Une réunion cruciale se tient lundi à Abidjan pour décider du sort du Mali, alors que l’Algérie, empêtrée dans l’affaire Tahar Touati et soumise à des pressions contradictoires, hésite toujours. Faudra-t-il poursuivre les efforts diplomatiques, et refuser une intervention militaire au Mali, ou faudra-t-il se résoudre à cette intervention, qualifiée d’inéluctable par le ministre français de la défense Jean-Yves Le Drian?

Les pays de la CEDEAO réunissent leurs ministres des affaires étrangères et de la défense lundi à Abidjan, pour éventuellement avaliser une intervention militaire destinée à reconquérir le nord du Mali, occupé depuis le printemps par des organisations islamistes, Ansar Eddine, le Mouvement pour l’Unité du Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Une réunion des chefs d’état-major des pays de la CEDEAO s’est tenue vendredi et samedi, toujours à Abidjan, pour préparer techniquement une intervention, à laquelle la France, véritable maitre d’œuvre de l’opération, apporterait une aide logistique.

En fait, les pays de la CEDEAO sont prêts, et ils pressent le Mali de mieux se préparer à cette échéance. Après la demande formelle adressée par le président intérimaire malien, Dioncounda Traoré, demandant l’aide militaire de la CEDEAO, les principaux acteurs politiques maliens ont été appelés par la CEDEAO à faire preuve de « cohérence ». Autrement dit, à éviter toute fausse note dans le soutien à l’intervention militaire extérieure, et à adopter une feuille de route consensuelle pour la suite.

Ces bruits de bottes interviennent deux semaines après l’annonce de la mort de Tahar Touati, consul algérien à Gao, enlevé le 5 avril dernier par le MUJAO, que cette obscure organisation a annoncé avoir tué le 1er septembre. Depuis, aucune information n’est venue confirmer la mort effective de M. Touati. Les autorités algériennes, prudentes, ont affirmé qu’elles ont engagé des vérifications. Le ministre des affaires étrangères Mourad Medelci a de nouveau déclaré ce week-end que ces opérations de vérifications, « difficiles », n’étaient pas encore terminées. Ce qui signifie que les autorités algériennes gardent l’espoir de récupérer le fonctionnaire algérien vivant.

Cette situation est très inconfortable pour l’Algérie. Elle met les autorités algériennes dans une situation intenable face aux familles des otages, des familles qui commencent d’ailleurs à exprimer publiquement leur désarroi. En outre, elle contraint l’Algérie à une prudence excessive, toute initiative algérienne et tout faux pas risquant de mettre en péril la vie des otages.

Perplexité à Alger

La position de l’Algérie est d’autant plus délicate qu’elle a longtemps plaidé contre le paiement de rançons aux ravisseurs, alors que le MUJAO réclame précisément le paiement de 15 millions d’euros et la libération de trois de ses membres récemment arrêtés en Algérie. Les autorités algériennes reprochaient aux pays occidentaux d’avoir donné naissance à une véritable industrie de la rançon en acceptant de payer quelques millions de dollars pour récupérer leurs ressortissants. L’Algérie a même demandé à l’ONU d’examiner la question.

L’annonce de la mort de Tahar Touati a aussi laissé les dirigeants algériens perplexes. D’abord parce que des négociations étaient en cours pour sa libération. De plus, des spécialistes de ce genre de situation voient mal le MUJAO assassiner un otage du pays voisin le plus puissant, alors que ce mouvement prétend jouer un rôle politique au Mali. « Si le MUJAO a réellement assassiné Tahar Touati, il n’a aucun avenir politique au Mali», estime un ancien militaire algérien qui a longuement séjourné dans la région.

Un ancien diplomate algérien est formel. « Si le MUJAO a réellement assassiné Tahar Touati, il prouverait qu’il sert de simple couverture à des organisations criminelles ou à des forces qui le manipulent. On ne peut pas prétendre diriger un Etat et assassiner des otages qui sont, de plus, des ressortissants du pays voisin le plus riche », dit-il. Pour lui, la situation va s’accélérer, avec « une décantation possible avant le début de toute intervention militaire ».